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Depuis la crise du coronavirus, le risque de burn-out a quasiment doublé chez les infirmiers. 71% des infirmiers risquent un burn-out, contre 35% avant la crise. C'est une étude qui a été menée par un chercheur de l'ULB et un autre de l' UC Louvain.
Olivier Gendebien, le président de l'Association belge des praticiens de l'art infirmier était présent sur le plateau de RTLINFO13H. Il évoquait ces chiffres.
Olivier Schoonejans: Cette étude pointe notamment le sentiment de perte d'accomplissement personnel comme si le personnel infirmier n'avait pas trouvé de sens à son travail. Vous comprenez ce sentiment?
Olivier Gendebien: Oui, on le comprend puisque le personnel infirmier s'est retrouvé dans des situations un peu kafkaïennes où d'un côté, ils doivent prendre soin des gens mais ils ne peuvent pas leur accorder le temps nécessaire. Ils ne peuvent pas accorder le temps nécessaire aux familles non plus, puisqu'on doit recevoir les familles entre deux portes. Ils ne peuvent pas voir les résidents. Ils ne peuvent pas voir les patients. On coupe tout un lien social et c'est vraiment quelque chose qui a posé énormément de problèmes aux infirmiers.
Olivier Schoonejans: Et pourtant, ils ont été soutenus, ils ont été applaudis, ils ont été remerciés. Ils ont quand même eu cette petite bulle-là de la part de la population qui leur disait: "Vous comptez pour nous". Cela a-t-il servi?
Olivier Gendebien: Quand je vois les infirmières avec qui je travaille, cela a énormément servi à tout le monde puisque ça rassure. On voit beaucoup d'émotion le soir de la part des infirmières. Mais voilà c'est un moment de quelques minutes par jour. Nous maintenant, on se pose la question de savoir: que va-t-il se passer demain? Où en sont les financements hospitaliers, ceux pour les maisons de repos et ceux pour les infirmières à domicile? Où en sont les promesses politiques par rapport à un meilleur encadrement pour le nombre de patients. Ce sont toutes des choses où l'on avancer vers l'avenir avec les politiciens.
Olivier Schoonejans: Vous pensez par exemple qu'avoir plus de personnels et un meilleur encadrement pourraient réduire les risques de burn-out?
Olivier Gendebien: Certainement. On voit l'OMS qui le dit et des études internationales le montrent. Il y a un certain nombre de patients par infirmière qui est conseillé à travers le monde. Et on est bien en deçà. Cela veut dire qu'on n'a pas assez d'infirmières sur le terrain donc il nous faut des moyens. Avoir plus d'infirmières, c'est aussi pouvoir mieux gérer son métier, mieux pouvoir rentrer dans la relation avec le patient ou le résident. Ce qui est vraiment essentiel: on l'a vu en cas de crise maintenant.
Olivier Schoonejans: On voit aussi qu'un des facteurs qui pourrait aggraver le burn-out du côté des infirmiers, c'est la question de l'épuisement émotionnel. On peut aider le personnel infirmier ou médical à lutter contre ça?
Olivier Gendebien: On doit aider l'ensemble du personnel non seulement via, les nouvelles recrues qui arrivent, mieux les encadrer quand elles arrivent. Puisque quand on débarque dans le milieu professionnel et qu'on est confronté comme les gens vont l'être maintenant à une crise de cette ampleur. Il faut protéger les nouveaux arrivants et les gens qui sont déjà sur le terrain, et on est en train de mettre en place des soutiens psychologiques des sortes de coachs qui sont là pour les aider, pour parler, pour se libérer. C'est vraiment quelque chose d'important et le personnel est en demande.
Olivier Schoonejans: Est-ce qu'après ce pic, il y a une phase de creux, un peu je dirai, de décompensation?
Olivier Gendebien: On est en plein dedans, cela commence. Là où je travaille, le personnel a tendance à se laisser aller maintenant, être fatigué et nous dit que c'est une bonne chose que les congés arrivent. On entend beaucoup de discours tels que: "J'ai envie de prendre congé, de prendre du recul, et même si je ne pars pas à l'étranger cette année... Juste de me distancier par rapport au travail pour me retrouver."