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"Un nouveau site dédié aux produits a été lancé il y a quelques semaines. Il regroupe tous les meilleurs produits alimentaire belges", nous a écrit Mathieu via le bouton orange Alertez-nous. A 24 ans, ce jeune homme originaire de Chaumont-Gistoux sillonne les routes de notre pays à la découverte de nouveautés à proposer sur son e-shop. Quelques mois après le lancement de son projet, Mathieu souhaite aujourd’hui nous le faire découvrir. L’occasion aussi pour lui de nous expliquer à quel point il croit en l’avenir de l’e-commerce alimentaire en Belgique. "Il y a de plus en plus d’acteurs dans ce secteur. C’est un secteur en pleine expansion, qui commence à peser et on voit aujourd’hui que les clients sont en recherche de ça. Ils veulent des produits locaux ou de plus de grandes distributions et ils préfèrent se les faire livrer chez eux ou au bureau, sans devoir faire les courses", remarque-t-il.
C’est un secteur porteur et ça se développe très bien dans d’autres pays donc il n’y a pas de raison que ça ne se développe pas ici
Mathieu constate que les ventes en ligne sont en train d’exploser et que les choses tendent de plus en plus à se digitaliser. C’est ce qui l’a poussé à créer Belmade. "Commerce local et e-commerce, ce sont des choses qui peuvent très bien cohabiter. Je vois de plus en plus de demandes et l’offre est de plus en plus conséquente donc ça montre que c’est en train de se développer. C’est un secteur porteur et ça se développe très bien dans d’autres pays donc il n’y a pas de raison que ça ne se développe pas ici", dit-il, confiant.
12% des Belges font des achats alimentaires en ligne
Il est vrai qu’actuellement, la Belgique est encore à la traîne comparé à nos voisins français, allemands ou hollandais. Seulement 12% des Belges effectuent des achats alimentaires en ligne, contre 30% en France et 25% en Allemagne. L’e-commerce alimentaire n’a donc pas encore totalement trouvé sa place chez nous. Et pour cause, la rigidité dans l’organisation du travail en Belgique freine ce type d’évolution. "Des entreprises ont déjà essayé depuis longtemps de lancer leur commerce alimentaire en ligne mais c’est très compliqué à mettre sur pied", nous explique Dominique Michel, administrateur délégué chez Comeos, la fédération responsable des commerces et services belges.
Lorsqu’une grande structure, qui emploie quelques centaines ou milliers de personnes, souhaite modifier sa façon de travailler, cela prend des années car "notre système date du siècle précédent en matière sociale, en matière de réglementation", pointe Dominique Michel. "On l’a vu pendant la crise du coronavirus, on le voit maintenant pour toute l’activité digitale, ça prend des années. Or, le digital n’attend pas. Les nouvelles idées arrivent tous les jours donc on doit avoir la possibilité d’évoluer et s’adapter beaucoup plus rapidement", poursuit-il.
© RTL INFO
Ces grandes chaines belges n’ont donc pas la possibilité de s’adapter au monde d’aujourd’hui et, de ce fait, les entreprises étrangères accaparent le marché belge et nous fournissent ces services immédiatement. "Un bon exemple est Hello Fresh, cite l’administrateur délégué de Comeos. Ce fournisseur des Pays-Bas a explosé son chiffre d’affaires ces dernières années. Malheureusement, ce n’est pas une chaîne belge, ce n’est pas de l’emploi belge et ce sont des produits 100% hollandais. C’est ça le message que l’on veut faire passer à nos agriculteurs ? Que demain ou après-demain ils auront de moins en moins de travail parce que leurs produits seront remplacés par des produits hollandais ou français ?"
Pour lui, le principal problème est la réforme du marché du travail. "Même si le gouvernement a essayé de faire quelques petites modifications il y a quelques semaines, ce n’est pas suffisant. Les petits pas pris par le gouvernement doivent se multiplier et doivent encore être modifiés pour qu’on puisse enfin travailler en Belgique comme le font les pays étrangers." L’enjeu à l’heure actuelle ? Permettre aux acteurs belges du secteur de la vente alimentaire en ligne de se développer comme ils le souhaitent, sans être coincés dans un système ancien comme c’est le cas aujourd’hui. "Si on ne le fait pas, on va de toute façon arriver à une explosion du commerce alimentaire en ligne, comme c’est le cas chez les pays voisins, sauf qu’une bonne partie de ces commerces passeront à l’étranger", déplore Dominique Michel.
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Ce dernier félicite d’ailleurs l’initiative de Mathieu et l’encourage à poursuivre sur cette voie. "Il faut le faire, on n’a pas le choix. C’est d’ailleurs ce que veut le consommateur : il veut des produits locaux, durables, de chez nous… On doit avoir cette possibilité, à partir de la Belgique, de pouvoir organiser tout ça et ne pas se laisser envahir par des opérateurs venant des pays voisins", insiste-t-il.
Néanmoins, selon un économiste que nous avons rencontré, la tendance actuelle en matière d’e-commerce n’évolue plus énormément depuis quelque temps, après une "croissance invraisemblable" suite à la crise sanitaire : "Ce que l’on voit dans la plupart des pays européens, c’est que cette énorme croissance de l’e-commerce connaît aujourd’hui une légère recrudescence. On voit que le consommateur retourne dans les magasins physiques, mais la Belgique, elle, est plutôt dans un affaissement de cette tendance, une stagnation et non pas une diminution", analyse Pierre-Alexandre Billiet.
Je pense que c’est l’avenir et qu’il y a vraiment une place pour cette livraison alimentaire à domicile
Cela ne veut évidemment pas dire que le commerce alimentaire en ligne est mis à mal. Au contraire, "cette tendance va continuer à exister", d’après l’économiste et professeur à l’Institut Solvay, mais "à une vitesse beaucoup moins développée", note-t-il. D’ici 5 à 10 ans, on s’attend à ce que l’e-commerce alimentaire représente entre 20 et 30% du marché, selon les observations de notre interlocuteur. Et si la Belgique semble aujourd’hui accuser un retard par rapport à nos voisins, c’est aussi parce que notre pays bénéficie d’un nombre important de magasins physiques. Des alternatives comme la livraison de biens alimentaires à domicile ne sont donc pas d’une nécessité absolue pour les habitants. "On a à peu près un magasin pour 3.500 Belges. On est l’un des pays d’Europe le plus dense en matière de magasins physiques. Ce n’est donc pas un retard en matière d’e-commerce mais tout simplement une nécessité consumériste moins développée", affirme Pierre-Alexandre Billiet.
Malgré tout cela, cet économiste souligne également le projet mis en place par le Chaumontois de 24 ans. "Je pense que c’est l’avenir et qu’il y a vraiment une place pour cette livraison alimentaire à domicile. Mais il faut surtout que le cadre au niveau politique et économique soutienne l’évolution de manière durable. Je pense que ce retard dont on parle est aujourd’hui encore une force et elle doit permettre de remettre certaines choses en question. Mais il faut trouver les réponses maintenant", conclut-il.
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