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Danièle, 65 ans, habite Wéris depuis 40 ans et, via le bouton orange Alertez-nous, elle partage son coup de gueule contre l’augmentation des grands hébergements touristiques dans cette entité paisible, l’un des 24 plus beaux villages de Wallonie.
Elle critique "le développement de grands gîtes dans le centre du village, et dans des maisons anciennes, qui dénature le caractère rural, la convivialité et la tranquillité". Elle dénonce en particulier un projet en cours dans sa rue : la rénovation d’une ancienne ferme en seconde résidence. Le permis d’urbanisme délivré au mois de novembre dernier stipule que "le logement ne pourra être transformé en habitation touristique".
D’après Danièle, le propriétaire a pourtant bien l’intention d’en faire un gîte de grande capacité. Elle se réfère à une publication Facebook du propriétaire qui parle d’un hébergement du même type qu’un autre gîte de 15 personnes que la sprl possède ailleurs dans la ville de Durbuy.
On vit du tourisme mais on veut un tourisme respectueux
Danièle est à l’origine d’une pétition contre ce projet, qui a recueilli plus de 75 signatures, et qui a été envoyée à l’administration communale. Si elle craint que Wéris perde à terme son âme, elle s’étonne aussi que l’appellation "plus beau village de Wallonie n’impose aucune mesure en matière d’urbanisme ou de protection du village".
Danièle tient à souligner qu’elle n’est pas contre le tourisme: "On en vit depuis longtemps, mais on veut un tourisme respectueux qui permette aux gens de vivre ici" et pointe les comportements de certains occupants de grands logements "qui font parfois la fête dehors à 15 avec des baffles". Pour l’instant, mesures covid oblige, ces grands logements ne sont pas occupés mais les riverains craignent déjà les prochains assouplissements des règles. "Une des qualités de la ruralité, c'est le silence et les bruits de la campagne", estime Danièle. Ce qu’elle souhaite avant tout : "qu’on protège l’habitat", face à l’expansion d’un certain type de tourisme.
Y a-t-il un problème de tourisme XXL à Wéris ?
Dans cette section de la très touristique ville de Durbuy, un récent comptage fait état de 117 habitations permanentes pour 53 dédiées aux visiteurs temporaires. Dans le détail, cela correspond à 24 gîtes, 25 secondes résidences, trois maisons d’hôtes et un hôtel. Durbuy compte en tout 200 gîtes et tables d’hôtes.
D’après le bourgmestre de la ville, il y a très peu de problèmes par rapport au nombre de logements touristiques : "Sur les 200, je n'en ai pas dix qui posent parfois des problèmes. Et les nuisances, c'est souvent dans les gîtes de grande capacité".
Philippe Bontemps considère néanmoins qu’il faut réguler le nombre de gîtes dans les villages : "Certains, comme Wéris et Heyd, ont plus de lits dédiés au tourisme que de lits pour les habitants et ceux-ci ne doivent pas subir de conséquences négatives. Trente personnes qui font la fête, je comprends que cela peut déranger les riverains".
Selon le bourgmestre, la législation ne permet pas de véritablement limiter le nombre de gîtes. Philippe Bontemps rappelle aussi l’importance du tourisme pour sa ville : "On en vit, cela crée des centaines d'emplois mais il faut une harmonie entre ceux qui habitent ici et ceux qui viennent visiter".
Il y a un travail à faire pour développer le tourisme durable
Le directeur de l'agence de développement local de la ville de Durbuy, Xavier Lechien, constate également cette pression touristique qui pèse sur l’habitat. Et la pétition lancée par des habitants de Wéris contre un projet particulier ne l’étonne pas du tout. Il pointe aussi le risque de "nuire" à terme "au tourisme nature" qui fait le succès de Durbuy: "On scie la branche sur laquelle on est assis", même si "Wéris vit franchement du tourisme". "On perd notre nature sauvage et vierge. Il y a un travail à faire pour garder des zones naturelles et développer le tourisme durable". Un équilibre difficile à trouver entre expansion du tourisme et conservation du caractère paisible.
A Durbuy, un règlement de police a tout de même été pris il y a un an et demi pour essayer de limiter le nombre d’hébergements touristiques et réguler la présence de gîtes de grande capacité. Un hébergement est considéré comme de grande capacité, lorsqu’il peut accueillir plus de 15 personnes.
Concrètement, ce texte prévoit que la création d’un hébergement de grande capacité doit répondre à l’un des deux critères suivants :
- Être situé en dehors d’un noyau habité, à une distance garantissant la quiétude des riverains.
- Le propriétaire ou le gestionnaire doit résider sur place en permanence ou à proximité immédiate.
Et si le gîte est créé en dehors des zones dites de loisirs, le responsable de la gestion journalière doit être domicilié dans le bâtiment, dans un studio tout équipé.
En ce qui concerne le projet précis d’hébergement touristique dans la rue de Danièle, est-ce légal d’obtenir un permis d’urbanisme pour transformer un bien en seconde résidence et d’en faire ensuite un gîte ?
Du côté des autorités communales, on indique que le dossier sera géré avec leurs avocats : "On délivre un permis sur base de ce qui est écrit. On ne peut accepter pour le principe que la destination soit changée par après", souligne le bourgmestre.
Cependant, d’un point de vue purement juridique, le Service public de Wallonie est formel : "La création d’un hébergement touristique, d’un gîte, par simple changement de destination n’est pas soumise à l’obtention préalable d’un (nouveau) permis d’urbanisme".
Dans L’Avenir Luxembourg, les nouveaux propriétaires de l’habitation ont en outre déclaré comprendre les inquiétudes des villageois. Ils se sont également défendus de vouloir faire un hébergement de grande capacité. Il serait question de 8 personnes maximum et peut-être de 10 à 14 dans le futur.