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Xénophobie, gestes racistes: comment les hooligans se sont rapprochés de l'extrême droite

200. C'est le nombre de personnes qui ont été interdites de stade en Belgique… uniquement la saison dernière (2023-2024). Derrière ces sanctions disciplinaires, on retrouve souvent les hooligans. Qui sont-ils? Pourquoi sont-ils souvent associés à des idéologies d'extrême droite?

Ils sont souvent vêtus de noir, organisés et regroupés dans une certaine zone des tribunes des stades partout dans le monde: les hooligans. Il ne faut pas confondre hooligans et Ultras, explique Michael Dantinne, criminologue à l'Université de Liège et spécialiste du sujet. "Les hooligans sont à la fois fanatiques et violents", dit-il. 

Mais alors, qui sont ces personnes qui se rassemblent dans ou en dehors des stades pour, parfois, se "bagarrer"? "Ce n'est pas le stéréotype du gars de 25 ans qui n'a pas de travail et qui a un casier judiciaire. Il y a des personnes très intégrées socialement, d'autres moins, des jeunes et des moins jeunes… C'est un ensemble hétéroclite", avance Michael Dantinne.

Il continue: "Il y a des marqueurs qui forment le ciment du groupe, le rapport à l'équipe supportée, le rapport à la violence et s'il y a une forte idéologie politique, le rapport à l'idéologie."

Un peu d'histoire

Revenons sur ce dernier aspect avec Manuel Abramowicz, spécialiste de l'extrême droite et animateur du site RésistanceS qui suit ces mouvements. "Parmi la minorité de supporters qui sont hooligans, une partie est politisée", dit-il. S'il existe des groupes qui sont proches de l'extrême gauche, force est de constater qu'une majorité penche vers la droite radicale.

Le hooliganisme n'est pas nouveau et ses liens avec l'extrême-droite non plus. "C'est apparu dans les années 70 en Angleterre avec un hooligan du mouvement skinhead qui va se politiser, devenir membre du National Front (Front national britannique) et être chargé de recruter dans son groupe de supporters", explique notre interlocuteur.

Il faut attendre les années 80 pour que ce rapprochement entre groupes de supporters et extrêmes arrive en Belgique.

Pourquoi particulièrement l'extrême droite?

Cris de singe, saluts nazis,… Les parcages sont souvent propices à ce type de comportement, malgré les efforts des autorités compétentes pour les éviter. Outre l'aspect historique, comment expliquer cette présence accrue des idées nationalistes dans les stades?

"Ces groupes ne sont pas imperméables aux débats qui animent la société. On assiste à une montée des extrêmes partout et il est vrai que le terrain du hooliganisme est propice aux idéologies d'extrême droite. Il y a une culture machiste, une expression de la force masculine", explique Michael Dantinne.

Il ajoute: "Certains groupuscules ont compris que ce contexte, avec la foule, l'alcool et la drogue, était propice à l'expression de ces idées. Ainsi ils se permettent certains gestes."

Jusqu'où ça va?

À l'échelle belge, il est compliqué de savoir jusqu'où vont ces liens entre hooligans et extrême droite. Les personnes qui scandent des insultes racistes dans les tribunes du parc Astrid pourraient-elles aller plus loin? C'est difficile à dire. Toutefois, à l'étranger, il y a différents exemples où les idéologies prônées par les hooligans ont dépassé le contexte du stade.

Nos deux experts évoquent directement "les pays de l'est". Mais revenons plutôt sur le cas de l'English Defense League (EDL) outre-manche. Ce groupuscule britannique nationaliste a fait parler de lui il y a quelques semaines au moment des émeutes qui se sont multipliées dans le pays. Ils ont alimenté ces manifestations xénophobes. Au départ, l'EDL a été fondé par… des hooligans.

Retour en Belgique

Manuel Abramowicz énumère les liens connus entre les hooligans de grands clubs belges et l'extrême droite: "Cette mouvance est principalement présente au Beerschot, au RWDM, au club de Bruges, à Anderlecht et historiquement à Charleroi."

D'un autre côté, comme évoqué plus haut, il y a des hooligans plus proches des idées d'extrême gauche. Selon l'expert, c'est plutôt le cas au Standard et à l'Union Saint-Gilloise.

Les symboles

Outre les gestes et autres chants, l'idéologie d'un groupe de hooligan est facilement "repérable" par les drapeaux et symboles présents dans les tribunes, lance Michael Dantinne. "Il y a des symboles de l'extrême droite qui tendent à être cachés, mais qu'on peut arriver à voir. Les personnes qui les utilisent savent jusqu'où elles peuvent aller pour être à la limite de la légalité", explique-t-il.

Ainsi, certains s'affichent avec le numéro 88 d'apparence anodin. En réalité, il fait référence au H, la huitième lettre de l'alphabet. 88 pour "Heil Hitler". Autre exemple utilisé pour passer à travers les radars: le salut de Kühnen. Cela ressemble à un trois fait avec les doigts. Ce geste a différentes significations en fonction des régions du monde. Il est, dans le cas qui nous intéresse, utilisé comme alternative au salut nazi qui est interdit.

La loi football a été durcie en Belgique en 2023. Elle vise, entre autres, à dissuader les comportements racistes et xénophobes.

Notre Grand Format sur le hooliganisme est à voir ce vendredi à 19h50 sur RTL TVI et à revoir sur RTL Play. 

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