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Le procès de l'ancien patron de la lutte antidrogue François Thierry, accusé d'avoir organisé une fausse garde à vue d'un trafiquant recruté comme informateur, s'est ouvert lundi à Lyon.
L'ex-superflic, 56 ans, qui pilote aujourd'hui la stratégie numérique de la police nationale est arrivé avec ses deux avocats devant la cour criminelle du Rhône.
Interrogé au début de l'audience sur les faits, il a contesté leur "qualification". "Je ne me reconnais pas du tout dans la façon (...) dont je suis poursuivi", et "beaucoup de choses sont relatives au contexte", a-t-il déclaré devant la cour.
L'un de ses deux conseils, Me Angéligue Peretti, a estimé à l'AFP que ce procès était "une aberration", soulignant que la Cour de cassation avait jugé que la garde à vue s'était faite sous le contrôle de magistrats.
"Le commissaire François Thierry est pourtant seul à être jugé, ce qui interroge plus globalement sur la capacité de l'institution judiciaire à s'auto-juger", a-t-elle avancé.
Jugé jusqu'à vendredi pour "faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique" et destruction de preuves, il encourt 15 ans de réclusion criminelle.
Il est accusé d'avoir rédigé un faux procès-verbal de garde à vue pour justifier l'extraction de prison, en avril 2012, de son principal "indic", Sophiane Hambli.
Cette manoeuvre a permis à ce trafiquant de drogues de suivre, à distance depuis une chambre d'hôtel, l'arrivée de six tonnes de résine de cannabis sur une plage espagnole, une "livraison surveillée" par la police destinée à démanteler les réseaux de revente en France.
Le commissaire a reconnu les faits mais réfuté toute infraction: pour lui, la mesure a été prise en concertation avec le parquet de Paris. L'accusation lui reproche toutefois d'avoir adopté une stratégie de "cloisonnement" et d'avoir livré des "informations parcellaires" aux magistrats.
Un temps mis en examen pour "complicité de trafic de drogues", il a bénéficié d'un non lieu sur ce chef, parce que l'instruction n'a pas trouvé trace de malversation, ni de preuves que la drogue appartenait à Sophiane Hambli.
De hauts responsables sont attendus comme témoins au procès, notamment l'ex-chef du parquet de Paris François Molins ou l'ancien patron de la PJ parisienne Bernard Petit.
Ce procès est le premier volet d'une tentaculaire affaire portant sur les méthodes de l'Ocrtis, l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants que François Thierry a dirigé de 2010 à 2016 et qui a été remplacé depuis par l'Ofast (Office anti-stupéfiants).
Le scandale a éclaté en octobre 2015 lorsque les douanes ont découvert sept tonnes de cannabis en plein Paris.
L'enquête a vite démontré que la drogue était arrivée en France dans le cadre d'une autre "livraison surveillée", opérée par l'Ocrtis avec l'aide de Sophiane Hambli.
Ces opérations sont censées porter sur des trafics pré-existants, mais l'office et son patron sont soupçonnés d'avoir favorisé l'importation de la marchandise. François Thierry se voit aussi reprocher de ne pas avoir donné une vision globale de ce qui se tramait à l'autorité judiciaire, ni de ses liens exacts avec Sophiane Hambli.
L'enquête sur cette saisie a été dépaysée à Bordeaux, et l'ancien commissaire a été renvoyé devant la justice pour "complicité de trafic de drogues", à une date pas encore été fixée.