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Ces derniers mois qui ont durement touché les métiers de contact, on a souvent parlé des coiffeurs, et plus spécifiquement des indépendants. Mais c'est plus spécifiquement sur le sort des ouvriers dans les salons de coiffure que Jordan, 20 ans, attire notre attention aujourd'hui. "Je trouve dommage qu’on parle beaucoup des indépendants mais pas beaucoup de ces ouvriers qui sont dans un état financier plus que mal… Malheureusement, pas grand-chose n'est mis en place pour ces personnes. Moi, j’ai de la chance car j’avais des réserves mais celui qui n'en a pas doit souvent choisir entre payer ses factures et remplir son frigo", nous a-t-il écrit via le bouton Alertez-nous.
On reçoit 1.100 euros de chômage à nous deux
Originaire de Lodelinsart (Charleroi), Jordan travaille dans un salon à Châtelet. Comme tous les autres coiffeurs, ouvriers et apprentis, il ne peut plus travailler depuis le 30 octobre dernier, date à laquelle la fermeture de tous les salons de coiffure a été ordonnée.Dans un premier temps, Jordan et sa compagne, Céline, également employée d'un salon de coiffure, ont voulu voir la situation avec optimisme. "Au début, c'était plutôt chouette, on en a profité pour passer du temps en couple et profiter de notre nouvelle maison", raconte Jordan.
Mais rapidement, leur situation financière les a forcés à devoir tout compter. "On est beaucoup moins bien payés… D'habitude, je gagne 1200 euros nets à peu près et ma compagne 900. Là, on reçoit 1.100 euros de chômage à nous deux et on paye 600 euros pour le prêt de la maison", raconte le jeune ouvrier.
De petites constituées économies grâce notamment à des pourboires plus généreux
Une fois payées les dépenses mensuelles classiques comme la nourriture, l'essence, les charges, il ne reste plus grand-chose au couple. "Heureusement, j'ai des économies mais je pense à tous les ouvriers qui sont dans le même cas", lance Jordan.
Le couple avait mis de l'argent de côté en prévision de cette deuxième fermeture. Le jeune ouvrier nous explique que les clients avaient donné des plus gros pourboires entre la première réouverture des salons en mai et la deuxième fermeture de fin octobre. Jordan et Céline avaient mis cet argent de côté en prévision.
Des restrictions
Auparavant, avec ces pourboires, le jeune couple s'octroyait des petits plaisirs et cadeaux. Mais ce n'est plus possible dorénavant. "Forcément, on ne fait plus de restos, mais on ne commande même pas de toute façon. On dépense moins en courses, on doit davantage regarder à ce qu'on achète. Même en vêtements, on fait des restrictions. On économise là où on peut", détaille le jeune homme.
Jordan pense à tous les autres ouvriers et ouvrières de salon de coiffure qui se trouvent dans des situations plus difficiles que la sienne. "Je le lis dans les groupes Facebook de coiffeurs. Rares sont les personnes qui, comme moi, voient le bout du tunnel. Ils doivent choisir entre remplir leur frigo et payer les factures", explique le coiffeur. Dans ces groupes d'échange, les coiffeurs, ouvriers et apprentis se confient sur la difficile situation qu'ils vivent aujourd'hui. "Ils disent qu'ils doivent faire des choix dans ce qu'ils payent, que certains n'ont pas assez d'argent cette année pour acheter de nouvelles chaussures pour les enfants… La réalité, c'est qu'on doit quand même tout payer", ajoute-t-il.
Dans son message envoyé via le bouton orange Alertez-nous, il s'interrogeait : "Que fait l’État pour eux ? Quand allons-nous reprendre ? Les premiers mois, nous allons devoir rembourser les huissiers et combler les retards de payement avant de profiter enfin de la vie."
La réouverture des salons en février ? Pas si sûr...
Si la réouverture des salons se profile, tous les ouvriers ne reprendront peut-être pas tout de suite le travail pour autant. Étant donné les conditions strictes de réouverture annoncées, il est probable que dans certains salons, tous les employés ne puissent y retravailler.
Les portes et fenêtres ouvertes avec une couleur sur la tête ou les cheveux mouillés ?
Les règles pour une réouverture dans les prochaines semaines sont assez drastiques avec un seul client par 10 mètres carrés, la prise de rendez-vous obligatoire (pas de salle d'attente), le port du masque, la prise de la température des clients ou encore les portes et fenêtres du salon ouvertes, même par mauvais temps, afin de ventiler les lieux.
C'est cette dernière règle qui pourrait pousser la patronne de Jordan à ne pas vouloir rouvrir selon lui. "Les portes et fenêtres ouvertes avec une couleur sur la tête ou les cheveux mouillés ? Ce n'est pas le Covid que les patients vont attraper mais une pneumonie", dit le coiffeur qui estime que c'est "trop de contraintes" et que "c'est travailler à perte plutôt que de remplir les comptes".
Ce n'est pas seulement le manque d'argent qui rend Jordan impatient de retrouver ses peignes et ciseaux : "On voudrait retrouver le contact avec les gens. Ces restrictions, c'est très très dur. Je me sens mitigé parce que, oui, j'ai du temps libre, mais en même temps on ne voit plus personne. Je suis impatient de travailler", confie-t-il. Il reste optimiste quant à la situation financière du salon de sa patronne qui existe depuis 36 ans mais s'inquiète pour d'autres qui risquent de ne pas "pas tenir le coup", selon lui.