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170 pays échouent à s'entendre sur un traité mondial contre la pollution plastique: qu'est-ce qui coince?

Les négociations à Busan pour un traité mondial contre la pollution plastique se sont soldées par un échec. Les délégués de 170 pays devront reprendre les discussions en 2025, les divergences restant profondes sur la production, les produits chimiques et le financement.

Les délégués de plus de 170 pays réunis à Busan, en Corée du Sud, ont échoué dimanche à s'entendre sur un traité mondial contre la pollution plastique. Ils devront poursuivre les négociations en 2025, sans qu'une date ou un lieu ne soient encore fixés. Voici les principaux points d'achoppement des discussions.

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Production

La résolution de l'ONU de 2022 qui a lancé les négociations prévoit "une production et une consommation durable du plastique". Cependant, cette notion divise profondément les parties.

Une coalition de pays dite "des hautes ambitions" milite pour une réduction de la production de plastique vierge et l’élimination des plastiques jugés non nécessaires, comme ceux à usage unique. "Il ne sert à rien de passer la serpillière quand on laisse le robinet ouvert", a déclaré Anthony Agotha, envoyé spécial de l'Union européenne pour le climat et l'environnement.

En revanche, des pays producteurs de pétrole comme la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite s’opposent à toute réduction contraignante. "L'objectif de ce traité est de mettre fin à la pollution par le plastique, et non au plastique lui-même. Le plastique a apporté d'immenses bénéfices aux sociétés du monde entier", a affirmé le délégué du Koweït Salmane Al-Ajmi.

"Produits chimiques problématiques"

La "Coalition des hautes ambitions", menée par le Rwanda et la Norvège, prône une élimination progressive des substances chimiques préoccupantes présentes dans les plastiques, au nom de la santé humaine. La cheffe de la délégation mexicaine, Camila Zepeda, a affirmé : "Tout accord doit contenir une obligation claire et juridiquement contraignante d'éliminer progressivement les produits plastiques les plus nocifs et les substances chimiques préoccupantes", une position soutenue par 95 pays.

Pourtant, certains États rejettent ces mesures, invoquant des régulations nationales ou internationales existantes. Selon le Centre pour le droit international de l'environnement (CIEL), plus de 200 lobbyistes des industries pétrolières et chimiques ont participé aux négociations, ce qui a amplifié les blocages.

Financement

La mise en œuvre d’un traité nécessitera des investissements massifs, notamment pour la gestion des déchets plastiques. Les pays en développement, qui manquent de ressources, demandent la création d’un fonds multilatéral. Cependant, un profond désaccord persiste sur le financement : qui paiera quoi, et comment ?

Les pays en développement estiment que les nations riches, historiquement responsables de la production de plastique, doivent prendre en charge ces coûts. En revanche, les pays développés soulignent que la production actuelle est majoritairement le fait des pays en développement. "L’instrument devrait respecter les différences nationales et refléter l’équité et l’inclusivité", a déclaré la déléguée chinoise en fin de session.

Mondialement contraignant ou nationalement déterminé ?

Une autre question majeure concerne la structure du traité : doit-il imposer des normes mondiales contraignantes ou permettre à chaque nation de fixer ses propres objectifs ?

L'Union européenne a déclaré qu'elle ne soutiendrait pas "un traité dans lequel chaque partie ne ferait que ce qu'elle juge nécessaire". À l’inverse, certains pays, comme l’Iran, insistent sur la création d’un comité d’évaluation qui suivrait les progrès sans imposer de surveillance stricte.

Nous avons effectué de très, très bons progrès

Des progrès importants ont été accomplis à Busan, même si aucun accord n'a pu être conclu dans le délai imparti, a estimé lundi la cheffe du Programme environnemental de l'ONU, Inger Andersen.

"Il est évident qu'il ne s'agit pas d'un échec", a affirmé Mme Andersen dans un entretien avec l'AFP, qualifiant de "très ambitieux" le délai de deux ans fixé en 2022 pour la conclusion de ce traité mondial historique.

"Nous avons effectué de très, très bons progrès", a-t-elle insisté.

A Busan, le diplomate présidant les négociations a obtenu que tous les pays acceptent, comme base de la négociation, un texte réduit à une vingtaine de pages rédigé par lui-même. Selon Mme Andersen, cela constitue déjà une avancée.

"Nous sommes arrivés avec un papier long de 77 pages. Nous avons maintenant un texte de traité propre et rationnel", a-t-elle dit. "Cette avancée est significative et je m'en réjouis franchement".

De nombreuses contradictions dans l'avant-projet de traité

Mais même le nouvel avant-projet de traité comporte un nombre colossal de contradictions et, en terminant la réunion de Busan, plusieurs pays ont insisté pour que l'ensemble de ce texte soit ouvert à la renégociation ou amendable lors du prochain cycle de négociations.

Ce qui amène les organisations de défense de l'environnement à redouter que cette nouvelle phase de pourparlers ne fasse que reproduire l'impasse constatée à Busan.

"Des conversations significatives" sont nécessaires entre les pays pour réduire leurs divergences avant de nouveaux pourparlers, a reconnu Mme Andersen.

"Je pense qu'il n'y a pas lieu de se réunir si nous ne pouvons pas trouver une voie entre Busan et le texte qui sera présenté" lors de la prochaine conférence, a-t-elle déclaré.

Il est clair qu'"il existe un groupe de pays qui portent la voix d'un secteur économique", a estimé Mme Andersen, en faisant référence à l'industrie pétrolière et pétrochimique. Mais elle a ajouté qu'aller de l'avant reste possible.

"C'est comme ça que fonctionnent les négociations. Les pays ont des intérêts différents, ils les exposent, et alors des conversations doivent avoir lieu (...) pour chercher un terrain d'entente", a-t-elle expliqué.

Aucune date ni aucun lieu n'ont été encore fixés pour la reprise des négociations.

Néanmoins, Mme Andersen s'est dite "absolument déterminée" à voir un accord émerger en 2025. "Le plus tôt sera le mieux, car nous avons un énorme problème", a-t-elle averti.

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