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Il y a quelques jours, Graziella a récupéré son appartement à Colfontaine. Excréments sur le sol, sanitaires bouchés, odeur insupportable, déchets en pagaille : le bien était dans un état catastrophique. Elle le louait à une septuagénaire souffrant probablement du syndrome de Diogène. Le logement a été déclaré insalubre. Et, d’après la propriétaire, la facture totale pour le remettre en état s’élève à des milliers d’euros.
"Ma locataire a tout simplement saccagé mon appartement et je n’ai droit à rien", déplore Graziella ce jeudi via notre bouton orange Alertez-nous.
A la fois écœurée et en colère, cette propriétaire décrit l’état dans lequel elle vient de récupérer son bien. "C’est indescriptible. Il y a des excréments d’animaux par terre. Tous les sanitaires sont bouchés. Elle jetait la litière de ses six chats dans les toilettes. Il y a des centaines de vêtements dans le grenier. Et des déchets partout. Tout est sale", explique Graziella avec dégoût. "Il y avait des sacs poubelles avec des déjections humaines, des mouches partout. Et l’odeur est pestilentielle. Je suis horrifiée sur toute la ligne. Elle m’a vraiment trompée", ajoute la femme de 67 ans, qui refuse d’y retourner.
La locataire ne me laissait pas entrer
La locataire est une dame âgée qui occupe l’appartement depuis de nombreuses années. "Dans cet immeuble, j’ai un rez-de-chaussée commercial où ma locataire possède un magasin de fleurs. Et puis, il y a cet appartement au 1er étage. Je le loue à une dame âgée de 76 ans. Elle y habite depuis 1997. A l’époque, c’était ma grand-mère maternelle qui gérait le bien. C’était un très joli appartement. Je l’ai récupéré quand mon père est décédé il y a environ 10 ans", explique Graziella.
Pendant une longue période, elle ne déplore aucun problème. Sa locataire paye son loyer et ne la contacte jamais pour évoquer un souci quelconque. Mais Graziella assure ne pas avoir eu accès à son bien. "Chaque fois que je voulais exercer mon droit de visite annuel en tant que propriétaire, la locataire ne me laissait pas entrer. D’après elle, ce n’était jamais le bon moment", assure la sexagénaire.
Un premier dégât des eaux en 2022
Il y a deux ans, sa locataire du rez-de-chaussée commercial la contacte pour un dégât des eaux. A ce moment-là, Graziella parvient à entrer dans son appartement du 1er étage. "Il y avait un problème avec son boiler qui fuitait. Il y avait un trou dans le plancher et elle avait mis des seaux pour récupérer l’eau", se souvient la propriétaire. "J’ai alors constaté avec effroi qu’elle vivait dans une crasse pas possible. Avec une amie, on a tout nettoyé et déblayé avec des habits de cosmonaute. On a rempli des sacs poubelles et un conteneur. J’ai réparé le boiler. Cela m’a déjà coûté de l’énergie et de l’argent. Elle me traitait de tous les noms", déplore la sexagénaire. Sa locataire lui promet tout de même que cela ne se reproduira plus.
En février, j’ai découvert le pot aux roses, j'étais furax
Mais, six mois plus tard, le scénario se répète. "En février, j’ai découvert le pot aux roses, à nouveau grâce à ma locataire du rez-de-chaussée. Il y avait une fuite dans son commerce et c’était de l’eau souillée. Elle m’a prévenue et je me suis rendue sur place. Je suis montée à l’étage, j’ai tambouriné à la porte de ma locataire et j’ai essayé de la contacter. Mais la porte est restée close. J’étais furax", se souvient la propriétaire.
Contactée, la police arrive sur les lieux et entre dans l’appartement. "Et là, j’ai découvert l’horreur. Le bourgmestre est même venu sur place".
Le bâtiment déclaré insalubre
"L’appartement était dans un état lamentable. C’était une catastrophe, je n’ai jamais rien vu de tel. Il faut au moins six bulldozers pour nettoyer tout ça. Et personne n’était au courant. Nous avons posé la question aux voisins et à la propriétaire. Le bâtiment a été déclaré insalubre", confirme Luciano D’Antonio, le bourgmestre de Colfontaine.
D’après les éléments récoltés, cette dame souffre probablement du syndrome de Diogène. "Elle est ancrée dans sa crasse et personne ne pouvait entrer chez elle", assure Graziella. Ce syndrome est un trouble du comportement qui consiste entre autres à accumuler de façon compulsive des objets et à négliger l’hygiène. Ce qui peut conduire à des conditions de vie négligées, voire insalubres.
Le bourgmestre déplore son impuissance
Conscient du problème, le bourgmestre assure avoir tenté d’aider cette locataire. "Le jour de notre intervention, nous avons également appelé une ambulance, une assistante sociale et le CPAS. Cette dame avait une blessure grave au niveau de la jambe, à la limite de la gangrène. J’ai réussi à la convaincre de monter dans l’ambulance et de se faire hospitalier. Mais le lendemain, elle a signé une décharge pour rentrer chez elle", regrette Luciano D’Antonio.
"J’ai tenté de la raisonner en lui disant qu’elle ne pouvait pas vivre dans ces conditions, mais je ne peux pas la forcer. Je n’ai aucun pouvoir en tant que bourgmestre en la matière. Il faut attendre minimum 45 jours et avoir un jugement pour évacuer la personne. De mon côté, j’ai mis en place tout ce qui légalement possible pour essayer de l’aider", assure le maïeur.
Un avis d'expulsion
Afin de récupérer son appartement, Graziella lance les démarches auprès d’un juge de paix. "La décision est tombée le 29 mai. La locataire a reçu un ordre d’expulsion pour le 19 août", indique-t-elle.
"Et en six mois, elle a vraiment saccagé l’appartement. C’était dix fois pire. Après l’avis d’expulsion, elle m’a suppliée de la laisser vivre dans le bien, mais ce n’est même pas moi qui décide. Le logement est considéré comme insalubre, elle doit donc quitter les lieux", souligne Graziella qui refuse tout reproche à son égard. "La locataire me dit que c’est de ma faute, qu’elle n’avait plus d’eau disponible. Mais elle ne m’a jamais rien dit. Sinon, j’aurais entrepris les démarches nécessaires", assure-t-elle avec un brin de colère dans la voix.
Je pense que ma locataire est insolvable
Lundi prochain, la sexagénaire prévoit de commencer à vider l’appartement. "J’ai loué un conteneur. Il faut tout déblayer, nettoyer, enlever les sanitaires, les portes et les meubles de la cuisine qui ne tiennent plus. Je dois aussi fumiger et j’espère qu’il n’y a pas de mérule. En tout, cela va me coûter au moins 20.000 euros", estime la propriétaire, sans pouvoir nous montrer des devis ou des factures.
Et Graziella craint de devoir payer elle-même toutes les réparations. "Je pense que ma locataire est insolvable. J’ai entrepris les démarches pour obtenir une saisie sur sa pension mais, d’après mon avocat, même si j’obtiens quelque chose, ce sera très peu", assure-t-elle.
Selon Sabine Delhaye, avocate spécialiste en droit du bail, il est compliqué pour un propriétaire de récupérer tout ce qui est au-delà de la garantie locative, si un locataire est insolvable. "La pension est en-dessous du minimum des revenus saisissables. Mais il faut voir si la locataire ne possède pas des biens ou d’autres revenus. Si cette personne est effectivement insolvable, la propriétaire devra payer les frais. Au moins, dans ce cas-ci, il n’y a pas d’arriérés de loyers", souligne l’avocate qui assure être confrontée à ce genre d’histoires très régulièrement.
Par contre, si le locataire est solvable, la situation est différente. "Quand il y a des dégâts locatifs, le mieux est de réaliser une constatation contradictoire pour obtenir un jugement. Il faut organiser une sortie locative en présence d’un expert qui détermine le montant des réparations. Les factures de nettoyage et les devis peuvent aussi toujours servir. Un juge de paix pourra alors être désigné pour trancher, et normalement tous les frais peuvent être récupérés par le propriétaire qui doit avancer l’argent", explique Sabine Delhaye.
Après la remise en état de son appartement, Graziella ne compte plus le mettre en location. "Les lois sont pour les locataires et cela engendre trop de soucis par rapport aux bénéfices. C’est terminé. Je vais le vendre dès que possible", prévoit la propriétaire.