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Aux portes du pouvoir, comment est perçu Bart De Wever depuis la Wallonie ?

Bart de Wever a plus que jamais les cartes en main. Le 9 juin dernier, son parti, la N-VA obtient 25.6 % en Flandre. Il est le premier parti au nord du pays. En Wallonie, pour la première fois, la N-Va a aussi présenté des candidats. Son score n’a dépassé pas les 2 %. Mais le président de la N-Va a démontré que les Wallons aussi l’intéressait. Après près de 20 ans à la tête du parti nationaliste flamand, Bart de Wever est-il aujourd’hui mieux perçu chez les francophones ? Fait-il peur ou est-il devenu fréquentable ?

Bart De Wever est désormais aux marches du palais, peut-être bientôt Premier ministre. Mais l'homme a-t-il vraiment changé ? Que reste-t-il du provocateur qui imprime de faux billets pour critiquer les transferts d'argent à la Wallonie ? Qu'en est-il de ses pleurs lors de l'enterrement de Karel Dillen, figure emblématique du Vlaams Belang ? Que penser du Bart De Wever qui s'adresse de nouveau aux Wallons ? 

J'ai peur que le Vlaams Belang puisse influencer la N-VA. 

Le sud du pays se souvient encore de certaines paroles, lui ont-ils pardonné ? Le champion de la Flandre, est-il devenu fréquentable ? Pour trouver des réponses, nous sommes partis avec Bart De Wever sous le bras. Première étape, Louvain-la-Neuve, cité universitaire née d'un conflit communautaire. Présente pour la première fois en Wallonie, la N-VA n'a séduit ici que 1,2 % des électeurs.

En ce dernier jour d'examen, nous sommes allés à la sortie d'une épreuve d'étudiants en sciences politiques. Lorsque que l'on demande,"qu'est-ce que vous pensez de Bart De Wever ?", ces jeunes sont assez unanimes : "Bart De Wever qui a quand même gagné pas mal de place aux élections qu'on vient d'avoir. Il a beaucoup de liens avec le Vlaams Belang, bien que ce soient des partis différents, mais j'ai peur que le Vlaams Belang puisse influencer la N-VA vers vraiment de l'extrême. Ce n'est pas ce qu'il faut au gouvernement". Pour cette autre étudiante, quelqu'un comme Bart De Wever pourrait être un danger pour son futur : "Je pense que oui, concrètement, avec certains de ses discours, ça peut créer de la panique pour des jeunes comme nous à 20 ans, qui vont sortir bientôt des études".

C'est une personne dangereuse pour la Belgique. 

Une autre ajoute : "J'essaye de m'éduquer un minimum politiquement, et peut-être que pour des gens moins éduqués, il va plus réussir à les attirer, entre guillemets, avec des discours assez simplistes". Pour cet autre étudiant, Bart De Wever n'est pas du tout rassurant. "Je pense que c'est une personne qui, avec beaucoup de pouvoir, pourrait être dangereuse pour la Belgique, oui. Je pense qu'il peut planter quelques graines pour le séparatisme belge, mais je ne pense pas que ce soit un danger immédiat".

Une image redorée 

Nul doute, Bart De Wever traîne une réputation, celle d'un flamingant, partisan d'une Flandre plus autonome que jamais. "Je ne suis pas contre la Belgique, je suis plutôt pour la Flandre", a-t-il déjà indiqué à plusieurs reprises.

Pour ce politologue, expert des nationalismes européens, le président de la N-VA garde ses fondements idéologiques, mais il n'est plus tout à fait le même homme. "Il est bourgmestre d'Anvers depuis deux mandats, donc c'est beaucoup plus un gestionnaire qu'un révolutionnaire, finalement. Son image a aussi évolué au niveau physique et vestimentaire. C'est-à-dire qu'il y a 20 ans, il était en surpoids, il n'avait pas de cravate. C'était un côté un peu trublion, alors que maintenant, c'est le bon bourgeois flamand qui va gérer la boutique", explique Vincent Laborderie, professeur en sciences politiques à l'UCLouvain.

En adoptant un discours plus de droite libérale, moins purement nationaliste, Bart De Wever modifie la perception de certains francophones. Vincent Laborderie ajoute : "Il est passé du séparatisme à un discours qui est aussi plus centré sur des questions qui concernent aussi les francophones, qui sont sur l'immigration, sur l'identité. Il a écrit un livre sur le wokisme, par exemple". Il poursuit : "Ce sont des questions qui peuvent être débattues par tout le monde. Il a développé une vision de l'identité flamande qui n'est plus uniquement anti-francophone, qui est aussi par rapport aux étrangers, en ayant des exigences en termes d'intégration, etc.".

À Enghien, Bart De Wever a attiré 40 000 électeurs

Pour mieux comprendre l'évolution de l'image de Bart De Wever, nous prenons la direction du marché d'Enghien. Cette ville francophone à facilité est située à la frontière linguistique. La N-VA a attiré 40 000 électeurs en Wallonie, dont plus de 14 000 dans le Hainaut. Un score inattendu. À Enghien, la N-VA a obtenu 3,5 %, deux fois plus que dans le reste de la région. "À l'époque, on l'appelait Waffleman parce qu'il était gros. Il a des bonnes idées, mais aussi des mauvaises", dit une passante. Pour un autre, son opinion est moins positive : "Il dit qu'il va faire ça et ça, que le pays ne va pas être divisé... Mais moi, je me méfie".

Pour d'autres, c'est plus nuancé : "D'un point de vue économique, d'un point de vue sociale, il n'est pas trop mauvais. Pour le séparatisme et les idées d'extrême droite, c'est non".

Pour cette dernière personne par contre, Bart De Wever est sur le bon chemin : "Il dit les choses, ce qu'on pense tous tout bas : les Wallons sont des fainéants. C'est une bonne chose qu'il devienne peut-être le Premier ministre".

Il y en a qui essaient de s'en sortir. 

Une autre province attire notre attention. Celle de Liège. Ici, la N-VA a séduit plus de 10 000 électeurs. C'est très peu, mais deux fois plus qu'à Namur. Ici, Bart De Wever est un visage qui reste encore méconnu pour les jeunes électeurs. "Je ne le connais pas. Vous ne connaissez pas Bart De Wever ? Non". "C'est vrai que vu comme ça, il a l'air cool".

Mais pour la majorité des Liégeois, Bart De Wever n'est pas le bienvenu. "On n'est pas tous des fainéants. Il y en a qui travaillent. Il y en a qui essaient de s'en sortir aussi, comme ils peuvent. Ils nous mettent tous dans le même sac. Ce n'est pas cool. Je pense qu'au fond, lui, c'est juste pour faire un peu du populisme aussi. Pour faire rallier des voix du côté flamand et dire que les Wallons sont des bons à rien... Ça m'énerve, parce que moi, je travaille à temps plein. Donc oui, je ne suis pas comme ça". Un autre semble d'accord avec cette travailleuse : "C'est un allié des patrons. Je n'aime pas ça. Il est dangereux, économiquement, il est dangereux. Parce qu'il va faire souffrir tout le monde". 

Bientôt numéro un en Wallonie ? 

Selon notre dernier grand baromètre, le président de la N-VA se trouve à la 8e place des personnalités politiques préférées des Wallons. Pour cet expert de la politique belge, son discours séduit de plus en plus de francophones. "Oui, on voit dans des études électorales qu'il y a certainement un public au sud du pays aussi pour une politique de droite, que ce soit sur le socio-économique, mais encore plus sur les questions sécuritaires et d'immigration", explique Dave Sinardet, professeur en sciences politiques à la VUB. "En fait, l'opinion publique wallonne ne diffère pas fortement de l'opinion publique flamande sur toutes ces questions. Et d'ailleurs, les évolutions électorales au sud du pays le démontrent. Donc, il n'y a aucune raison pour laquelle Bart De Wever ne voudrait pas devenir encore plus populaire du côté francophone".

C'est un peu schizophrénique. 

Reste la question du moment. Le Flamand de 53 ans, est-il crédible comme Premier ministre ? Pour Dave Sinardet : "Ça reste bien sûr un peu schizophrénique de vouloir diriger un pays dont on préférerait que même voir la fin. Ça reste paradoxal. En même temps, on a déjà eu Jan Jambon aussi comme ministre de l'Intérieur. On a déjà eu un ministre N-VA de la Défense dans le passé. C'est quand même des compétences régaliennes assez fortement liées à l'état-nation belge. Donc, pourquoi pas avoir finalement Bart de Wever comme Premier ministre ?"

En attendant de savoir si Bart De Wever franchira la dernière marche, une réalité s'impose. De plus en plus de francophones, sont prêts à l'écouter. Une petite révolution pour le sud du pays.

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Commentaires

4 commentaires

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  • Qu'il reste bien où il est,qu'il gère d'abord convenablement sa commune avant de vouloir gérer le pays

    Alain Schmit
     Répondre
  • La plupart des personnes interrogées font preuve d'un excellent bon sens. Mettre à la tête du gouvernement fédéral un nationaliste flamand qui, durant des années, a suscité dans sa région la haine des francophones et plus particulièrement des wallons avec une propagande insultante pour ces derniers, c'est mettre le loup dans la "Belgerie".

    Léon Dohogne
     Répondre
  • Il n'y aura rien de bon avec la N-VA et le Vlaams Belang... Ce sont, comme dit dans l'article, des partis dangeureux!!! Les gens s'en mordront les doigts par la suite, mais hélas, il sera trop tard!!!

    Eddy PONDANT
     Répondre
  • Il faut lui laisser sa chance . Comme Di Rupo a eu la sienne alors qu'il ne parlait pas un mot de Flamand; qui est pourtant la langue de 60% des Belges .

    pupuce toujours
     Répondre