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Samuel ne trouve aucun t-shirt à sa taille et va devoir... "aller jusqu’à Lille pour en acheter"

Samuel a de plus en plus de difficultés à s’acheter de nouveaux vêtements. Obèse, il fait du 8XL. Cet été, malgré avoir visité une dizaine de magasins, il n’a pas réussi à trouver de t-shirts. "Personne ne pense aux gens comme moi". 

Samuel est obèse depuis plusieurs années. Le décès de sa maman, de qui il était très proche, l’affecte chaque jour depuis deux ans. Un deuil compliqué, au point que depuis, il prend du poids à vue d’œil. "J’ai atteint un stade d’obésité morbide et j’en suis conscient", dit-il. À 31 ans, le Liégeois n’est pas à l’aise dans sa peau et il lui est impossible de freiner cette prise de poids qui semble sans fin. Les sensations d’abandon et de déception font partie de son quotidien, et encore plus lorsqu’il franchit les portes des magasins de prêt-à-porter. Le shopping est devenu sa bête noire. Ce plaisir s’est transformé en angoisse. Sa taille, du 8XL, est rarissime dans les rayons. "Pour l’été, je dois m’acheter de nouveaux t-shirts, mais c’est presque impossible. Mi-août, j’ai fait une dizaine de magasins à Liège et je n’ai rien trouvé". Pourtant, il y a quelques années, Samuel trouvait des vêtements aux Pays-Bas ou encore en Allemagne. "Là-bas, il y a beaucoup plus de choix qu’ici". Mais depuis la pandémie, les rayons se sont vidés et ne se sont jamais remplis. "Maintenant, je n’y vais plus. En revanche, j’ai trouvé un magasin avec des t-shirts à ma taille, mais c’est à Lille. C’est ma seule solution. Je vais y aller en train et faire des réserves".

"Nous sommes mis au ban de la société"

Les difficultés de Samuel pour se rhabiller ne s’arrêtent pas là. "Même quand je trouve exceptionnellement des vêtements à ma taille, ils sont à des prix mirobolants. Mes chemises coûtent au minimum 120 €". À ce prix-là, l’achat sur Internet est exclu. Je ne vais pas payer très cher pour des habits rares, qui risquent de ne pas m’aller. Je préfère me déplacer".

En plus de la rareté et du coût, le choix de Samuel est considérablement réduit. Les couleurs sont basiques et passe-partout. "Je ne cherche pas à être à la pointe de la mode, mais au point où j’en suis, j’achète ce que je trouve et tant pis. Nous sommes mis au ban de la société".

Un marché à saisir


Samuel n’est certainement pas le seul dans cette situation. Selon Sciensano, en Belgique, un adulte sur deux est en surpoids et trois sur vingt sont obèses. C’est donc une demande importante qui pousse les portes des magasins de prêt-à-porter. Une demande qui n’est pourtant pas suivie par l’offre. Seules certaines marques se spécialisent dans les vêtements grandes tailles. Un vaste marché qui ne concerne que quelques magasins. Un paradoxe surprenant pour Pierre-Alexandre Billet, spécialiste de la grande distribution. "Il est vrai que la demande augmente de plus en plus. Hormis certaines marques qui en ont fait leur spécialité, les grandes tailles ne représentent qu’un rayon sur toute une collection. Le marché n’est probablement pas exploité à son plein potentiel".

Mais alors, quels sont les freins à la commercialisation de ces tailles ? Selon le spécialiste, l’histoire du prêt-à-porter joue un rôle important. "Jusque dans les années 2000, commercialiser des tailles au-dessus du XL semblait être néfaste pour l’image de marque. En Europe, il était possible de trouver uniquement du small, du medium et du large".

Autre problème, l’état des enseignes spécialisées. "Comme dit précédemment, les tailles au-delà du XL ont été développées par des entreprises après les années 2000. Cependant, depuis, les vêtements n’ont pas évolué. Ils sont devenus désuets. Les marques spécialisées frôlent d’ailleurs la faillite". L’offre a donc drastiquement baissé. "Pour relancer ce marché, qui est pour l’instant vide, il faut attendre un nouvel effet de mode. Il faut que des entreprises aient le courage de s’y lancer en recréant des valeurs et une véritable plus-value".

"Il y a des efforts qui sont faits"


Une autre explication se trouve du côté des coûts de fabrication, qui sont plus élevés, nécessitant plus de tissu et un autre format. Ingrid Van Langhendonck, rédactrice en chef et experte mode de So Soir, confirme : "Il ne faut pas oublier que les marques veulent être rentables. Même si le marché augmente, il reste très risqué et très coûteux. Les processus de fabrication entrent également en jeu. Pour créer un vêtement, il faut couper dans du tissu, mais si des chutes doivent être jetées à cause de tailles plus particulières, cela engendrera forcément des pertes".

Mais heureusement pour Samuel, tout n’est pas noir. Depuis plusieurs années, les marques ouvrent, doucement mais sûrement, leurs portes à des tailles auparavant exclues. " La mode cherche à être plus inclusive, même si Samuel a toujours des difficultés à se procurer des vêtements, les grandes tailles sont de plus en plus présentes ". Dans quelques années, Samuel aura probablement plus de facilités. "Malheureusement, avec le taux d’obésité qui augmente, les marques vont certainement s’apercevoir que ce marché est de plus en plus intéressant ".

En attendant, Samuel va devoir continuer à chercher le magasin qui pourra l’aider.

 

 

 

 

 

 

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