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Le professeur Jean-Christophe Goffard, directeur du service de médecine interne et responsable des unités Covid 19 de l’hôpital Erasme à Bruxelles, était l'invité de 7h50 dans la Matinale Bel RTL. Il est revenu, avec Fabrice Grosfilley, sur les traitements à base d’hydroxychloroquine, que son hôpital a utilisés sur les patients, sur les diverses formes que prennent la maladie en fonction des patients et sur l’état d’esprit du monde hospitalier après le décès de personnel soignant et alors qu’on commence à parler de déconfinement.
Jean-Christophe Goffard, vous êtes en charge des unités covid-19 à l'hôpital Erasme. Vous faites partie de ceux qui ont administré la fameuse hydroxychloroquine dont on parle beaucoup. Pourquoi avoir pris cette décision?
"C'est une décision qui a été concertée avec les différents infectiologues et avec Sciensano, c'est en suivant des recommandations qui se basaient essentiellement sur des résultats de cultures virales et d'inhibition de la réplication virale, non pas spécialement directement chez le patient, mais en culture, et puis, après quelques résultats voyant une diminution du virus éventuellement plus rapidement. Néanmoins, nous n'étions absolument pas convaincus ni certains que les patients allaient directement bénéficier de ce traitement. Nous avions l'espoir en tout cas que le virus, en diminuant, risquait de diminuer aussi le nombre de cas secondaires dans le personnel soignant et c'est pour ça que nous avions réservé ce traitement aux personnes hospitalisées".
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C'est-à-dire que vous avez administré ce traitement dès le début de l'hospitalisation, il y a à peu près un mois, sur 200 patients. Quels sont les résultats que vous avez obtenus ?
"Au total, dans nos unités covid, on a à peu près 300 patients qui ont circulé dans les unités, avec évidemment une immense majorité de personnes qui ont bien évolué, mais un nombre conséquent de décès liés au grand âge des patients, liés à des comorbidités importantes, pour la plupart, des patients qui sont décédés. C'est ça qui rend les choses extrêmement difficiles pour les équipes soignantes, qui sont confrontées à un nombre de décès important. Nous n'avons pas eu l'impression que nous administrions un traitement miracle à ce stade de la maladie, en commençant dès le début de l'hospitalisation, parfois quand les symptômes étaient d'ailleurs très peu sévères et entraînaient simplement un besoin d'oxygène plus important".
Ça veut dire que sur l'échantillon de patients auxquels vous avez administré cette hydroxychloroquine, il n'y a pas eu moins de mortalité ou de guérison plus rapide.
"Oui, mais attention. Ce qu'il faut bien se dire, c'est que ce n'était pas un test clinique, et c'est important de faire la différence. Il y a des tests, où on utilise deux populations différentes, une population traitée et une population qui est non traitée, et on compare, ça, c'est un véritable essai clinique, et c'est ça qui doit être réalisé pour pouvoir démontrer que le traitement est efficace".
Donc, cet essai clinique qui permettra de comparer un groupe à un groupe similaire auquel on a appliqué le traitement, il est en cours? On aura des résultats dans combien de temps ? Pour pouvoir dire si effectivement le fameux professeur Raoult a raison ou pas? C'est une question de semaines ?
"Oui, nous espérons d'une part avoir des résultats, non pas du docteur Raoult, qui utilise finalement peu de groupes contrôle, même si je n'ai pas vu sa dernière étude, mais nous espérons surtout avec les résultats de l'étude Discovery, qui compare l' hydroxychloroquine et d'autres traitements, qui est menée en France de façon très rigoureuse, pour des patients qui ont des pneumonies à coronavirus. C'est cet essai-là qui devrait nous donner des informations très importantes. Dans les quinze jours qui viennent, on espère déjà avoir des résultats qui seraient convaincants pour dire, oui, il y a une efficacité, ou ce que je crains, il y a trop peu d'efficacité pour modifier la mortalité du patient".
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Ce que vous nous dites, professeur Goffard, c'est que vous n'y croyez pas trop, et que ce ne sera pas le médicament miracle, en tout cas.
"En tout cas, ce ne sera pas un traitement miracle, ce ne sera pas comme au temps des trithérapies qui sont arrivées pour le VIH, et on voyait les gens qui mouraient qui ressuscitaient littéralement quand ils ont reçu leur trithérapie".
Diriez-vous que ces dernières semaines, vous avez fait de la médecine de crise en testant une chose puis l'autre pour voir ce qui pouvait marcher ? Comment on se sent dans le monde médical quand on est face à un virus qu'on ne connaît pas très bien, et que finalement, on n'a pas encore le bon traitement?
"Je suis avec des équipes qui sont toutes fantastiques. On a une solidarité au sein de notre hôpital, où nos infirmières, les techniciens de surface, les étudiants en médecine, les bénévoles, et caetera, se mouillent le maillot pour pouvoir aider les gens à aller le moins mal possible et à sortir de l'hôpital comme ça se passe pour la majorité des patients qui ont eu cette maladie. Est-ce qu'on a fait des traitements qui étaient, entre guillemets, expérimentaux ? Nous étions dans une médecine de crise, de crise parce qu'on est face à une pandémie. On n'est plus dans un traitement de l'individu, on est dans un traitement de la communauté".
Revoir l'interview dans son intégralité: