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Le dernier amour de Marguerite Duras est mort: Yann Andrea avait 38 ans de moins et était homosexuel

Il fut le dernier amour de Marguerite Duras, son dernier compagnon pendant seize années d'une relation singulière, aussi vampirisante que littéraire: l'écrivain Yann Andréa a été retrouvé mort jeudi dans son appartement parisien à l'âge de 63 ans. "Ca arrive souvent les scènes dans les couples, c'est pas très original", minimisait Yann Andréa en évoquant son histoire tumultueuse avec Marguerite Duras, faite de ruptures et de retrouvailles, de passion autant que de soumission mais qui dura jusqu'à la mort de Duras le 3 mars 1996.

"Elle avait l'habitude des 'boys' depuis les colonies"

Était-il son serviteur? Était-il soumis? "Elle avait l'habitude des 'boys' depuis les colonies", acquiesçait-il, en faisant référence à l'enfance indochinoise de l'écrivaine, lors d'une interview télévisée réalisée en 1999. Frêle silhouette, visage juvénile rehaussé d'une petite moustache, Yann Andréa, de son vrai nom Yann Lemée, disait être tombé amoureux de Duras en lisant "Les Petits Chevaux de Tarquinia".

Elle avait 66 ans à l'époque et lui 28

Pendant cinq ans, tenace, il lui avait écrit sans qu'elle lui réponde. Puis un jour de 1980, le jeune homme avait frappé au domicile de Trouville de l'écrivain. Ils ne devaient plus se quitter. Elle avait 66 ans à l'époque et lui 28. Écrivain lui-même, Yann Andréa était l'auteur de plusieurs ouvrages: M.D. (Éditions de Minuit, 1983), "Cet amour-là" (Ed. Pauvert, 1999), "Ainsi" (Pauvert, 2000), "Dieu commence chaque matin" (Bayard, 2001).

"C'était haïssable et, à me détester le corps, il devenait, lui, haïssable"

Dans "Cet amour-là", sorti en 1999, il avait raconté sa relation, plus que tourmentée, avec celle qui était de 38 ans son aînée. Un livre qui donnait la troublante impression d'avoir été écrit par Duras elle-même. Pendant cette période, elle décide de tout, de ce qu'il mange, de ce qu'il fait. Lui est tout à la fois son secrétaire, son chauffeur, son souffre-douleur aussi, dans cette union singulière dont la relation physique est toutefois absente. "La passion passait par là, par la détestation du corps de la femme", confiera Marguerite Duras dans un entretien au journal Le Matin en 1986, à l'occasion la parution de "Les Yeux bleus cheveux noirs". "C'était haïssable et, à me détester le corps, il devenait, lui, haïssable."

L'homosexualité de son jeune compagnon qui sortait tous les soirs pour rencontrer des barmen

Dans "La pute de la côte normande", sorti la même année, elle racontera sa souffrance face à l'homosexualité de son jeune compagnon qui sortait tous les soirs pour rencontrer des barmen des hôtels de luxe des villes balnéaires. En dépit des crises, il la protège, voire l'isole, jusqu'à son dernier souffle. "C'était de plus en plus difficile de parler avec elle au téléphone", se souvient Laure Adler dans sa biographie de Duras parue en 1998. "Yann, adorable, charmant, vous entretenait de la pluie et du beau temps, de la couleur du ciel, d'une promenade à pied la veille, il riait, il parlait, mais il ne vous la passait pas", écrit la journaliste.

Gardien de la mémoire durassienne

Yann Andréa, le nom que lui avait donné Duras, était aussi l'exécuteur littéraire de l'écrivain et percevait à ce titre 10% des droits d'auteur de Marguerite Duras, un privilège qui lui avait valu d'être soupçonné de vénalité. Gardien de la mémoire durassienne, il s'était opposé en 1999 à Jean Mascolo, fils unique de Duras, à qui il avait interdit la publication d'un ouvrage, édité par Mascolo lui-même, "Duras: la cuisine de Marguerite", rassemblant des recettes, des transcriptions d'entretiens.

Après la mort de Duras, Yann Andréa restera enfermé, pendant deux ans, dans la chambre qu'elle lui a léguée en face de son appartement de la rue Saint-Benoît, à Paris, avant de se mettre à écrire. Il était resté en retrait ces derniers années, y compris lors du centenaire de la naissance de l'écrivaine, célébré au printemps dernier.

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