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Emmeline, 20 ans, est victime de cyberharcèlement: "Il y a des menaces de viol sur les enfants de ma sœur"

Le cyberharcèlement touche énormément de jeunes, dont Emmeline. Cela fait deux ans que l'habitante d'Houffalize subit des appels et des menaces au quotidien. Aujourd'hui, elle a décidé de témoigner.

Cela fait maintenant deux ans qu'Emmeline se fait cyberharceler. La jeune fille de 20 ans assure que tout a commencé "du jour au lendemain". "Au début, je pensais que c'était juste une blague. On me disait : 'Tu étais à telle heure à la gare, on t’a vu'. Et puis en fait, ça a été beaucoup plus loin que ça. J'avais l'impression d'être suivie. On savait tous mes faits et gestes. J'ai compris que ce n'était pas une blague quand ça a commencé à aller un peu plus loin avec les insultes et les menaces", rapporte-t-elle.

Dans les messages qu'elle reçoit, Emmeline est visée directement, mais pas seulement elle. Son (ou ses) harceleur menace également toute la famille, jusqu'à ses petits neveux et nièces. "Il y a de simples messages d'insultes, mais parfois d'autres un peu plus concrets comme l'endroit où se trouve ma chambre, l'adresse de mon frère, de ma sœur, le nom de leurs enfants, etc. Jusqu'à des menaces aux enfants. Là, j’ai un message où on me dit qu’on a hâte que les enfants de ma sœur crèvent. Il y a des menaces de viol sur les enfants", décrit-elle, téléphone en main.

Certains jours, elle reçoit jusqu'à 60 appels, toujours masqués. 

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Se faire aider

Dans un premier temps, la jeune fille n'a parlé de sa situation qu'à ses amis. "Ils me disaient que ce sont des bêtises, que ça va passer. Au final, ça n'est pas passé donc je suis allée porter plainte à la police, un an après que ça a commencé. Ce n'est qu'après que j'ai prévenu ma famille et depuis, on essaye de mettre des choses en place".

Parmi ces nouvelles mesures, Emmeline évite d'être seule quand elle se promène et elle prévient ses proches d'où elle se trouve, "au cas où". "Ne jamais être seule pour minimiser le risque".

Cette pression constante, Emmeline "la vit mal". "J'ai arrêté pendant un temps l'école parce que ce n'était plus possible pour moi d'y aller. Là, j'ai repris petit à petit, mais ça pèse".

Face à cette pression constante, Emmeline a dû se résoudre à prendre des antidépresseurs, prescrits par son médecin. "C'est bizarre, à 20 ans, de se dire qu’on est en dépression, mais non, en fait, ça n'arrive pas qu'aux adultes. Les médicaments font effet, mais c'est quand même un peu difficile".

Deux ans après le début des messages et des appels, Emmeline ne s'y est toujours pas habituée. "Quand je reçois des choses, ça me choque parfois encore un peu. Je les montre, je fais des captures d'écran, mais on ne s'y habitue pas vraiment parce que ce sont toujours des menaces différentes. Et puis plus ça dure, plus c'est pesant".

La police fait ce qu'elle peut

Sous le flot ininterrompu de haine qu'elle reçoit quotidiennement, Emmeline a porté plainte à la police non pas une fois, mais six fois. Hélas, les forces de l'ordre se sont montrées impuissantes jusqu'ici. C'est qu'il n'est pas toujours facile de remonter jusqu'aux utilisateurs de faux comptes. "La police peut reprendre les outils par lesquels le harcèlement est mené et essayer d’identifier les canaux, l'auteur et l'origine de manière à pouvoir identifier un suspect", détaille Christophe Axen de la Regional Computer Crime Unit de la PJF de Liège.

Pour parvenir à ses fins, la police entretient des contacts avec les entreprises privées qui détiennent les logiciels de messagerie. Mais il arrive que les harceleurs utilisent des applications moins fréquentes, ce qui complique la tâche des enquêteurs. "Mais de plus en plus, des accords s'établissent et donc on a des possibilités de poursuites qui augmentent chaque jour", rassure Christophe Axen.

Selon le policier, les profils des suspects se trouvent généralement "dans un environnement assez proche de la victime". "On constate que régulièrement, le harcèlement se fait avec quelqu'un qui a un intérêt à le faire. Et c'est souvent un cas qui a un lien avec la personne, qu'il soit proche ou plus éloigné. Mais très souvent, il y a un lien qui génère une jalousie ou ce genre de choses qui fait qu'on en arrive à du harcèlement".

La meilleure défense, la sensibilisation

"Il faut sensibiliser les écoles à ce point", insiste Christophe Axen. Faire de la prévention et sensibiliser les élèves aux risques du harcèlement est un aspect ; venir en aide à ceux qui en sont déjà victimes en est un autre.

En ce sens, un site a vu le jour. "Il y a une plateforme qui a été mise en ligne, qui s'appelle cyberaide.be, qui permet à chaque établissement de désigner des personnes de confiance connectées à l'application. Chaque élève peut se connecter à l'application et s'exprimer sur ce qu'il ressent, sur ce qu'il vit par rapport au cyberharcèlement".

"Cela permet peut-être d'initier une première démarche vers une solution, sachant qu'il y a probablement de nombreux cas de harcèlement qui ne sont pas dénoncés", conclut Christophe Axen.

Selon une étude de l'UNICEF réalisée dans 30 pays et publiée en 2019, un jeune sur trois dit avoir été victime de harcèlement en ligne, un sur cinq déclarant ne pas être allé à l’école à cause du cyberharcèlement et de la violence.

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