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La crise du coronavirus a fait l'effet d'une bombe dans la plupart des hôpitaux. En mars dernier, ils ont dû faire face à l'arrivée parfois massive de patients atteints du covid-19, en détresse respiratoire aigüe tout en étant potentiellement contagieux…
Dès lors, des centaines de milliers de rendez-vous chez les médecins spécialistes – ceux considérés comme non-urgents, du moins - ont dû être reportés. Petit à petit, les hôpitaux tentent de recaser tout le monde, mais c'est loin d'être évident.
Et pour Maria, c'est un problème. Elle attend son rendez-vous chez le cardiologue depuis plusieurs mois, et il vient d'être reporté pour la deuxième fois. "Pourquoi dire que les gens ont peur de se soigner? C'est faux: ce sont les hôpitaux qui annulent les rendez-vous", nous a-t-elle écrit via le bouton orange Alertez-nous.
"Palpitations, malaises"
Notre témoin de la région de Charleroi, 35 ans, "a souvent des palpitations, et fait des malaises", parallèlement à "d'autres problèmes de santé". Bien logiquement, elle prend rendez-vous chez un cardiologue au début de l'année 2020. "Je veux m'assurer que c'est pas un problème cardiaque".
Maria avait demandé "un rendez-vous au plus tôt, peu importe le site, et comme l'hôpital Vésale travaille avec l'hôpital Marie Curie", c'est là qu'elle a devait avoir rendez-vous.
"Le premier rendez-vous devait avoir lieu au mois de mars. Et il a été annulé, c'est tout à fait normal. Il a été reporté au 18 juin".
Vu que la situation est stabilisée dans les hôpitaux (les chiffres officiels de Sciensano font état de 344 lits occupés pour des cas Covid-19, sur l'ensemble de la Belgique, alors qu'on était à près de 6.000 début avril), Maria ne s'attendait pas à cette mauvaise surprise.
"Ils annulent à nouveau, par téléphone, et me reprogramme au mois de septembre"
Effectivement, lundi 15 juin, elle apprend que son rendez-vous du jeudi 18 juin est annulé. "La secrétaire m'a téléphoné, et m'a dit que, en raison des mesures sanitaires liées au covid-19, le rendez-vous était reporté".
Maria doit donc attendre "jusqu'au 3 septembre" pour voir un cardiologue, alors qu'elle avait rendez-vous en mars. "J'ai dit à la secrétaire que ça m'embêtait, car j'avais besoin du rendez-vous. C'est quand même grave, c'est un cardiologue, c'est important. Pour elle, ce n'était pas une urgence. Pour moi, oui".
Si le médecin spécialiste a décidé que ça pouvait attendre, c'est qu'il n'y avait sans doute pas un caractère d'urgence par rapport à d'autres consultations (CHU)
Notre témoin de 35 ans "ne sait toujours pas ce qu'elle a", et en attendant "prend des Xanax pour se calmer". Vu le nouveau report, elle a trouvé une solution pour voir un cardiologue plus rapidement. "Via une connaissance, j'ai contacté un cardiologue en privé, et là j'ai une place le 23 juin".
Elle ne mâche cependant pas ses mots vis-à-vis des hôpitaux. "Du dégoût… Je pense qu'on se fout un peu de nous: on nous dit que ça va mieux, qu'on peut partir en vacances. Mais on annule encore des rendez-vous à l'hôpital, alors qu'on nous a dit plusieurs fois qu'il fallait aller consulter. C'est qu'il y a un problème quelque part…"
60.000 rendez-vous reportés sur les différents sites du CHU de Charleroi
Nous avons contacté le CHU de Charleroi, soit l'entité qui supervise 4 hôpitaux, une clinique, des polycliniques et des centres de soins dans la région. Comme nous vous le disions dans l'histoire de Corinne, le CHU de Charleroi, comme tous les hôpitaux, a eu fort à faire en devant reprogrammer 60.000 rendez-vous prévus ces derniers mois.
Une prouesse administrative, rendu délicate par le fait qu'en temps normal, beaucoup de services sont déjà saturés. "Tous les rendez-vous fixés en juin sont annulés pour être reprogrammés progressivement. Les patients sont prévenus par SMS puis contactés personnellement par téléphone pour une reprogrammation. Le délai d’attente dépend de divers facteurs tels que la discipline médicale et, bien entendu, le degré d’urgence", nous précise Frédéric Dubois, responsable de la communication.
Pour établir ce degré d'urgence, des critères objectifs ont été établis avec l'aide du GBS, le Groupement des unions professionnelles Belges de médecins Spécialisés (voir les détails par spécialité, sur leur site). "Si le médecin spécialiste a décidé que ça pouvait attendre, c'est qu'il n'y avait sans doute pas un caractère d'urgence par rapport à d'autres consultations", raison pour laquelle le rendez-vous de Maria a été déprogrammé.
Le CHU "comprend cependant la colère", mais "demande de la compréhension de la part des patients, même si c'est difficile quand on ne se sent pas bien". Parallèlement à cela, le CHU rappelle que "les urgences n'ont jamais cessé de fonctionner, et on a un trauma center, avec bien sûr un cardiologue de garde en permanence". Donc en cas de grave malaise cardiaque, il était (et est donc toujours) possible de se faire soigner.
"La cardiologie tourne à 125%"
Les hôpitaux du CHU de Charleroi "fonctionnent quasi normalement, on a repris une grosse partie des consultations, mais à cause des 60.000 qu'il faut recaser, le retard ne va se récupérer que sur plusieurs mois". Sans oublier "la sécurité des patients quand ils viennent en consultation: on a du rajouter quelques minutes à la durée habituelle pour le nettoyage des points de contact".
De plus, certains services sont plus sollicités que d'autres. "En cardiologie, par exemple, le service fonctionne à 125% de ses capacités normales. Ça veut dire qu'on a étendu les plages horaires, pour pouvoir recaser un maximum de consultations. Et on a des possibilités de télémédecine assez avancées en télémédecine".
En conclusion: le CHU rassure: "on est opérationnel, et pour tout renseignement, il y a ce numéro: 071 92 25 11, puis les patients sont redirigés vers le service adéquat".