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Le président de la Fédération française de football Philippe Diallo a rappelé, dans un entretien à l'AFP mardi, son devoir de "neutralité" au sujet des élections législatives, tout en garantissant "la "liberté d'expression" des Bleus qui sont "un pole unificateur".
QUESTION: Plusieurs joueurs de l'équipe de France ont clairement affiché leurs opinions, certains appelant à faire barrage au Rassemblement National. Quelle est la position de la FFF par rapport à ces déclarations ?
REPONSE: "J'ai toujours dit que je garantissais la liberté d'expression aux joueurs. Tout le monde devrait se réjouir que ces joueurs d'une vingtaine d'années se sentent concernés par ce qui se passe dans notre pays. Il n'y a pas de divergences avec les joueurs. Simplement, eux, ils sont joueurs et moi, je suis président d'une fédération. J'ai d'autres obligations, je dois respecter les statuts qui interdisent de parler de politique ou de religion. La fédération porte une mission de service public, j'ai 2.400.000 licenciés, avec une diversité d'opinions dans nos clubs. En tant qu'institution, je dois respecter la neutralité. Qui comprendrait au sein de nos clubs, au sein de notre football, que je lance des consignes de vote ?"
Q: Comment accueillez-vous la perspective de travailler éventuellement avec un gouvernement dirigé par l’extrême droite ?
R: "Je suis respectueux des institutions de la République, de la démocratie, de notre devise +Liberté, égalité, fraternité+ et de ce qui fait l'essence du sport, des valeurs portées par le sport, d'unité, de solidarité. Les lignes jaunes à ne pas franchir, pour moi, sont celles du respect des valeurs fondamentales de notre pays, celles du sport et de l'Etat de droit. Si ces valeurs fondamentales venaient à être malmenées, à ce moment-là, dans mon rôle, je serais amené, selon les circonstances, à m'exprimer pour protéger mon institution et les gens qui pratiquent le football."
Q: Est-ce que la FFF peut rester neutre quand il y a, par exemple, une remise en cause de la binationalité, un sujet qui concerne de nombreux joueurs de l’équipe de France ?
R: "Je ne veux pas m'exprimer sur ces questions de double nationalité. Je vais vous dire une chose. J'ai entendu la déclaration d'Ibrahima Konaté, qui a rappelé le parcours de ses parents, qui a parlé de la diversité. Et quand je l'ai vu avant l'échauffement contre la Belgique, je l'ai félicité. Je me reconnais dans ses paroles, puisque moi-même, j'ai des parents qui ont connu ce parcours-là."
Q: Dans ce contexte tendu politiquement, avec un pays déchiré, l'équipe de France peut-elle garder son pouvoir fédérateur ?
R: "L'ADN de l'équipe de France c'est d'être un pôle de rassemblement des Français, quelle que soit leur couleur de peau, leur origine, leur religion, leurs convictions politiques. Quand je vois le nombre record de supporters qui viennent en Allemagne supporter l'équipe de France, quand je regarde les audiences du match contre la Belgique, je me dis que les Français se reconnaissent dans cette équipe. Ces Français de toutes origines font que l'équipe de France est encore un pôle unificateur dans notre pays."
Q: Que vous inspire le parcours des Bleus?
R: "Tout d'abord, je retiens la qualification. L'équipe de France est encore parmi les huit meilleures nations d'Europe. Ensuite, j'ai vu une équipe très solide qui, je crois, inspire le respect à beaucoup de nos adversaires. Et puis j'ai vu, comme tout le monde, une forme de déficit offensif. Alors ça a créé certaines frustrations chez les observateurs ou chez certains fans. Je suis très heureux que l'équipe de France soit en quart de finale. Elle va jouer un grand match vendredi contre une grande nation, le Portugal. Et j'espère que le sort nous sera à nouveau favorable."
Q: Comprenez-vous les critiques sur le jeu restrictif des Bleus?
R: "Je les trouve un peu excessives. J'ai confiance dans cette équipe qui a un potentiel offensif extrêmement important. Et je me dis qu'à un moment, avec les joueurs que nous avons, un déclic va se produire et que nous allons réussir à marquer ces buts qui nous font un peu défaut jusqu'à présent."
Q: Vous aviez fixé les demi-finales comme objectif aux Bleus. Une élimination en quarts serait-elle un échec et pourrait-elle remettre en question l’avenir de Didier Deschamps?
R: "Très honnêtement, je ne me situe pas du tout dans cette perspective. L'équipe de France et la Fédération, c'est une équipe au sens large. On est rentré dans un tournoi, on a affiché des ambitions et tout le monde est mobilisé sur cet objectif, avec un staff d'expérience et un sélectionneur qui a un des plus beaux palmarès du football mondial. On verra bien quel sera le résultat final. On aura tout le temps de réfléchir aux conséquences du résultat qu'on aura obtenu."
Q: Il pourrait y avoir des conséquences selon le résultat obtenu vendredi ?
R: "Je l'ai dit dix fois, Didier Deschamps a un contrat jusqu'en 2026. Il vient de se qualifier une nouvelle fois dans un grand tournoi pour un quart de finale. Pourquoi voulez-vous qu'on se pose d'autres questions que de le soutenir pour qu'il amène cette équipe encore plus loin dans le tournoi ?"
Propos recueillis par Keyvan NARAGHI et Emmanuel BARRANGUET