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Observer les papillons et les abeilles, regarder une graine germer, pousser puis des légumes apparaître, s'asseoir à l'ombre d'un arbre qu'on a planté avec ses camarades de classe, ou encore tresser les rameaux d’une cabane en saule… voilà le genre de plongée dans la nature rendue possible grâce à l'intervention de la campagne "Ose le vert". Aucune cour de récréation en béton ne leur résiste, pourvu qu'il y ait un projet, mené par des professeurs et des enfants désireux de ramener la nature au cœur de leur espace de jeu.
Nous nous sommes rendus dans deux écoles qui ont mené ce projet à bien durant l'année scolaire 2018-2019 afin de découvrir à quel point ce projet d'école a tissé du lien en même temps qu'il a fait pousser des arbres et des cabanes.
La campagne" Ose le Vert" est portée par les asbl Good Planet et Natagora. Un appel à projet est lancé chaque année et permet aux écoles sélectionnées d'obtenir des subsides, mais aussi un coaching et un accompagnement.
Direction Ophain-Bois-Seigneur-Isaac, dans le Brabant wallon, pour commencer. Dans la petite école Saint-Jean-Baptiste, il n'y avait qu'un arbre dans la cour de récré, et à l'avant du bâtiment, un espace libre qui ne demandait qu'à être investi.
"Un papa a entendu parler du projet Ose le Vert et a demandé si nous étions preneurs", nous explique Dominique Barbieux, institutrice en 2e et 3e maternelle. Elle questionne alors le reste de l'équipe pédagogique et tout le monde approuve. Le papa d'élève prend donc les choses en mains et monte le dossier de candidature. Celui-ci est approuvé par Ose le Vert et le budget est alors débloqué.
"Chaque dossier a été sélectionné et lu par 3 membres de jury experts dans les différentes thématiques, explique Céline Henriet, chargé de projet chez Good Planet et coach pour Ose le vert. Et nous, notre rôle est vraiment de lancer le projet. L'école a droit à 3 visites sur une durée de 1 an et demi."
Si la première visite sert à rencontrer l'équipe pédagogique et affiner les détails de la réalisation du projet, les deux suivantes, plus concrètes, servent à épauler les enfants et leurs instituteurs dans la mise en pratique.
"On privilégie les visites techniques : la mise en œuvre de chantiers avec les élèves, la construction de certaines choses, pour avancer dans le projet d'aménagement, note Céline Henriet. Mais l'école peut également faire appel à nous pour des visites de sensibilisation sur les thématiques en lien avec ces aménagements : les oiseaux, les insectes, les plantes indigènes… Et également un soutien possible sur la communication autour de son projet pour s'assurer le plus possible de la pérennité du projet."
Dans le cadre de l'école Saint-Jean-Baptiste, le projet a permis de construire deux cabanes en saule, de poser une clôture en châtaigner à l'avant, de réaliser un potager et d'installer des bacs de plantes dans la cour de récré.
"On a aménagé l'espace avec les enfants en partie, et il y a pas mal de parents qui sont venus poser la clôture et les aménagements, explique Dominique Barbieux. Le projet était de mettre de la verdure dans une cour qui était macadamisée. On avait aussi envie d'amener plus de verdure et d'embellir l'avant de l'école, et pouvoir y amener de la biodiversité".
En mettant en œuvre ce projet, les enseignants peuvent concrétiser de façon très pratique des apprentissages vus en classe. "Pour l'aménagement de devant, les grands ont calculé le demi-périmètre pour la clôture, ils ont calculé l'aire. Ils ont aussi mesuré pour mettre des bordures près de la plaine de jeu, détaille l'institutrice. C'est aussi l'occasion de faire du savoir écrire, du savoir parler, amener du nouveau vocabulaire aux enfants… En éveil, de voir la germination. On a semé des plantes, on a observé leur croissance, on a récolté, on a fait de la soupe. Donc, là, on a dû calculer les proportions. C'est l'occasion d'amener différentes matières à l'école".
C'est vraiment très gai de voir les enfants qui sont heureux d'être dans la nature, de récolter ce qu'ils ont semé, et qui sont investis d'une responsabilité
Des cabanes en saule ont également été construites. C'est là, par exemple, que les plus grands lisent des histoires aux plus petits pendant les beaux jours. Des rondins en bois ont également été installés pour que les enfants puissent s'asseoir et écouter, ou observer.
"Les grands sont très enthousiastes à l'idée de faire des activités avec les plus petits: il y a un parrainage qui s'est fait. Il y a aussi l'arrosage des bacs dans la cour : les enfants ont une responsabilité. C'est vraiment très très gai d'organiser ça et de voir les enfants qui sont heureux d'être dans la nature, de récolter ce qu'ils ont semé, et qui sont investis d'une responsabilité", se réjouit l'enseignante.
Céline Henriet le constate a fil de ses coachings dans les écoles fondamentales : les enfants adorent mener à bien un projet nature pour leur cour de récré : "Ils sont vraiment très enthousiastes. Ils ne se rendent pas compte qu'ils apprennent plein de choses. Et derrière cet aspect de reconnexion et de respect de la nature, on va aussi aider les enseignants à prendre conscience que la nature permet d'apprendre autrement, d'aborder autrement les apprentissages avec leurs élèves. Pour beaucoup d'élèves, ça correspond très fort à leurs besoins et ça diversifie les activités d'ordinaire à l'intérieur et les activités assises".
Plus de nature : 3 objectifs
Le projet Ose le Vert poursuit 3 objectifs: "Plus de nature pour la nature, donc la biodiversité; plus de nature pour la reconnexion avec la nature; et plus de nature pour la convivialité, le bien-être que ça peut amener à l'enfant dans les cours de récré. Il y a, de la part des écoles, un gros besoin concernant la convivialité, le bien-être et la question de la reconnexion", explique Céline Henriet.
C'est dans cet état d'esprit que se trouvait l'école Sainte-Marie de La Louvière au moment de lancer le projet. Dans la grande cour de l'école primaire, le béton était un peu trop présent… Des zones de couleur ont d'abord été mises en places, conformément au projet initié par l'université de Mons. Dans la zone verte, les enfants peuvent jouer au ballon en courant. Dans l'espace jaune, ils peuvent courir mais ne peuvent pas utiliser de balle. Et l'espace bleu est la zone calme où on ne court pas, où on ne joue pas au ballon, mais où les activités calme vont être pratiquées.
C'est dans cet espace que le projet Ose le Vert trouvait tout à fait sa place. "Nous avions envie d'agrémenter notre cour de récréation, dont une zone qui était ingrate : on avait un grand rectangle bétonné, qui ne servait pas à grand-chose, ainsi que les bacs, qui étaient remplis de gravas et de petits cailloux et qui ne profitaient aucunement aux enfants", se souvient Marc Duriaux, Instituteur en 1e et 2e primaire à l'Institut Sainte-Marie de La Louvière.
C'est lui qui a initié le projet ose le Vert dans son école, et ses ambitieuses idées ont plu : "On a commencé à écrire ce petit dossier pour la bourse Ose le vert à deux, et puis, on s'est retrouvés à travailler dessus à 15 collègues ! Il y a eu un bel engouement".
Casser le béton
Dans cette école de La Louvière, on n'a pas hésité à casser le béton pour planter dans arbres. "Nous avons percé le béton, on a découpé 6 grands carrés dans lesquels nous sommes venus planter 6 arbres fruitiers hautes tiges, bien costauds pour les cours de récréation. À terme, cela créera un petit verger urbain, les enfants pourront récolter les fruits et profiter de l'ombre des arbres en été dans cette grande cour où il fait parfois un petit peu chaud", explique l'instituteur.
Les arbres ont été plantés, des bancs et tables ont été placée, et rapidement, cette zone a été adoptée par les enfants. "Nous attendons que ça se développe un petit peu pour profiter des fruits, de l'ombre et du cycle de vie de l'arbre", explique Marc Duriau.
Du côté des bacs en béton qui longent la cour, certaines espèces ont été plantées tandis que d'autres poussent naturellement. Ce qui est très intéressant pour les apprentissages. "Nous avons lancé une étude de reconnaissance des plantes qui poussent ici plus ou moins spontanément. On a déjà dénombré une quinzaine d'espèces. C'est toutes des plantes utiles, avec lesquelles on peut faire des choses, et on veut éveiller les enfants à cela", ajoute l'instituteur.
"Toucher, sentir, observer"
Des panneaux didactiques ont donc été posés, afin de découvrir les utilités de ces plantes indigènes. Et s'il est recommandé aux enfants d'éviter de cueillir (l'école accueille plus de 500 élèves en primaire, NDLR), ils découvrent de nouvelles choses grâce à ces plantes sauvages. "On les invite régulièrement à toucher, sentir, observer les petites bêtes, la faune et la flore et ils en sont ravis", ajoute Marc.
Même si, durant l'hiver, la nature est au ralenti, les enseignant et élèves se réjouissent de l'arrivée prochaine du printemps pour assister à la première floraison de leurs arbres fruitiers, plantés en mai dernier. Ces arbres ainsi que les espèces indigènes dans les bacs constituent "un bel outil, concret et proche des enfants" pour un nouveau volet du programme d'éveil, axé sur l'écologie et la protection de l'environnement, détaille le professeur.
"Les enfants se posent beaucoup de questions, spontanément, naturellement. La question de préserver l'environnement, le réchauffement climatique etc., sont vraiment au cœur de leurs préoccupations", a-t-il constaté.
Le point commun entre tous ces projets Ose le Vert : l'engouement. Il est présent au niveau des enfants, mais aussi des enseignants, et parfois même des parents.
"Il y a vraiment une mobilisation de la communauté scolaire qui peut se faire autour de ces projets. C'est très valorisant pour l'école de voir qu'elle occupe vraiment une place centrale et que toute l'attention se focalise autour des besoins de l'enfant dans ses projets, c'est très chouette", s'enthousiasme Céline Henriet.
Sur 3 éditions d'Ose le Vert, elle est intervenue comme coach dans de nombreuses écoles, et l'une d'elle avait vu particulièrement grand : "La chose la plus folle qu'on m'ait demandée : enlever 300 mètres carrés de béton dans une école où on était juste sensés mettre quelques bacs. On y est allés ensemble, on a rencontré les architectes, on a rencontré l'équipe dans sa globalité et ce projet est une belle réussite. J'y suis retournée et les enfants profitent pleinement, les enseignants ont gardé cet esprit d'ouverture. Quand on arrive à modifier la représentation même de l'adulte sur ce contact avec la nature, c'est vraiment très positif", conclut-elle.
417 écoles ont osé le vert
Lors des 2 premières éditions, 282 écoles fondamentales ont pu bénéficier de l'accompagnement Ose le Vert. Pour cette 3e édition, en cours durant cette année scolaire, elles sont 130. Les dossiers de candidatures sont nombreux : 994 sur 3 éditions, et l'ambition d'Ose le vert est évidemment de soutenir le projet de chaque école.
Pour cette 3e édition, les projets de 5 Hautes écoles ont été retenus. La volonté est de "conscientiser et outiller les instituteurs.trices maternelles et primaires dès leur formation initiale à l’importance de la biodiversité et du contact avec la nature, explique Céline Grandjean, project manager chez Ose le Vert. Construire avec eux une autre vision des espaces récréatifs, c’est augmenter la probabilité de voir émerger des projets 'nature' pérennes dans les écoles".
C'est le cas, à titre d'exemple, de la Haute École Bruxelles-Brabant qui a initié un projet Ose le Vert sur son campus de Nivelles cette année. Au mois de décembre, des arbres ont été plantés et dès le printemps, une mare pédagogique sera creusée.
Au total, en 3 éditions, 412 écoles fondamentales et 5 Hautes écoles ont ou vont oser le vert