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Une reconstitution du drame du carnaval de Strépy-Bracquegnies a eu lieu sur les lieux-mêmes des faits, à la rue des Canadiens. L'objectif était de tenter de lever certaines zones d'ombre dans l'enquête, à un moment précis des faits.
Moment important d'un point de vue judiciaire, la reconstitution du drame de Strépy-Bracquegnies a eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi. Un très large dispositif, nourri de plusieurs dizaines de policiers, a été mis en place, interdisant strictement l'accès au lieu de la reconstitution, la rue des Canadiens. De nombreux figurants ont été mobilisés pour représenter le cortège carnavalesque du matin du 20 mars 2022. Plus d'une centaine de parties civiles ont été accueillies à l'intérieur du dispositif, dans le hall des sports local où elles ont pu voir les images de la reconstitution.
Antonio Gava est l'une des victimes de ce drame. Il a suivi la reconstitution avec beaucoup d'attention et d'émotion. "On savait que ça allait être très dur, ça l'a été. Emotionnellement parlant, on se ressasse tout le drame. On a revu des victimes", nous a-t-il confié. "Je n'attendais pas grand-chose de la reconstitution. Ce que j'attends, c'est la justice. Qu'elle fasse son job. Ce sont des récidivistes. Ce n'est pas un accident de roulage. Il est temps que la justice prenne ses responsabilités", a-t-il ajouté.
La reconstitution s'est achevé à 4h ce vendredi matin. "Ça a été extrêmement long et très éprouvant sur le plan psychologique car beaucoup de victimes se sont revues. Ce fut très bien organisé, il y avait la possibilité, pour toutes les victimes, de rester à l'intérieur et de regarder les images. Ce fut long mais très instructif sur le fond du dossier", a expliqué Me Mayence, l'avocat des victimes du drame de Strépy.
"La visibilité est bonne"
Une épreuve difficile mais aussi très importante pour de nombreuses victimes et proches des victimes. "C'était une étape importante pour ma cliente", a affirmé Me de Beco, avocat d'une proche de victimes.
Dans les éléments-clefs qui devaient être vérifiés, il y a notamment la visibilité du conducteur au moment des faits. La reconstitution de nuit permet ainsi de se replonger dans les mêmes conditions. L’éclairage était suffisant, selon des parties civiles. "Sur le plan de l'enquête, c'était extrêmement intéressant d'être sur les lieux et de se rendre compte qu'en fait, la visibilité est bonne, nettement meilleure que je ne le pensais sincèrement", indique Me de Beco.
En réalisant cette reconstitution, cet avocat a estimé que "l'éclairage est très important et on voit très bien." Il est donc clair, selon lui, que le conducteur Paolo Falzone a dû "voir ce groupe, bien avant le moment de l'impact", dit-il. "Et se rendre compte aussi de la distance sur laquelle il a continué, n'a freiné une seule fois - on pense que c'était pour faire tomber un corps qui le gênait au niveau de sa visibilité -, roulé dessus et puis continué pendant une très longue distance", détaille Me de Beco.
Et de réinsister : "Il a nécessairement vu bien avant l'impact, on s'en est rendu compte maintenant, ce groupe de gens sous un éclairage public. Qu'il ait été surpris, c'est uniquement parce qu'il roulait à 167 km/h et qu'il ne regardait pas la route, mais son téléphone. Ça, c'est très clair. Ensuite, surtout, une fois passé le premier impact, il sait très bien ce qui est en train de se passer, nécessairement qu'il est entré dans une foule et il choisit de continuer comme ça. Il faudra évidemment qu’on en reparle au moment du procès mais pour moi, c’est un meurtre."
Meurtre, c’est en tout cas la qualification retenue pour l’un des 6 décès.
"Une véritable épreuve"
Parmi les personnes présentes, il y avait évidemment le conducteur Paolo Falzone et son avocat, Me Frank Discepoli. "Il a dû revenir sur le lieu des faits, c’était la première fois évidemment depuis le drame. Il a dû remonter dans le même véhicule. Ça a été véritablement une épreuve pour lui aussi, évidemment rien à voir avec l’épreuve des victimes",
De son côté, Me Guttadauria, avocat du passager du drame, estime également que cette reconstitution fut "très longue et très émouvante". "Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser aux victimes et à leurs familles. Ce fut éprouvant car pour mon client, il a fallu déposer un certain nombre de gestes qui étaient très difficiles pour lui. Il a fallu se repositionner dans ce véhicule, repositionner les corps des victimes et ça a été très difficile à gérer pour lui sur le plan émotionnel", a-t-il indiqué.
Avant d'ajouter: "Quand vous vous retrouvez dans la situation d'être le passager d'un accident aussi terrible que celui-ci alors que vous êtes assoupi et que vous êtes réveillé par des corps qui rentrent dans le véhicule, vous pouvez vous imaginer le choc que vous subissez sur le plan émotionnel. Il y a eu de la confusion et un état de sidération. Ce fut très difficile pour lui d'essayer de se remettre dans la situation et de se remémorer le déroulement des événements". Dans le cadre de cette reconstitution, des figurants ont été joués par des policiers et des mannequins ont également été utilisés.
Rappel des faits
Le drame du carnaval de Strépy-Bracquegnies remonte au 20 mars 2022: une voiture BMW avait percuté, au petit matin, le cortège du carnaval de Strépy lors du ramassage des gilles, tuant six personnes et en blessant une trentaine d'autres. Le conducteur de la voiture, Paolo Falzone, est en prison depuis les faits. Il est inculpé pour meurtre d'une des victimes du drame, le gille Frédéric d'Andrea. Il est également inculpé d'homicide involontaire pour cinq autres victimes. L'intéressé se trouvait sur place pour la reconstitution. Le passager a lui été inculpé de non-assistance à personne en danger et libéré sous conditions.
La reconstitution devait permettre de lever certaines zones d'ombre autour du dossier, à un moment précis des faits, notamment au niveau de la vitesse de la voiture et de la visibilité du conducteur avant l'impact dans la foule. Le conducteur dépassait faiblement le taux d'alcool autorisé. Le parquet a précisé qu'aucune capsule de protoxyde d'azote n'a été découverte dans le véhicule.
Les devoirs d'enquête techniques ont notamment permis de confirmer que le conducteur se filmait lors de l'impact dans le cortège du carnaval et que le véhicule, dont la puissance avait été modifiée, circulait à plus de 150 km/h, ce qu'a reconnu le conducteur.
"Il est prématuré de donner des conclusions quant à la reconstitution de jeudi soir", a souligné Vincent Macq, procureur du roi de Mons. "Les résultats sont couverts par le secret de l'instruction."