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Les maisons de repos Orpea sont dans la tourmente depuis la parution, le 26 janvier, du livre "Les Fossoyeurs", une enquête qui dénonce l'obsession de la rentabilité au sein du groupe privé. Le journaliste indépendant Victor Castanet y décrit un système où les soins, la prise en charge médicale, et même les repas des résidents sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité. Des révélations aux répercussions multiples.
Le titre Orpea, coté à la Bourse de Paris, a plongé. Le conseil d’administration du groupe Orpea a démis de ses fonctions le directeur général M. Yves Le Masne. L’onde de choc a rapidement traversé les frontières de l’hexagone, puisque le groupe est présent dans 23 pays européens. Il compte notamment 60 maisons de repos et de soins et 20 résidences-services en Belgique. Comme le ministre français de la santé Olivier Véran, la Ministre wallonne de la Santé Christie Morreale a diligenté des inspections dans plusieurs établissements Orpea.
Dans les maisons de repos, le pire et le meilleur se côtoient parfois
Dans son livre, l’auteur ne fait pas de généralités, mais le scandale éclabousse le secteur dans son ensemble. Christie Morreale a souligné la nécessité de "distinguer le bon grain de l'ivraie" par rapport aux 600 maisons de repos de Wallonie, tout en restant intransigeant sur les maltraitances. "Il y a dans les maisons de repos le pire et le meilleur qui parfois se côtoient. Certaines ont des conditions extrêmement bonnes", a-t-elle déclaré dans une interview.
Un reportage diffusé le 27 janvier dans le RTLINFO 19H donnait la parole à Claudia Reckinger, la secrétaire permanente pour le SETCa Brabant wallon, qui fustigeait des soins négligés et une alimentation laissant à désirer dans une résidence du groupe Orpea : la résidence de la Belle Alliance, à Lasne. "Vous avez des résidents qui à 11h, midi, n’ont toujours pas été nettoyés parce que le personnel n’a pas le temps. Et donc certains restent dans des langes souillés parce que les travailleurs n’ont plus le temps de pourvoir s’occuper décemment des résidents", racontait-elle.
Claudine, une grand-mère "très satisfaite" des soins et des repas
Stéphanie et son mari Bertran font entendre un autre son de cloche via le bouton orange Alertez-nous. Ils sont "scandalisés" par les propos de la secrétaire permanente de la SETCa Brabant wallon, qu’ils jugent "calomnieux". Il y a deux ans, la grand-mère de Stéphanie, Claudine, a quitté une résidence Orpea de Liège pour rejoindre celle de Lasne. "Nous y allons de manière quasi journalière et n’avons rien constaté ni entendu de ce genre", raconte Bertran. "Ma grand-mère, qui est pourtant quelqu’un d’extrêmement difficile, est très satisfaite tant des soins que des repas", résume Stéphanie.
Âgée de 98 ans, cette résidente a besoin de nombreux soins : "Elle a un kiné tous les jours, une logopède. Elle a besoin de pansements réguliers", raconte Stéphanie. "Je peux vous dire que quand ma grand-mère a besoin de quelque chose, ils viennent", poursuit-elle. "Les soins donnés sont au top", dit-elle. Quant à l’alimentation, "les repas sont variés et servis de manière très raffinée", estime-t-elle.
Stéphanie se rend à la résidence trois fois par semaine et sa mère tous les jours. "Donc forcément, on est très regardant", confie-t-elle. D’autant que le prix — 3.500, 4000 euros par mois, indique-t-elle — justifie leurs attentes "que ce soit vraiment parfait". Globalement, Stéphanie n’a "vraiment rien à reprocher" à la résidence Belle Alliance.
Une résidence qui manque de personnel ?
Néanmoins, Stéphanie estime que cette résidence manque effectivement de personnel. Un constat que déplorait Christie Morreale au micro de notre journaliste Mathieu Langer : "Depuis l’ouverture de la résidence Belle Alliance, nous n’arrêtons pas de dénoncer le sous-effectif chronique. Aujourd’hui les travailleurs font ce qu’ils peuvent avec le temps qu’ils ont. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Quand vous avez une aide-soignante qui se retrouve seule pour 22 cas Covid positifs, pour faire les toilettes donner les petits déjeuners, débarrasser les petits déjeuners, faire l’aide à l’alimentation… C’est de l’ordre de l’impossible".
Que doivent penser les résidents de cette résidence ?
Bertran s’inquiète du sentiment des résidents face à la polémique : "Que doivent penser les résidents de cette résidence ?", interroge-t-il. Et Stéphanie de préciser : "Il y en a certains qui ont dû se dire ‘mais où est-ce qu’on est ? Des gens qui n’ont plus tout à fait toutes leurs capacités, se demandent peut-être s’ils sont maltraités. Certains sont déjà peut-être malheureux d’être là parce que ce n’est pas une chose facile que d’aller dans une seigneurie".
Stéphanie ne remet pas en cause les inspections diligentées par le gouvernement. Elle juge légitimes les inquiétudes concernant le traitement des personnes âgées dans les maisons de repos, mais estime que la Belle Alliance n’est "pas forcément celle qu’il faut montrer du doigt".
Lara Kotlar, porte-parole de l'AViQ, que nous avons interrogée sur le cas de cette résidence, nous indique ne pouvoir communiquer sur "des dossiers et rapports en cours, afin de ne pas compromettre les éventuelles suites administratives".