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"Sha'Carri représente chaque jeune fille ayant posé un pied sur cette piste", résume Lauren Cross, mentor de jeunesse à Dallas de la flamboyante américaine Sha'Carri Richardson, reine du 100 m qui rêve d'or aux Jeux olympiques de Paris.
Dans une banlieue verte du sud de la mégalopole texane, en face d'une imposante église évangélique afro-américaine, l'arrière du lycée David W. Carter cache une petite piste à quatre couloirs, où quelques jeunes athlètes répètent leurs gammes malgré le vent qui chasse la touffeur de fin de journée.
En ce lundi 6 mai, l'équipe d'athlétisme peut souffler après avoir bataillé la veille lors des Championnats scolaires d'Etat à Austin, la compétition la plus importante de l'année, que Sha'Carri Richardson avait marquée de son empreinte il y a quelques années. Pour preuve, d'imposants trophées en bois trônent dans une vitrine de couloir de l'établissement.
La sprinteuse âgée de 24 ans, désormais installée en Floride, est devenue la femme la plus rapide de la planète, titrée sur 100 m l'été dernier aux Mondiaux de Budapest, consécration d'un parcours chaotique, à l'opposé de la ligne droite qu'elle maîtrise à la perfection. Alignée samedi au prestigieux meeting "Prefontaine Classic" de Eugene (Oregon), l'athlète aux fantaisies capillaires et unguéales fait partie des favorites pour l'or olympique à Paris cet été.
- "Déjà la plus rapide" -
"Elle porte une belle image de notre école. Quand on s'entraîne sur cette piste, j'essaie de retrouver la même énergie qu'elle affichait à son époque. Elle travaillait dur, menait chaque exercice, et emmenait tout le monde dans son sillage", explique à l'AFP Lauren Cross, l'entraîneure du lycée, qui a couvé la pépite entre 2014 et 2018 avant de devenir la marraine de cette ex-adolescente en souffrance.
"C'était la plus petite, mais déjà la plus rapide. Elle voulait toujours prouver, elle menait par l'exemple. Même en tant que première année, elle affichait ses ambitions et ne craignait pas de pousser des athlètes plus expérimentées hors de son chemin", sourit-elle.
"Peu importe ce qu'il se passait dans ma vie, la piste restait un lieu où je pouvais être en paix", a raconté Richardson dans un documentaire de Park Stories, qui aborde la jeunesse difficile de la sprinteuse, élevée par sa tante et sa grand-mère et laissée dans le désarroi par les manques de sa mère biologique.
En 2021, la sprinteuse est privée des Jeux de Tokyo pour un contrôle positif à la marijuana, utilisée pour l'aider à faire face au décès de sa mère, survenu quelques jours avant les sélections olympiques. De cet épisode dévastateur, la jeune femme s'est relevée pour devenir en 2023 championne du monde et la 5e femme la plus rapide de l'histoire de la ligne droite en 10 sec 65.
- "Je l'admire" -
Roxxi Sutton, lycéenne à David W. Carter, a pu rencontrer la championne en novembre 2023. "Elle nous a motivées, nous a parlé de ce qu'elle avait enduré. J'aime voir quelqu'un de ma communauté parler d'athlétisme, je l'admire, je viens du même endroit qu'elle. C'est comme si je pouvais faire comme elle", raconte-t-elle.
Sha'Carri Richardson avait été célébrée par le district scolaire (Dallas ISD), qui avait donné son nom à la piste du stade de ses premiers exploits, situé à quelques centaines de mètres de l'école, de l'autre côté de l'autoroute 20 qui traverse le Texas d'est en ouest.
La championne, affirmée et à fleur de peau, fait la fierté des quartiers à majorité afro-américains du sud de Dallas.
"Je suis heureuse de montrer à ma fille de sept ans l'exemple de Sha'Carri. Elle vient d'ici, a couru ici. Elle est afro-américaine. Elle est comme nous!", s'enthousiasme ShoLand Williams, couvant du regard sa fille qui gambade sur la pelouse synthétique qui borde la piste du lycée.
"Sha'Carri est mon idole, une coureuse magnifique", complète Je'Miracle Guillory, autre membre de l'équipe d'athlétisme du lycée, âgée de 18 ans.
"Elle reste positive et se relève de tout. J'aime son style aussi, ses beaux cheveux, et ses ongles. Elle est elle-même. J'aimerais avoir sa vitesse bien sûr mais aussi sa personnalité, briller de mille feux devant tout le monde."
Richardson devra passer de nouveau par Eugene et les sélections américaines (21-30 juin) avant de scintiller sur la scène olympique du Stade de France (Saint-Denis).