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Avec la fonte inéluctable de l'or blanc, l'Autriche veut se réinventer en petite reine du VTT alpin et accélère sa transition: au pays du ski, le tourisme estival pèse désormais plus que la glisse et autres joies hivernales.
"Regardez comme c'est beau", s'enthousiasme Jonas Ritson, un cycliste venu spécialement pratiquer sa passion dans le décor verdoyant de Leogang, une station du pays de Salzbourg (centre).
"Des pentes comme ça, on n'en a pas dans mon pays, en Estonie", sourit le sportif de 51 ans, casque vissé sur la tête avant d'entamer une descente périlleuse, pour un peu plus de 60 euros la journée.
Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à plébisciter les Alpes aux beaux jours. Depuis la pandémie de Covid-19, la saison d'été, de mai à octobre, a supplanté l'hivernale économiquement, générant l'an dernier 15 des 29,5 milliards d'euros de recettes annuelles.
Après la randonnée, plus d'un quart des touristes viennent l'été en Autriche pour faire du vélo, selon un récent sondage mené par le gouvernement. Et dans le pays même, les ventes explosent: plus de 500.000 vélos ont été achetés en 2022, dont quasiment la moitié de VTT, soit une hausse de 15% depuis 2019.
Autant dire que sur les terres des légendes Marcel Hirscher et Hermann Maier, où l'on chausse les spatules comme on apprend à marcher, c'est une révolution.
- Stratégie nationale -
A Leogang-Saalbach, on se sert d'ailleurs des mêmes cabines de téléphériques et remonte-pentes pour hisser son vélo tout en haut des 90 km de pistes.
Devant l'engouement, le gouvernement a lancé en début d'année un "plan vélo de montagne".
Le but? Aider les stations à augmenter le nombre de circuits dédiés exclusivement aux deux-roues en multipliant les contrats avec les propriétaires des terrains, qui pour l'instant en restreignent l'accès.
Il existe bien plus d'une vingtaine de parcs adaptés, mais l'offre est sous-développée par rapport à la demande.
"Avec le changement climatique" et des saisons de ski de plus en plus courtes faute d'enneigement, les professionnels du tourisme doivent repenser leurs activités et s'emparer des nouvelles tendances", explique Martin Schnitzer, économiste du sport à l'université d'Innsbruck.
Et "il était temps" que Vienne se penche sérieusement sur le sujet.
Car la loi de 1975 sur les forêts, si elle autorise les marcheurs à les traverser, interdit en revanche les vélos sauf en cas d'autorisation écrite noire sur blanc par le propriétaire.
"Aucun autre pays alpin n'exclut un sport d'une façon aussi radicale", estime Rene Sendlhofer-Schag, du Club alpin d'Autriche, déplorant une législation "obsolète".
Hors circuit, on risque même une amende salée - 730 euros - pour "violation de propriété", qui peut parfois monter à "plusieurs milliers d'euros".
- Casse-tête -
Les randonneurs ne sont donc pas habitués à partager le terrain et les conflits potentiels sont nombreux.
Le parc de Leogang a trouvé, en pionnier, des solutions pour se diversifier depuis sa création en 2001, signant des accords pour désamorcer les contentieux.
Un succès qui a payé: en dix ans, l'affluence des nouveaux visiteurs estivaux a augmenté de 70%, s'élevant à 260.000 l'an passé, pour un nombre de nuitées dorénavant supérieur à la saison hivernale, dit fièrement Kornel Grundner, responsable des télécabines.
Des courses pour la Coupe du monde de VTT s'y déroulent aussi régulièrement.
Mais ailleurs, la cohabitation entre habitants, adeptes de la marche à pied et fonceurs en selle reste "difficile", raconte Isabella Hummel, 33 ans, venue de Suisse où les vététistes ne sont pas mieux vus dans "certains cantons", parmi les amoureux de la nature en quête de tranquillité.
Sans parler des chasseurs qui craignent que ces nouveaux envahisseurs aux tenues bariolées fassent fuir leur gibier.
Ce doit être la priorité du gouvernement, insiste l'économiste Oliver Fritz, de l'institut de référence Wifo: "assurer une coexistence" pacifique entre les différentes parties.
Le casse-tête en vaut la peine, selon lui: on n'a pas trouvé meilleure "solution" face au déclin du ski que la marche ou le vélo.