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En dépit d'une loi qui l'interdit, la Cour constitutionnelle a décrété mercredi que le suicide assisté peut être jugé licite en Italie si une série de conditions sont réunies, une décision qualifiée de "victoire" par les partisans de l'euthanasie.
Dans une sentence très attendue, la haute cour a estimé que l'aide au suicide "n'est pas punissable" quand sont respectés "le consentement éclairé" de la personne, "les soins palliatifs", "la sédation profonde" ainsi qu'un contrôle ("vérification de ces conditions et des modalités d'exécution" du suicide assisté) effectué par les autorités de santé publique après "avis du comité éthique" local.
La Cour a souligné que l'aide au suicide ne peut concerner que des patients "maintenus en vie par des traitements vitaux et atteints d'une pathologie irréversible, source de souffrances physiques et psychologiques jugées insupportables, mais pleinement en mesure de prendre des décisions libres et conscientes".
La Cour a aussi précisé que sa décision était prise "dans l'attente d'une intervention indispensable du législateur", demandant donc au parlement de modifier la législation en vigueur.
En Italie, pays à forte tradition catholique, l'euthanasie est interdite et le code pénal punit "l'instigation ou l'aide au suicide" avec des peines comprises entre 5 ans et 12 ans de prison.
Les juges constitutionnels étaient saisis du cas de Marco Cappato, un responsable du Parti radical (historiquement favorable à l'avortement et à l'euthanasie), qui avait conduit un célèbre DJ italien en Suisse en 2017 pour un suicide assisté.
Fabiano Antoniani, dit DJ Fabo, grand voyageur, pilote de moto-cross et musicien, était resté tétraplégique et aveugle après un accident de la route en 2014.
"A partir d'aujourd'hui nous sommes tous plus libres, y compris ceux qui ne sont pas d'accord" avec l'euthanasie, s'est félicité M. Cappato sur Facebook, évoquant une "victoire de la désobéissance civile". "Pour moi aider DJ Fabo était un devoir, la Cour a établi que c'était son droit", a-t-il ajouté.
Beppino Englaro, papa d'Eluana, plongée dans un état végétatif et qui fut entre 2008 et sa mort en 2009 un symbole de la lutte pour l'euthanasie, a salué en M. Cappato "un pionnier qui a ouvert la voie vers l'établissement d'un droit".
- "Autoroute vers l'euthanasie" ? -
Selon l'association italienne Coscioni, plus de 800 Italiens se sont identifiés sur son portail "SOS Euthanasie", en se disant prêts à recourir au suicide assisté.
Matteo Salvini, l'ex-ministre de l'Intérieur d'extrême droite qui a fait des appels du pied ces derniers mois aux catholiques conservateurs, s'est dit totalement "opposé au suicide d'Etat imposé par la loi" car, a-t-il martelé, "la vie est sacrée et je ne reviendrai jamais sur ce principe".
"Je suis inquiet" qu'avec "la dépénalisation du suicide assisté, on n'ouvre une autoroute vers l'euthanasie", a dit à Vatican News don Roberto Colombo, membre de l'académie pontificale pour la vie et professeur de neurobiologie à l'Université catholique de Milan. "La mort d'un membre de la société est une blessure incurable pour toute la collectivité", a-t-il dit.
Le président de la puissante association des médecins catholiques (AMCI) Filippo Boscia a annoncé une "objection de conscience" des professionnels face à "une dérive vers l'euthanasie et à une violation de notre code déontologique".
Le pape François avait condamné vendredi dernier le suicide assisté, demandant de "repousser la tentation favorisée aussi par des changements législatifs d'utiliser la médecine pour satisfaire une possible volonté de mort du malade".
"Je me sens dans une cage. Je voudrais pouvoir choisir de mourir sans souffrir", avait écrit DJ Fabo au président italien Sergio Mattarella, avant de demander à M. Capato de le conduire en Suisse à l'âge de 40 ans.
M. Cappato s'était auto-dénoncé à la justice afin de susciter un débat et dénoncer une démarche accessible uniquement aux Italiens qui en ont les moyens physiques et financiers.
La cour d'assises de Milan, saisie de la procédure contre M. Cappato, avait demandé à la Cour constitutionnelle des éclaircissements sur le droit en vigueur.
La Cour ne s'était pas directement prononcée, donnant un an en octobre 2018 au Parlement pour légiférer. Les parlementaires n'ayant pas statué, la Cour s'est réunie pour une audience mardi, avant d'annoncer sa décision mercredi soir.