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La cour européenne de justice a donné tort à la Commission européenne qui exigeait d'Apple le remboursement à l'Irlande de 13 milliards d'avantages fiscaux. Cet arrêt très attendu intervient la veille d'une autre décision dans un dossier tout aussi sensible, concernant cette fois Facebook et les transferts de données personnelles de l'Europe vers le reste du monde.
Dans le cas d'Apple, l'affaire remonte au 30 août 2016 : la Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, aujourd'hui vice-présidente de la Commission européenne, décide de frapper un grand coup contre la marque à la pomme. Selon l'enquête de la Commission, Apple a rapatrié en Irlande entre 2003 et 2014 l'ensemble des revenus engrangés en Europe (ainsi qu'en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde) car l'entreprise y bénéficiait d'un traitement fiscal favorable, grâce à un accord passé avec les autorités de Dublin.
Le groupe a ainsi échappé à la quasi-totalité des impôts dont il aurait dû s'acquitter sur cette période, soit environ 13 milliards d'euros, selon les calculs de la Commission. Un avantage qui constitue pour Bruxelles une "aide d'Etat" illégale, puisqu'elle se fait aux dépens d'autres entreprises soumises à des conditions moins favorables.
Pour Dublin néanmoins, il n'y avait rien d'illégal. Connue pour ses positions "pro-business", l'Irlande a attiré sur l'île de nombreuses multinationales, pourvoyeuses d'emplois, grâce à une fiscalité avantageuse.
C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Irlande, comme Apple, a fait appel de la décision.
"La Commission a outrepassé ses pouvoirs et violé la souveraineté" irlandaise concernant l'impôt sur les sociétés, avait affirmé Dublin. Quant au patron d'Apple, Tim Cook, il avait qualifié l'affaire de "foutaise politique".
Pour la Danoise Margrethe Vestager, bête noire des Gafa et surnommée la "tax lady" par le président américain Donald Trump --précisément à cause du cas d'Apple-- cette décision constitue un nouveau test de sa politique menée contre une série de multinationales ayant bénéficié d'un traitement fiscal jugé trop favorable.
Dans deux affaires similaires, les juges européens avaient donné en septembre 2019 un premier aperçu de leur analyse. Ils avaient réfuté les arguments de la Commission européenne concernant la chaîne américaine de cafés Starbucks, sommée de rembourser jusqu'à 30 millions d'euros d'arriérés d'impôts aux Pays-Bas. En revanche, dans le cas de Fiat, ils avaient donné raison à Bruxelles, qui exigeait du groupe italien le versement au Luxembourg d'une somme identique pour avantages fiscaux indus.
"Dans l'affaire Apple, la question sera de savoir si la Commission est parvenue à démontrer que le groupe américain a vraiment bénéficié d'un avantage compétitif et comment quantifier cet avantage (donc le montant de la somme à rembourser, ndlr)", a estimé M. Lamadrid.
Cette affaire survient dans un contexte bien particulier, où plusieurs pays européens, dont la France, veulent parvenir à une meilleure imposition des géants du numérique, partout où ils réalisent des profits.
Cependant, dans une UE à 27, où toutes les questions fiscales se décident à l'unanimité, il n'est guère facile de s'entendre.
"Outre l'Irlande, les Pays-Bas, Chypre, Malte et le Luxembourg mènent également des politiques fiscales favorables aux multinationales", observe Tove Ryding de l'ONG internationale Eurodad.
"Avoir un système fiscal plein de failles et les combler ensuite en utilisant les règles sur les aides d'État n'est pas du tout efficace", ajoute l'experte.