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Samuel (nom d'emprunt pour garantir l'anonymat) est très mal à l'aise depuis qu'il a suivi un homme qui pourrait être un policier et qui exhibait un écusson extrémiste. La zone de police de Bruxelles Ouest a ouvert une enquête.
Samuel (nom d'emprunt pour garantir l'anonymat), 28 ans, nous a raconté sa "désagréable surprise" via le bouton orange Alertez-Nous. Employé administratif à Bruxelles, le jeune homme était sur le chemin du travail, à 7h30, dans la station de métro Comte de Flandre. Juste devant lui dans l’escalator, un homme qu’il croit être un agent de police. Sur son sac à dos, il reconnaît un insigne de la zone de police Bruxelles Ouest. Et juste au-dessus, un drapeau Gadsden.
Un insigne ambigu
Un serpent à sonnette noir sur fond jaune, accompagné de la devise "Don’t tread on me" ("Ne me marche pas dessus"). Samuel, qui suit de près l’actualité des États-Unis, connaît bien ce symbole. Du nom de son créateur, le colonel Christopher Gadsden (1724-1805), il est à l’origine un symbole de la résistance contre la couronne britannique. Il connaît un regain de popularité au XXe et XXIe siècle, brandit par des formations américaines d’extrême droite. Le 6 janvier 2021, lors de l’assaut contre le Capitole, le drapeau était porté par de nombreux manifestants pro-Trump.
"Il est donc très courant de le voir lors des meetings neo-nazi, suprémaciste blanc, pro-Trump", raconte Samuel. "Les manifestants utilisent souvent l’excuse du drapeau ‘libertarien’ Mais en fait, très souvent, à côté du drapeau Gadsden, on trouve un drapeau sudiste ou un drapeau nazi", observe-t-il.
S’agissait-il bien d’un policier à la station de métro Comte de Flandre ? Samuel ne peut l’affirmer avec certitude, mais chaque matin, il croise des agents de police qu’il suppose être en train de rentrer de leur shift de nuit, après avoir quitté le commissariat juste à côté de la station. Et l’écusson de la zone de police 5340, visible en bas du sac à dos, laisse penser qu’il s’agit d’un policier.
"Si c'est un policier, je trouve ça problématique de le mettre à côté de son écusson de brigade. C'est une position politique, alors que les policiers doivent avoir une position de neutralité", dit-il.
Dans une note permanente du 11 mars 2013 adressée aux entités de la police fédérale, on peut lire à cet égard : "Les membres du personnel s’abstiendront de porter sur leurs pièces d’équipement des accessoires ou pièces de vêtement de nature à porter atteinte au principe de neutralité ou d’impartialité. Tel est notamment le cas de pin’s de soutien à une cause déterminée, des signes d’appartenance religieuse ou philosophique, des vêtements avec marques commerciales…"
Puisqu’aux États-Unis certains groupes d'extrême droite et suprémacistes blancs aux États-Unis se sont approprié le "Gadsden flag", ce drapeau suscite une certaine inquiétude chez Samuel. "En tant que citoyen de couleur, ça me met assez mal à l'aise de voir quelqu'un des forces de l'ordre reprendre la même iconographie que l’extrême droite", confie-t-il.
Ci-dessus : rassemblement des "Proud Boys", organisation américaine néo-fasciste d'extrême droite, qui promeut notamment le suprémacisme blanc, le 26 septembre 2020 à Portland, pour soutenir l’ancien président américain Donald Trump (Oregon, États-Unis).
La zone de police Bruxelles Ouest rappelle sa neutralité
Jean-Marc Goessens, porte-parole de la zone de police Bruxelles Ouest, indique qu'une enquête a été ouverte suite à cette affaire. "La zone de police Bruxelles Ouest n’accepte pas d’être apparentée à des groupes extrémistes ou à des groupes politiques. La zone est neutre et restera neutre", déclare-t-il.
"Si c'est un agent, il était en civil. Il pourrait obtenir une simple réprimande, ou plus, en fonction de la justification qu’il donnera", poursuit-il, notant que le drapeau Gadsden n’est pas nécessairement un symbole politique. "Le groupe de musique Metallica en a fait une chanson", relève-t-il, pour illustrer la diversité des contextes dans lesquels ce symbole peut apparaître.
Par ailleurs, Jean-Marc Goessens indique que le badge de la zone de police Bruxelles Ouest est un ancien insigne d’un service de la zone de police, qui ne correspond plus à l'identité visuelle actuelle et n'est donc plus autorisé.
Ce n’est pas la première fois qu'un incident de ce genre se produit. En 2017, un policier de Couvin arborait un sigle des Templiers sur son gilet pare-balles. Un signe repris par des groupuscules d’extrême droite. Le Comité P, l’organe de contrôle externe des services de police, avait finalement décidé de ne pas donner suite au dossier.