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Depuis le 1er septembre, nous avons reçu pas moins de 55 messages via notre bouton orange Alertez-nous. Leur contenu était toujours similaire. D’une part, vous nous avez dénoncé des retards de paiements des allocations de chômage, allant de quelques jours à parfois plusieurs mois. D’autre part, il vous était quasiment impossible de joindre votre organisme de paiement pour régler le problème, que ce soit par téléphone avec des temps d’attente parfois infinis, avec des e-mails qui restent sans réponse ou avec d’énormes files devant les quelques bureaux ouverts.
Parmi ces messages, 19 concernaient la FGTB, 19 également la CSC, 13 la CAPAC et 4 la CGSLB. Une proportion plus ou moins représentative des "parts de marché" de chacun avant la crise : 44% pour la FGTB, 37% pour la CSC, 12% pour la CAPAC (Caisse Auxiliaire de Paiement des Allocations de Chômage) et 6,6% pour la CGSLB.
Nous avons soumis ces messages aux 4 organismes. Voici leurs explications :
On n’a jamais connu ça en Belgique, jamais
Quelques mois critiques à partir de mars
"Tout ça est vrai. Les trois syndicats et la CAPAC ont été dépassés par l’ampleur du chômage temporaire", explique le porte-parole de la CGSLB, Didier Sequin. Les 4 organismes de paiement "ont dû traiter 1,3 million de dossiers contre 300.000 à 400.000 normalement", ajoute-t-il. "Il faut bien se rendre compte qu'on n’a jamais connu ça en Belgique. Une augmentation de plus de 50% d’un mois à l’autre, jamais", ajoute Thierry Bodson, le président de la FGTB.
Mais ça, c’était au début de la crise. Il y a en effet eu pas moins de 967.000 chômeurs temporaires en mars, 1.170.000 en avril et 933.000 en mai, pour redescendre à 266.000 en août, selon les chiffres de l’Onem. Mais les problèmes recommencent depuis septembre. "Les demandes de mars – avril ont été résorbées en mai – juin, mais on a de nouveau eu un engorgement à partir de fin août", concède François Reman, le porte-parole de la CSC.
La charge de travail a été multipliée par 40
Moins de 1% des dossiers en retard aujourd’hui
A la FGTB comme à la CAPAC, on estime le nombre de dossiers toujours en retard à moins de 1%. La CAPAC est un service public. Elle n’a donc pas d’affiliés, et elle a déjà réalisé de gros efforts pour régler les problèmes de paiement au mieux. "On n’avait que 12% de 'parts de marché' avant crise. Mais on a reçu la majeure partie des chômeurs temporaires. On est devenu la plus grosse organisation de paiement (affirmation contestée par les 3 syndicats, ndlr). On a un travail gigantesque uniquement pour ce type de chômage : la charge de travail a été multipliée par 40. Nous avons reçu 470.136 demandes de chômage temporaire corona au total, dont moins de 1% restent à traiter. La majeure partie des allocations sont payées dans des délais raisonnables, mais les dossiers les plus compliqués sont ceux qui posent le plus de problèmes", détaille Inge Huyge, la porte-parole de la CAPAC.
Les raisons des retards de paiement et des difficultés pour les joindre
Il y en a quatre principales qui se dégagent.
Réintroduire un dossier pour chaque chômeur temporaire en septembre, c'était stupide
1. Un changement de catégorie de chômage temporaire
On retrouve premièrement un important surcroit de travail administratif depuis 2 mois. "A partir de septembre, environ la moitié des chômeurs temporaires ont dû réintroduire un dossier administratif car le chômage temporaire de force majeure corona est devenu un chômage temporaire économique. C’est stupide. On avait demandé à l’Onem une simplification administrative, pour pouvoir passer de l’un à l’autre sans devoir réintroduire de nouveaux dossiers, mais on ne l’a pas eue", regrette Thierry Bodson, le président de la FGTB.
Un dossier de chômage temporaire ou complet, c’est la même charge de travail. Sauf que le chômage temporaire varie souvent d’un mois à l’autre, et "chaque changement dans un dossier doit être encodé manuellement", rappelle la CSC. Car si "une procédure simplifiée a été mise en place pour ceux qui rentrent une demande d’allocations de chômage, elle n’est pas simplifiée pour les syndicats, la CAPAC, ni pour l’Onem qui traitent ces demandes derrière", ajoute la CGSLB.
2. L’Onem également touché par des retards
L’Onem justement, qui doit valider chaque demande, est une autre source de retards. "L’Onem prend plus de temps à nous revenir", note Thierry Bodson. Car eux aussi ont la même surcharge de travail à gérer. "L’Onem doit contrôler mais est aussi dépassé. Parfois la décision nous parvient avec 2/3 mois de retard. On reçoit des décisions de l'Onem pour des procédures entamées en juillet. Et s’il manque un papier", ça reporte encore l’acceptation du dossier, détaille la CGSLB, qui ne jette pas la pierre vu l’ampleur du travail de vérification des dossiers : "Ce n’est pas la faute de l'Onem si les dossiers sont difficiles. Des tas d'entrepreneurs ont déclaré des gens en chômage temporaire et les font quand même travailler."
Et sans validation de l’Onem, pas de versement des allocations. "Une fois que tous les documents sont en ordre, on doit commencer à calculer à combien l’affilié a droit. Et il ne faut pas se tromper car quand un syndicat se trompe, il doit rembourser l’Onem après. Voilà pourquoi on ne peut pas trop faire d'avance sur allocations", note encore le syndicat libéral. Un problème que ne connait cependant pas la FGTB : "Nous on n’attend pas l’autorisation de l’Onem. On paie anticipativement et on vérifie après coup. Le taux d’erreur est très minime", assure son président.
La ministre a communiqué sur 70% du salaire, mais c'est moins
3. Les gens étonnés de toucher moins que prévu... qui engorgent les lignes téléphoniques
Autre cause des retards, mais aussi des voies de communication engorgése : les mauvaises surprises au moment de découvrir la réelle compensation du chômage temporaire…
"La plupart des nouveaux chômeurs, qui n’avaient strictement aucune idée de ce qu’était le chômage, se sont dit qu’ils avaient touché trop peu. La ministre de l’Emploi (du gouvernement Michel) Nathalie Muylle a communiqué des chiffres trop hauts avec des maximas, alors que la moitié des gens sont en-dessous de la moyenne. C’est 70% du salaire perdu, mais plafonné, et auquel on retire le précompte professionnel (plus une petite contribution de l’Etat et une autre du secteur ou de l’entreprise). C’est surtout le précompte professionnel qui les a étonnés. Ils se sont demandés pourquoi ils avaient touché si peu et ont rappelé et rebouché tous les canaux pour nous joindre", explique la CGSLB. "Répondre à ces demandes nous a demandé beaucoup de travail de vérification. C’est pourquoi on a mis un outil sur internet pour savoir ce qu’ils allaient toucher et quand."
On a eu des jours à 12.000 coups de téléphone !
4. Les dossiers incomplets... qui engorgent aussi les lignes téléphoniques
Enfin, les dossiers auxquels il manque des documents sont encore et toujours source de problème. "Un des premiers cas de figure qui entraine des erreurs, ce sont les employeurs qui ne rentrent pas la déclaration de chômage temporaire. C’est un boulot énorme pour les petits entrepreneurs. Et c’est à nous de vérifier que l'un et l'autre (la demande de l’employé et la déclaration de l’employeur, ndlr) correspondent et de contacter l'employeur. Ça prend un temps gigantesque", détaille encore Didier Sequin de la CGSLB.
Ces dossiers incomplets entrainent un autre problème : ils engorgent les canaux de communication. "Quand il y a un souci dans un dossier, quelle que soit la raison, un document non remis, le secrétariat social qui n’a pas envoyé les informations, nous sommes difficilement joignables", avoue Thierry Bodson, qui ajoute : "Je reconnais qu’on a mis l’accent sur le traitement des dossiers de paiement" plutôt que sur les réponses aux appels, ce qui cause "des files très très longues pour nous joindre au téléphone".
Une priorité qu’il a fallu également mettre à la CAPAC. "On a fort élargi notre équipe de contact center. Mais même avec les 500 travailleurs en tout là-dessus, on a eu des jours à 12.000 coups de téléphone ! Ces 500 personnes ont fait des heures supplémentaires et ont travaillé les week-ends. Elles ont fait un grand grand grand effort. Dans la majorité, le nombre d’appels est revenu à la normale, sauf dans deux bureaux à Bruxelles et Anvers ou il y a encore des périodes d'attente. Mais si un agent est au téléphone, il n’est pas en train de traiter un dossier", note Inge Huyge.