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Philippe nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer le système de points qui évalue un handicap. Il trouve ce système discriminatoire. Pour l'asbl Inclusion, les personnes qui souffrent d'un handicap invisible sont mises de côté. Explications.
"Je souffre d'une pathologie assez grave et ce n'est pas pris en considération". En mars 2022, Philippe a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Il est resté 10 jours à l'hôpital et en est ressorti avec des séquelles. Suite à son AVC, il a été reconnu handicapé.
Aujourd'hui, plus d'un an après, il souffre encore de vertiges. "C'est tout mon côté gauche qui est fort fragilisé, j'arrive à marcher mais au niveau de mon bras, de ma main et de ma joue gauche, ça ne se voit pas mais j'ai perdu toute la sensibilité. Ça empoisonne mon quotidien dans le sens où j'ai des difficultés pour marcher, je ne peux plus rouler en voiture ou à vélo. Je passe donc une très grande partie de mes journée à la maison au lit", nous explique-t-il.
Un système de points pour "noter" le handicap: c'est cette note qui détermine les aides dont peuvent bénificier les personnes handicapées
A cause des séquelles laissées par son AVC, Philippe a dû arrêter son travail, qui était une véritable passion. Pendant 41 ans, il travaille dans la publicité et la photographie. "J'ai absolument besoin de mes deux mains pour exercer ma profession, je suis donc reconnu par le SPF santé publique comme handicapé", explique-t-il.
Il touche alors un revenu de la mutuelle mais celui-ci est inférieur de 1.000 euros par rapport à son ancien salaire. Pour faire reconnaître son handicap, Philippe a dû passer un entretien avec un médecin qui, selon la classification, lui a accordé 8 points de handicap. "Pour avoir droit aux tarifs sociaux quand vous êtes reconnu handicapé, vous devez avoir un minimum de 12 points. 8 points, ça ne me donne accès à rien du tout... Le seul petit 'cadeau' que j'ai reçu c'est une carte d'accès au musée et au cinéma. Je souffre quand même d'une pathologie assez grave et je trouve que ce n'est pas pris en considération!", dénonce-t-il.
S'ils voient la personne arriver sans chaise roulante ou sans béquille, ils estiment que la personne n'a pas de problème de mobilité
Ces points sont attribués dans les locaux de la "Direction générale Personnes handicapées". Grâce à une grille d'évaluation, les médecins tentent de comprendre les difficultés quotidiennes des citoyens qui sollicitent une aide.
Des points sont ensuite attribués en fonction du handicap évalué. Cette note donne ensuite droit à une allocation et à des avantages. "Parfois, c'est très facile. Il y a des pathologies qui sont tout à fait claires, avec un handicap important, et ça ce sont les cas les plus faciles. Parfois les cas sont plus complexes. Et donc on est là pour essayer d'avoir l'évaluation la plus précise possible", nous explique un des médecins en charge des contrôles.
Les personnes dont le handicap est invisible mises de côté par ce système de points
L'an dernier, plus de 2 milliards d'allocations ont été versées à près de 600.000 personnes dont le handicap a été reconnu. Selon l'asbl Inclusion, ils pourraient cependant être plus, parce que certains handicaps invisibles ne sont pas suffisamment considérés par le système.
"On se rend compte par exemple que les médecins s'ils voient la personne arriver sans chaise roulante ou sans béquille, ils estiment que la personne n'a pas de problème de mobilité, ce qui est évidemment faux. Le médecin connaît mal certains types de handicap", estime Thomas Dabeux de l'asbl. Philippe fait partie de ces personnes dont la mobilité est clairement impactée par son handicap, mais ça ne se voit pas.
La loi doit suivre les évolutions de la société
Pour remédier à ce problème, l'asbl demande de pouvoir "encadrer le médecin d'une équipe pluridisciplinaire qui a une meilleure connaissance des différents publics".
Une modification de ce système serait à l'étude car la loi date de 1987
La loi qui encadre la grille d'évaluation date de 1987. Des modifications ont été apportées, telles que l'abaissement de l'âge de 21 à 18 ans, la suppression de la prise en compte des revenus du partenaire dans certains cas, ou encore l'augmentation des limites d'exonération en cas de travail.
Une révision totale de cette loi est également à l'étude. "La vue sur le handicap était uniquement médicale. Maintenant, on compte tous les aspects psychosociaux aussi de la personne en situation de handicap. Donc la loi doit suivre les évolutions de la société", nous explique Julie Clement, directrice de la "Direction Generale Personnes Handicapées".
En 2022, 50% des personnes ayant introduit un recours ont obtenu une réévaluation
L'an dernier, plus de 1.200 personnes ont introduit un recours. Environ 50% ont obtenu une réévaluation. C'est ce qui vient d'arriver à Philippe. Après une réclamation, il vient d'obtenir un point supplémentaire.