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Notre pays se prépare-t-il assez rapidement à passer à la voiture électrique ? Y aura-t-il suffisamment de bornes dans les prochaines années pour charger ce type de véhicule ? La fin des voitures thermiques à l’horizon 2035 a-t-elle déjà du plomb dans l'aile? Ces questions sont posées par Christian, qui rencontre des difficultés pour installer une borne de recharge à son domicile. L’habitant de Saint-Josse-ten-Noode se dit particulièrement déçu après avoir reçu des explications de la part de Sibelga, le gestionnaire des réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel pour les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale.
Christian est indépendant et travaille dans le textile. Tennoodois depuis 45 ans, il s’est récemment renseigné pour faire l’acquisition d’une voiture électrique. Propriétaire d’un box de garage, il désire y installer une borne électrique. Des démarches qui se sont avérées être parsemées d’embûches.
"Avec l’idée d’acheter une petite voiture électrique pour mon épouse, j’ai vérifié quelles étaient les possibilités d’installer une borne électrique spécifique pour le garage. Je n’allais pas prendre l’électricité des communs et en plus, ça ne fonctionne pas très bien pour charger une voiture", raconte Christian.
Un expert de Sibelga s’est rendu à son domicile pour lui rendre un rapport sur les possibilités qui s’offrent à lui. "J’ai été très surpris par les informations reçues par le technicien. Il m’a expliqué que ce n’était pas évident pour cet immeuble, qu’il n’y avait pas suffisamment d’électricité. Il faut faire des travaux pour augmenter l’électricité. Dans l’état actuel, impossible de rajouter un compteur. En plus, quand j’ai demandé un compteur pour une charge rapide, c’est impossible d’avoir une borne charge rapide pour une voiture. Il faut que ça soit pour tout l’immeuble et la partager avec tout le monde. C’est compliqué puisque tout le monde n’a pas de voiture électrique dans l’immeuble", poursuit-il.
Face à ce constat, Christian pense actuellement à renoncer à l’achat d’une voiture électrique. Les infrastructures de recharge ne sont pour lui pas suffisamment accessibles.
"J’ai râlé car on vous impose l’achat de voitures électriques. On vous dit que des voitures avec moteur thermique ne seront plus acceptées d’ici quelques années. Et puis, excusez-moi, mais on met de nouveau la charrue avant les bœufs. C’est mal foutu", regrette-t-il. "Je ne peux pas acheter de voiture électrique puisque je ne peux pas la recharger. En plus, dans ma commune, soi-disant il faut faire 250 mètres pour recharger son véhicule, mais il n’y a strictement rien. Ca fait râler. Ce sont des décisions prises par des technocrates. Des gens qui ne comprennent rien à la vie de tous les jours, mais qui vous imposent leur vision de la vie. Effectivement, pour l’instant, on attend avant d’acheter une voiture électrique."
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Christian poursuit sa réflexion : "Rien n’est prévu. Si on nous impose les voitures électriques demain, comment va-t-on faire pour pouvoir les recharger ? Ce sont des décisions prises par des personnes loin de la vie de tous les jours. Dans ma réflexion pour l’achat d’une voiture électrique, je me suis dit, un jour on devra y passer. Donc plutôt que d’acheter une voiture diesel, je me suis dit on va jouer le jeu. Soyons plus écologiques. C’est déjà un effort financier que d’acheter une voiture avec une autonomie qui est moindre. Je fais un effort, mais il n’est pas récompensé. Si ça n’est pas possible, on reprendra une voiture à moteur thermique, tant pis. Je serai pointé par certains qui me diront que je pollue."
De son côté, Sibelga explique ne rien bloquer dans le dossier introduit par Christian et "est tout à fait disposée à assurer l’installation de la borne".
"Sibelga s’est effectivement rendue fin mars pour une visite technique. Il s’agit d’un immeuble à appartements composé de 11 compteurs où l’un des propriétaires souhaite installer sa propre borne de recharge à titre privé. Qui dit installation d’une borne de recharge, dit installation d’un compteur supplémentaire…", précise Serena Galeone.
Des travaux nécessaires et une remise d’offre
Dans le cas de l'habitant de Saint-Josse, le câble de raccordement existant de l’immeuble ne dispose pas d’assez de puissance pour permettre l’installation d’une borne. "Il faut donc procéder à un renforcement via quelques petits travaux. Offre et montant des travaux pour le renforcement du raccordement : 1.000 euros que le client refuse de payer", ajoute Serena Galeone.
"Nous comprenons le point de vue du client qui ne souhaite pas prendre à sa charge les frais de raccordement de tout l’immeuble à appartements. Nous conseillons donc au client de se tourner vers son syndic pour qu’il centralise la/les demandes et prenne les frais à sa charge car il se pourrait qu’à l’avenir, d’autres propriétaires aient besoin de charger leur véhicule", conclut la porte-parole de Sibelga.
"La solution, c’est payer pour pouvoir augmenter l’électricité dans ce bâtiment. Mais est-ce que c’est moi qui doit le payer ?", s’interroge Christian. "Les autres copropriétaires ne vont pas payer. Pour l’instant, tout le monde n’a pas de véhicule électrique. Cela coûte plus cher d’acheter une voiture électrique. Cela n’est pas facile car l’autonomie n’est pas énorme. Et quand on veut la charger à la maison, cela n’est pas possible. Il faudrait que les autorités européennes et belges redescendent sur terre et qu’ils fassent quelque chose pour qu’il y ait de l’électricité partout pour pouvoir recharger."
Pourquoi est-il compliqué d'installer une borne quand on habite un immeuble à appartements ?
Les pouvoirs publics favorisent de plus en plus l'achat de véhicules électriques. Ces véhicules nécessitent évidemment l'installation de bornes de recharge au domicile des propriétaires. Le problème: l'opération est très compliquée lorsqu'on habite dans un immeuble à appartements.
Depuis 2019, la copropriété ne peut pas interdire à ses membres d'installer une borne de recharge, par exemple, sur leur emplacement de parking. Pourtant, aujourd’hui, beaucoup de syndics le déconseillent. "Pour le moment, tout ce qui est bornes de recharge pour véhicules électriques dans les parties communes qui peuvent présenter un danger, c'est-à-dire en souterrain, on refuse. On dit aux copropriétaires: 'Attendez, on essaie de trouver des solutions communes'. L'installation de bornes communes en extérieur par exemple", expliquait Tanguy De Gerlache, syndic de copropriété, en mai 2022.
En cause: les mesures de sécurité très contraignantes. Il n’existe pas encore de cadre légal, mais seulement des recommandations données par les pompiers. "On va imposer, dans la plupart des parkings, que des systèmes de sprinkler, donc d'extinction automatique, des systèmes de désenfumage pour évacuer les fumées, des systèmes de détection qui vont nous prévenir précocement", indique Patrick De Huisser, officier au sein de la zone de secours du Brabant wallon. "Parce que le but, d'une part, c'est de mettre le plus vite possible les résidents à l'abri, mais également de pouvoir sécuriser les intervenants, à savoir les sapeurs-pompiers".
Quel budget pour des bornes?
Dans la plupart des immeubles, ces équipements de sécurité incendie n’existent pas, et les installer coûte très cher. Un budget qui s'ajoute à celui déjà conséquent des bornes de recharges. "Pour une installation très basique, pour laquelle une copropriété dirait qu'on met deux ou quatre connecteurs à disposition, on se retrouve sur des budgets de moins de 10.000 euros. Par contre, si la copropriété décide d'installer quelque chose de plus conséquent, avec la possibilité pour chaque copropriétaire d'avoir un connecteur dans son garage, on peut se retrouver à des budgets largement au-delà des 30.000, voire dans des grosses installations au-delà des 100.000 euros", précisait Raphaël Couniot, électricien.
Qu’il s’agisse des électriciens, pompiers ou gestionnaires de syndics, tous attendent une directive claire, qu’elle soit nationale ou européenne.
Le parlement européen avait par ailleurs voté, le 8 juin 2022, en faveur d’un arrêt des ventes de véhicules à moteur thermique (même hybrides) au 1er janvier 2035. Une annonce qui avait poussé Christian à prendre ses renseignements en vue d'acheter un véhicule électrique.
Que pensent les partis francophones de cette limite fixée à 2035 ? La Belgique sera-t-elle prête pour cette échéance ? Leurs réponses dans cet article: