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Faux départ au procès inédit de Nicolas Sarkozy pour corruption dans l'affaire dite des "écoutes": le tribunal a suspendu lundi l'audience jusqu'à jeudi, le temps de réaliser une expertise médicale d'un des trois prévenus, l'ex-haut magistrat Gilbert Azibert.
Saisi d'une demande de renvoi liée au Covid-19 de la part de M. Azibert, appuyée par deux certificats médicaux, le tribunal correctionnel de Paris a ordonné une expertise afin "d'être pleinement informé de son état de santé".
Selon les résultats, le tribunal devra décider jeudi à 13H30 de faire comparaître le prévenu via la visioconférence - à laquelle la défense s'est opposée en bloc - ou de renvoyer l'audience.
Près de sept ans après la révélation de l'affaire "Bismuth", Nicolas Sarkozy doit comparaître devant la justice, soupçonné d'avoir, avec son avocat Thierry Herzog, tenté de corrompre M. Azibert, alors en poste à la Cour de cassation.
Avant lui, un seul ancien président, Jacques Chirac, a été jugé et condamné en 2011 pour les emplois fictifs de la Ville de Paris, mais sans avoir jamais comparu devant ses juges en raison de son état de santé.
Dénonçant un "scandale qui restera dans les annales", Nicolas Sarkozy, 65 ans, a promis d'être "combatif" devant le tribunal et clamé ne pas être "un pourri".
- "Coup de pouce" -
Peu avant 13H30, l'ex-chef de l'Etat est arrivé pour l'audience face à une nuée de caméras, sans faire de déclaration, en costume noir sur chemise blanche, masque chirurgical sur le visage. Dans la salle d'audience, semblant à l'aise, il a salué les avocats et les procureurs financiers.
Alors que la présidente Christine Mée déclinait son identité complète, Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa, le prévenu a répondu "Sarkozy, c'est suffisant". La magistrate a précisé que la procédure le prévoyait pour le casier judiciaire. En haussant les épaules, il a rétorqué: "Pour l'instant je n'ai pas eu besoin de l'utiliser".
L'affaire qui devait être examinée jusqu'au 10 décembre trouve son origine dans un autre dossier judiciaire: les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qui lui valent une quadruple mise en examen.
Une mise sur écoute dans ce dossier avait révélé l'existence d'une ligne secrète entre l'ancien président et son avocat, ouverte sous le nom de "Paul Bismuth" - en réalité une connaissance du lycée de Me Herzog, qui s'est constituée partie civile au procès.
Selon l'accusation, certaines de leurs conversations ont mis au jour l'existence d'un pacte de corruption: Nicolas Sarkozy a envisagé d'apporter un "coup de pouce" à M. Azibert pour un poste à Monaco qu'il convoitait - et qu'il n'a jamais obtenu.
En contrepartie, ce haut magistrat est soupçonné d'avoir fourni des informations couvertes par le secret sur une procédure engagée par l'ex-chef d'Etat devant la Cour de cassation en marge de l'affaire Bettencourt.
Nicolas Sarkozy, qui avait bénéficié d'un non-lieu dans ce dossier fin 2013, avait saisi la haute juridiction pour faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d'intéresser la justice dans d'autres procédures.
Dans les conversations fleuries avec son avocat, socle de l'accusation, l'ex-président s'engageait à intervenir en faveur de Gilbert Azibert. "Moi, je le fais monter", "je l'aiderai", dit-il ainsi à Me Herzog.
- "Conversations entre amis" -
Quelques jours plus tard, il déclare qu'il a renoncé à toute "démarche" auprès des autorités monégasques. Pour les enquêteurs, ce revirement soudain pourrait venir de la découverte par les deux hommes que leurs téléphones officieux étaient sur écoute.
"Tout ça, ce sont des petits bouts de phrase extraits d'un contexte", a balayé lundi matin sur FranceInfo Paul-Albert Iweins, avocat de M. Herzog, évoquant uniquement "des conversations entre amis de très longue date". "C'est une affaire que le général De Gaulle aurait qualifiée d'affaire de cornecul et dont on essaye de faire une affaire d'Etat", a-t-il ajouté.
Dans un réquisitoire sévère en octobre 2017, le Parquet national financier (PNF) avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d'"un délinquant chevronné".
Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016 mais toujours très influent à LR, il encourt dix ans de prison et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence, comme ses coprévenus - jugés en sus pour violation du secret professionnel.
Les trois prévenus contestent tout "pacte de corruption". Nicolas Sarkozy n'a eu cesse de dénoncer une instrumentalisation politique de la justice et a, sans succès, multiplié les recours.
Un autre procès l'attend au printemps: celui de l'affaire Bygmalion sur ses frais de campagne pour l'élection présidentielle de 2012.