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Lettre ouverte à Macron, appel aux élus: le monde du sport remet la pression pour sauvegarder ses moyens et l'engagement de l'Etat, à l'aube d'une réforme d'ampleur qui va rebattre les cartes.
"Nous, sportifs et sportives de haut niveau, nous sommes très inquiets", déclarent 400 champions dans une lettre ouverte diffusée jeudi sur le site internet du Parisien. Parmi eux, il y a toute l'élite: le judoka Teddy Riner, dix fois champion du monde et double champion olympique, le biathlète Martin Fourcade, le plus titré aux Jeux d'hiver (cinq fois en or), ou Kevin Mayer, tout juste recordman du monde du décathlon.
Les présidents de fédérations olympiques d'été ont mis une deuxième couche dans L'Equipe vendredi, avec un courrier "aux élus de la Nation". "Incertitudes sur les financements, incompréhensions des choix politiques, manque de considération pour le mouvement sportif, les citoyens que nous sommes ne comprennent pas pourquoi le sport qui apporte tant, est toujours cible de coupes budgétaires et constitue la variable d'ajustements des gouvernements successifs", protestent-ils.
L'initiative des sportifs de haut niveau est rare et traduit l'incompréhension qui n'a cessé de grandir depuis que Paris a été désignée ville-hôte des Jeux olympiques de 2024, en septembre 2017. Une annonce accompagnée d'un objectif ultra ambitieux de 80 médailles - le double d'aujourd'hui - lancé par la ministre des Sports de l'époque, Laura Flessel.
Dans le même temps, sur fond d'objectif de réduction des déficits du gouvernement, le budget du ministère des Sports a dégringolé à 451 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2019, après deux baisses successives; il se situait à 517 millions en 2017.
Arrivée en septembre, l'actuelle ministre des Sports et ancienne championne de natation Roxana Maracineanu a beau répéter qu'un poste de dépenses était surévalué dans le budget précédent, et qu'elle a pu dégager une enveloppe de 40 millions d'euros pour de nouvelles mesures, cela n'a pas apaisé les inquiétudes. Selon plusieurs sources, le gouvernement pourrait soutenir une rallonge de 15 millions d'euros, lors du débat budgétaire en cours à l'Assemblée.
- La réforme éclipsée -
"Nos victoires, nos médailles ont contribué au rayonnement de la France dans le monde entier", "elles ont servi d'exemples, suscité des vocations, un engouement pour la pratique sportive et surtout une transmission des valeurs citoyennes auprès des nouvelles générations", revendiquent les champions tels que le perchiste Renaud Lavillenie, les cyclistes Julian Alaphilippe, Thibaut Pinot ou Anthony Roux, et au-delà, un panel de sportifs de tous horizons, du canoë à l'escrime, de la lutte au pentathlon moderne, jusqu'au char à voile.
Or, ces victoires "ne sont pas le fruit du hasard", "elles sont totalement liées à la qualité, à l'engagement et à la passion des cadres techniques sportifs qui ont œuvré au quotidien pendant nos carrières", ajoutent-ils, avant de demander "le maintien d'un encadrement public au sein de nos disciplines sportives" pour "garantir la réussite de demain".
Le message est clair: il vise à défendre les cadres d'Etat, appelés aussi CTS (Conseillers techniques sportifs), au nombre de 1.600 et qui sont placés auprès des fédérations comme entraîneurs pour le haut niveau ou formateurs pour les éducateurs dans les clubs, avec un statut de fonctionnaires. C'est l'autre sujet qui fâche, depuis la révélation d'une lettre de cadrage de Matignon demandant fin juillet la suppression de 1.600 ETP (équivalent temps plein) dans les effectifs du ministère des Sports d'ici 2022.
"Les missions de ces agents vont changer, leur mode de gestion va aussi évoluer, mais il n'y a personne qui va perdre son emploi", a encore souligné Roxana Maracineanu, sur France Info. Ce n'est pas la seule réforme à venir. Le gouvernement devrait officialiser dans les semaines à venir la création d'une agence du sport, appelée à piloter le haut niveau et le développement des pratiques, en mettant autour de la même table l'Etat, le mouvement sportif (comité olympique français et fédérations), les collectivités territoriales, qui représentent le premier contributeur du sport, et dans une moindre mesure le monde économique.
Mais pour l'instant, ce nouveau modèle, qui remplacera celui de la tutelle de l'Etat, a été éclipsé par la question des moyens.