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Vous êtes nombreux à avoir été victime d'un accident de travail et à avoir appuyé sur le bouton orange Alertez-nous en voyant votre fiche de salaire de janvier ou de février 2024. Votre précompte professionnel a augmenté de 20%, 30% voire 40%, ce qui réduit considérablement votre salaire net.
"Mon salaire a été raboté de 800 €, le mois prochain, je vais toucher 1241 €", nous écrit Stéphane. Le Bruxellois a fait une chute en vélo en se rendant à une réunion de travail. Résultat: il est en incapacité de travail. "La commune, le syndicat, ils sont tous complètement dépassés", déplore-t-il. Dominique aussi a été victime d'un accident de travail en 2023. Elle a perçu son salaire de 2500€ durant 9 mois, mais son secrétariat social lui indique qu'elle n'aurait dû percevoir que 1400€. Elle doit donc rembourser 9900€. "Nous sommes plusieurs dans cette situation, c'est scandaleux", déplore-t-elle.
Nouvelle règle
Pour nombre d'entre-vous, cette perte de salaire soudaine met en péril vos finances: "On me dit que si on me prélève de trop, je vais éventuellement récupérer dans mes contributions dans 2 ans mais mes factures mensuelles n'attendront pas", déplore Lindsay, blessée au genou depuis qu'elle s'est fait renverser sur le chemin du retour de son boulot. L'explication résiderait dans une réforme du code des impôts belges qui contient une nouvelle règle particulièrement dommageable pour les employés du service public.
"Il y a eu une modification des règles de précompte professionnel pour les indemnités de remplacement en cas d'accident de travail", explique Olivier Marcq, juriste chez Acerta. "On applique un précompte exceptionnel qui va de 23,22 % à 51,48 % et donc effectivement ça fait des différences énormes pour le salaire net de la personne qui a un accident du travail", ajoute-t-il.
Uniquement pour le secteur public
"C'est une modification qui ne concerne que les indemnités qui sont versées directement par l'employeur", ajoute-t-il. Pour mieux comprendre, il faut prendre en compte une différence cruciale: dans le service public, les indemnités de remplacement sont versées directement par l'employeur, tandis que dans le service privé, une partie des indemnités sont versées par l'assureur tandis que l'autre partie incombe à l'employeur. De ce fait, la modification ne touche que les employés du secteur public.
Mais alors comment expliquer cette nouvelle règle, qu'est-ce qui la justifie? La réponse... rien. C'est "une incohérence", "une erreur", nous dit-on du côté du SPF Finances. La source de ce problème résiderait dans la réforme technique du Code des impôts. Effectivement, une refonte de l'annexe III de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus de 1992 serait à l'origine de cette augmentation soudaine du précompte. La réforme consiste principalement en une réécriture pour une meilleure compréhension. "On ne change pas l'impôt qui est dû, c'est juste que dans le document qui est réécrit, il y a une erreur. On a copié le calcul qui était fait pour le secteur privé alors que dans le secteur public, vu qu'il n'y a qu'une seule source de revenu, il n'y a pas de raison d'augmenter le précompte professionnel", explique Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances.
Ce n'était pas l'intention et cela n'est pas cohérent.
Dans le secteur privé, il est possible que vous ne soyez pas suffisamment prélevé, étant donné que ces deux montants, relativement faibles, ne seront pas taxés autant qu'un montant unique plus important. Pour éviter les mauvaises surprises lors de la régularisation, le SPF Finances prélève davantage sur vos revenus chaque mois : "Les revenus de remplacement payés par les employeurs sont soumis à un taux de précompte professionnel relativement élevé, car il s'agit en général de suppléments qui s'ajoutent à une indemnité de mutuelle", explique Florence Angelici. "Les employeurs publics paient eux-mêmes tout le revenu de remplacement à leur travailleur dans le cas d'un accident de travail, et un précompte trop élevé est donc appliqué sur tout le revenu de remplacement. Ce n'était pas l'intention, et cela n'est pas cohérent avec l'imposition qui sera finalement due par le travailleur", ajoute-t-elle.
Retour en arrière
Le SPF Finances s'emploie activement à rectifier cette situation. "Nous sommes en train de modifier l'arrêté royal avec un effet rétroactif pour les personnes qui bénéficient de ces revenus de remplacement", explique le SPF Finances. Heureusement, en 2023, les secrétariats sociaux n'ont pas appliqué cette règle. Seuls les salaires de l'année 2024 ont été rabotés, les montants à rembourser devraient donc être limités. Cependant, Dominique, elle, doit payer 9900€. "C'est son secrétariat social qui a appliqué à la lettre cette erreur dans l'annexe de l'arrêté royal", révèle la porte-parole du SPF Finances. Cette somme ne devrait donc pas lui être réclamée.