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Dans un centre caritatif du sud de Téhéran, des adolescents apprennent à devenir journalistes. Un étage plus haut, leurs mères perfectionnent leurs talents de couturières sur des blouses devant être livrées à un hôpital.
Flambant neuf, ce centre situé à Shahr-é Rey, quartier ouvrier de la capitale iranienne, offre une prise en charge intégrée à des centaines de familles en difficulté et à des réfugiés afghans.
Une telle approche est relativement nouvelle en Iran où l'aide sociale a longtemps été assurée uniquement par des groupes informels proches des mosquées ou du Bazar (le milieu des marchands) avant d'être confiée pour une part croissante à de grandes organisations para-étatiques.
Ces dernières années, des ONG et des structures spécialisées dans la lutte contre la pauvreté ont éclos ici et là, au nom de "l'émancipation" et du "développement des compétences", esquissant un nouveau cadre de travail dans le secteur social en Iran.
Le centre de Shahr-é Rey est géré par la fondation Ilia, créée il y a dix ans par des travailleurs sociaux et de riches hommes d'affaires, en partenariat avec les agences de l'ONU pour les réfugiés et pour la santé, afin d'aider environ 1.000 familles défavorisées.
Derrière l'une des machines à coudre, Somareh Ghazvani s'applique. Cette femme de 27 ans est une réfugiée afghane de la deuxième génération. Selon le Haut Commissariat de l'Onu aux réfugiés (HCR), environ 3 millions de réfugiés afghans vivent en Iran, pays voisin de l'Afghanistan.
"C'était une surprise de trouver cet endroit", raconte Somareh Ghazvani. "Les conditions y sont bien meilleures que dans d'autres lieux où j'ai travaillé, donc je suis très contente".
- Le prochain Cristiano Ronaldo ? -
Dans la salle informatique, Masoumeh, 16 ans, travaille elle avec les logiciels Indesign et Photoshop dans le cadre de cours de journalisme.
"Nos familles comptent beaucoup sur ce centre. Ailleurs, les frais d'inscription sont tellement élevés qu'on ne peut pas se permettre de suivre des cours", dit-elle.
"Nous devons soutenir ces enfants dès leur plus jeune âge pour les mettre dans le droit chemin et les aider à rompre le cercle de la pauvreté de leur famille", estime Reza Taghdir, directeur de la fondation Ilia et médecin dans des hôpitaux réputés du Nikan Group.
Une autre association caritative, la Société Imam Ali des étudiants contre la pauvreté, a récemment organisé à Téhéran un tournoi de football pour les enfants des rues. Il a réuni des Azéris, des Baloutches, des Kurdes et bien d'autres communautés, rappelant la diversité de la population en Iran.
"La seule alternative pour la plupart de ces enfants, dans leur quartier, c'est la violence, la pauvreté et la misère. Nous avons essayé de leur donner confiance en eux à travers le football afin d'améliorer leur vie", explique Meysam Vahdei, directeur chargé des sports dans cette association qui regroupe 12.000 volontaires.
Obeidollah, un garçon de 10 ans, a voyagé en pleine nuit depuis Sarbaz, l'une des villes les plus pauvres d'Iran, dans le Sistan-Baloutchistan, pour participer à ce tournoi. Il rêve de devenir le prochain Cristiano Ronaldo.
"Certains membres de l'association sont venus (nous voir jouer) sur la place de notre ville. Ils m'ont vu faire un saut arrière et ont dit +Wouah! Quel garçon!+, et maintenant je me retrouve ici à Téhéran à jouer au football", raconte-t-il, surexcité.
- Pauvreté absolue -
Il est difficile de se procurer des chiffres officiels sur la pauvreté en Iran.
Selon le ministère du Travail, cité par le quotidien iranien Financial Tribune en janvier, 800.000 ménages sont éligibles aux aides gouvernementales car ils touchent moins de sept millions de rials (138 euros) par mois et sont ainsi en dessous du seuil de pauvreté.
Dans cet article, l'expert économique Hossein Raghfar estime que 12 millions d'Iraniens vivent dans une pauvreté absolue, dans un pays qui compte plus de 80 millions d'habitants. Confronté aux difficultés de l'économie, le président Rohani a été contraint de couper dans les aides sociales et de prendre d'autres mesures d'austérité depuis son arrivée au pouvoir en 2013.
Le gouvernement iranien peinait déjà à aider les familles défavorisées avant le rétablissement récent des sanctions américaines contre Téhéran, et celui-ci n'a rien arrangé: il a entraîné une hausse des prix vertigineuse, qui risque d'entamer sérieusement le budget iranien de cette année.
- "Trouver de vraies solutions" -
La pression est d'autant plus grande sur les associations caritatives et sur les donneurs privés pour secourir les familles dans le besoin.
Heureusement, souligne un soutien de l'association Ilia, qui a requis l'anonymat, "aujourd'hui, c'est plus professionnel, les donateurs sont plus jeunes et se préoccupent davantage de savoir comment trouver de vraies solutions aux problèmes de la société."
Autrefois, relève-t-il, faire un don à une cause caritative "n'était qu'une question de statut" et "ce n'était pas vraiment organisé". "Certaines personnes âgées se souciant de l'héritage qu'elles allaient laisser derrière elles donnaient une grosse somme d'argent... pour que soit construit quelque chose en leur nom".