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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a suspendu jusqu'à nouvel ordre le projet de démolition d'un village bédouin en Cisjordanie occupée, devenu emblématique de l'opposition à l'occupation et à la colonisation israéliennes.
Cette décision a été annoncée alors que les forces de sécurité israéliennes se préparaient à l'expulsion des 200 habitants de Khan al-Ahmar et à la démolition de cette localité située près de Jérusalem, entre deux colonies.
Elle a suscité la colère des alliés du Premier ministre israélien au sein de sa coalition gouvernementale et le scepticisme des habitants qui doutent qu'une solution puisse être trouvée à l'amiable.
"L'objectif est de laisser une chance aux négociations et aux propositions que nous avons reçues de différentes parties, y compris ces derniers jours", a indiqué dimanche le bureau de M. Netanyahu.
Mais quelques heures après la publication de son communiqué, M. Netanyahu a semblé vouloir minimiser l'importance de cette décision, soulignant que le village serait in fine détruit.
"C'est notre politique et elle sera mise en place. (...) Je n'ai pas l'intention de la reporter indéfiniment, mais pour une période courte et limitée", a-t-il déclaré avant une rencontre à Jérusalem avec le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin.
Le sursis accordé sera déterminé par le cabinet de sécurité qui doit se réunir plus tard dimanche, a-t-il précisé.
Les autorités israéliennes accusent les bédouins de Khan al-Ahmar de s'y être installés illégalement, et leur donnaient jusqu'au 1er octobre pour partir et démolir toute construction.
Le sort de ce village de tôle et de toile a suscité la préoccupation de certains pays, dont huit membres de l'Union européenne qui ont appelé en septembre Israël "à revoir sa décision".
- "Ruse" -
L'ordre de quitter le village fait suite à des années de bataille juridique, après l'échec de négociations sur un éventuel déplacement.
Depuis la décision, début septembre, de la Cour suprême israélienne de donner son feu vert à la démolition, des initiatives informelles ont toutefois émergé afin de trouver un compromis, a rapporté à l'AFP l'un des avocats de la communauté bédouine.
"Nos propositions sont basées sur ce que nous avons dit à la Cour, que nous sommes disposés à nous déplacer quelques centaines de mètres plus au nord", a expliqué Tawfik Jabarine, précisant que le gouvernement israélien n'avait pas encore réagi à cette offre.
Il a refusé de révéler l'identité du médiateur entre les habitants et les autorités.
Dimanche, les habitants du village bédouin ont réitéré leur intention de rester sur place.
"Notre stratégie est de rester sur notre terre, et nous n'en partirons pas", a affirmé Eid al-Jahalin à l'AFP, ajoutant que la décision israélienne "pourrait changer à tout moment".
Selon un autre habitant, Ibrahim Abou Dahuk, le report annocé pourrait cacher une "ruse", afin que les militants défendant le village s'en aillent avant l'expulsion des bédouins et la démolition de leurs habitations.
"Nous ne faisons pas confiance aux juifs", a-t-il dit.
- "Crime de guerre" -
La décision de M. Netanyahu a suscité la colère de ses deux principaux alliés au sein de la coalition gouvernementale, le ministre de la Défense Avigdor Lieberman ayant fait savoir qu'il était contre le report, tout comme le ministre de l'Education, Naftali Bennett.
Ce dernier a souligné que la loi devait être respectée, "même si la communauté internationale s'y oppose et menace".
Mercredi, le procureur de la Cour pénale internationale avait prévenu Israël qu'une "évacuation par la force" risquait de constituer un "crime de guerre".
Pour les organisations hostiles à l'occupation israélienne, ainsi que pour l'Union européenne ou l'ONU, l'affaire dépasse largement le village en question: d'après elles, l'avenir de milliers d'autres bédouins de Cisjordanie est en jeu.
Elles craignent que la destruction de Khan al-Ahmar n'ouvre la voie à de nouvelles constructions de colonies dans un secteur stratégique: cette opération permettrait en effet d'étendre et de relier de larges blocs de colonies autour de Jérusalem.
Cela achèverait de boucler Jérusalem et de restreindre l'accès des Palestiniens de Cisjordanie à la partie orientale de la Ville sainte, rendant encore plus hypothétique la création d'un Etat palestinien, selon les défenseurs des bédouins.
Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est, annexée par Israël, la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.