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L’annonce a fait grand bruit dans la commune de Rixensart: une nouvelle surface commerciale pourrait sortir de terre, dans le quartier de la Mazerine, juste à côté de la commune de La Hulpe. Un Lidl pourrait ainsi être construit le long de la rue Colonel Montegnie. Oui mais voilà, il y a plusieurs problèmes. Patricia a habité toute sa vie à Uccle. Il y a trois ans, elle s’est mariée, et a installé son petit nid familial à Genval, dans l’entité de Rixensart. Elle a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous, pour nous faire part de son inquiétude et de celle de nombreux riverains.
"La Mazerine, c’est une rivière qui creuse une vallée, qui est boisée et qui est très belle. Il y a des batraciens, tout un écosystème très beau, ainsi qu’une zone de fauchage tardif." Et c’est justement là que Lidl envisage de construire un nouveau magasin. L’enseigne a proposé d’acquérir le terrain, elle a déposé une demande de permis sur cette zone constructible. "Il appartient à une personne âgée. Elle ne comptait pas vendre mais ses héritiers lui ont dit que si Lidl faisait une grosse offre, il fallait accepter. Je ne sais pas exactement de quel montant il s’agit", raconte Patricia.
La zone inondable va être bien démunie
Patricia a appris sur Facebook, au début du mois de mai, qu’une enquête publique était ouverte, suite à cette demande de permis. Pour elle, raser cette zone boisée serait catastrophique. "Mon mari est apiculteur, une autre voisine un peu plus loin aussi. Tout autour de chez nous, il n’y a que des bois, et en plus là, c’est une zone inondable. Le projet de Lidl, c’est de bétonner ce magnifique écosystème. Pour l’écologie, c’est une catastrophe. La zone inondable va être bien démunie." Notre alerteuse craint, comme d’autres riverains, de se retrouver les pieds dans l’eau lors de futures intempéries, si le projet venait à voir le jour.
C'est le cas de Roger, un des voisins de Patricia. C'est une personne historique du quartier, selon elle. "La rue a été totalement inondée en 2009 et 2014", raconte-t-il. "Ces terrains rejettent leurs eaux dans la rivière. Tout cela crée déjà des inondations vraiment dangereuses. On a dû relever une cabine à haute tension, pour éviter les accidents mortels. Et c'est là que Lidl veut s'implanter... Ils veulent abattre les arbres, et on aura encore plus d’inondations."
Lidl est conscient des spécificités du terrain
Julien Wathieu, le porte-parole de Lidl, botte en touche et se veut rassurant. "Le fait qu’il s’agisse d’une zone inondable a été pris en compte, c’est un point qui est très soutenu." Il assure que l’enseigne a prêté attention à la spécificité du terrain. "Il y aura un système de récupération et de gestion de l’eau sur place. La durabilité est importante pour nous. On va également installer un bardage en bois et une toiture végétalisée." Il précise également que Lidl compte construire des logements au-dessus de son magasin. C’est également ce qu’a entendu Patricia: "Ils vont mettre six logements sociaux, et les gens ne sont pas du tout contents avec ça."
Lidl veut ainsi installer une surface commerciale d'un peu plus de 1.300 mètres carrés, ainsi qu’une animalerie (779 mètres carrés nets). Au total, l'ensemble commercial ferait 2.109 mètres carrés nets. Ce qui inquiète aussi les habitants, c’est que tout cela risque d’avoir un impact négatif sur l’économie locale. Une autre surface commerciale est déjà bien implantée dans le quartier. Le Carrefour Market de la Mazerine se trouve juste en face du terrain convoité par Lidl. Tandis qu'un Delhaize et une animalerie (Tom&Co) se trouvent à cent mètres. "Leur argument, c’est de se dire que si Carrefour a pu s’implanter, pourquoi pas eux?". Oui mais voilà, tout cela risque, selon Patricia, de causer des pertes d’emploi. "Si le Lidl s’implante, le Carrefour, il va fermer. Trente employés seront au chômage. Et les petits producteurs qui vendent chez Carrefour sont évidemment très mécontents."
Les citoyens ET les communes sont mobilisés
La commune de Rixensart a préféré ne pas commenter le sujet. Elle ne voulait pas compromettre l'enquête publique, qui s'est terminée le lundi 27 mai. "Nous ne préférons pas nous exprimer, pour ne pas compromettre la procédure, dans un sens comme dans l’autre", nous a-t-on expliqué. Elle doit à présent rendre son avis, suite à la lecture de nombreuses lettres envoyées par les riverains.
On l’a compris, le dossier est épineux et est pris avec prudence. Mais il semble évident qu’un nouvel espace commercial n’est pas le bienvenu. C’est en tout cas ce qu’affirme Christophe Dister, le bourgmestre de La Hulpe (le magasin se trouverait à la limite entre les deux communes). "Chez nous, il n’y a pas de supermarché, mais il y en a beaucoup en périphérie." Il explique qu’il suffit de faire quelques dizaines de mètres en sortant de La Hulpe pour arriver à la première grande surface. "Lidl se base sur des statistiques pour dire qu’il y a un besoin de magasins, mais ce n’est pas vrai, il n’y a aucune plus-value. L’offre est totalement suffisante sur nos communes."
Un avis que partage entièrement le voisin de Patricia, Roger. "Les études faites par Lidl sont toutes tendancieuses", déclare-t-il. "A la Mazerine, il y a déjà deux hypermarchés, qui fonctionnent tout juste, mais aussi une vingtaine d’autres magasins. La concurrence sera énorme et il y aura des faillites. Ce n’est pas la solution intelligente."
Cette nouvelle concurrence n’est absolument pas vue comme un problème du côté de Lidl. "Le fait d’avoir deux magasins côte à côte est courant", assure son porte-parole. "Dans ce cas-ci, on a deux magasins, deux concepts totalement différents. Le monde des supermarchés est un monde concurrentiel, c’est à nous de constamment nous réinventer."
"Ça va être carrément infernal"
Pour Patricia, la liste des griefs ne s’arrête pas là. Si un nouveau magasin s’installe, les risques d’embouteillages et d’accidents seront également beaucoup plus importants. "Pour la mobilité c’est épouvantable. Notre rue est déjà très étroite, et c’est dangereux même pour les piétons. Le Lidl serait installé juste en face de l’entrée des livraisons de Carrefour. On va avoir 40 camions par semaine dans la rue. Ils vont la mettre en sens unique, mais ça va être impossible à pratiquer pour nous." On pourrait également installer des feux de signalisation pour fluidifier le trafic, mais ce n’est pas cela qui va arranger les choses. "On a estimé que les voitures qui vont entrer et sortir seront de l’ordre de 240 par heure, ça va être carrément infernal", se plaint-elle.
Le bourgmestre de La Hulpe rejoint les constats de Patricia: "Le site qu’ils veulent aménager est en grande partie dans une zone d’habitations. Tout cela va générer un grand problème de mobilité, et il y aura beaucoup de remontées de files." Il partage également le même avis en ce qui concerne l’intérêt environnemental de la zone. "Si on implante un magasin là, ça va être un coup de poing dans le paysage. En plus, on est en bordure d’une future réserve naturelle. C’est donc important de garder cette zone tampon", ajoute Christophe Dister.
Il y a deux conduites de gaz identiques à celles de Ghislenghien
Les riverains ne comptent pas se laisser faire. Plusieurs réunions d’information ont eu lieu, que ce soit à La Hulpe ou à Rixensart. Le fait que les autorités communales et les citoyens discutent ensemble est très important. "Ils nous ont encore fait penser à d’autres choses", raconte le bourgmestre de La Hulpe. "A cet endroit, il y a deux grosses conduites de gaz identiques à celles de Ghislenghien. Je suis pas certain que Fluxys sera d’accord pour que l’on construise quelque chose à cet endroit." Patricia va encore plus loin, elle craint clairement une explosion si on venait à bâtir un magasin dans la zone.
Tous ces arguments sont sans appel pour le bourgmestre. "Notre position elle est claire et sans équivoque, nous allons rendre un avis négatif. Lasne, qui n’est pas très loin, l’a déjà fait." Selon lui, la commune de Rixensart devrait emboîter le pas. Et à côté de cela, la mobilisation citoyenne est très forte. "Mon voisin a mis en ligne une pétition", détaille Patricia. Les riverains ont également envoyé de nombreux courriers à la commune de Rixensart, comme elle le leur avait encouragé. Plusieurs panneaux de revendications ont également été plantés sur le terrain, pour protester contre toute construction. "Mais ils ont été entretemps arrachés", déplore-t-elle.
"Nous sommes toujours ouverts au dialogue"
Les communes vont devoir rendre leur avis définitif le 3 juin. Lidl de son côté assure être très attentif aux résultats. "On fera le point avec la commune, que l’avis soit positif ou négatif. Nous sommes toujours ouverts au dialogue mais on attend les résultats", précise Julien Wathieu. Ensuite, c’est la Région Wallonne qui prendra le relais. Elle devra elle aussi rendre un avis, pour accorder ou non le permis de construire.
"Avec tous nos arguments, nous pensons que ce permis ne devrait pas aboutir", estime le bourgmestre de La Hulpe. "Mais le cas échéant, on fera front et on va agir." Patricia, elle, est aussi décidée à ne pas lâcher. "On se doute que Lidl ira en recours. Et dans le cas contraire, si finalement le projet est accepté par la Région, nous, les communes, irons aussi au Conseil d’Etat." Elle se demande d’ailleurs s’il n’y aurait pas d’autres solutions possibles, pour éviter toute construction à cet endroit. "Il faut absolument trouver un plan B. Pourquoi est-ce que la commune ne rachèterait pas le terrain, pour que l’on puisse garder ce poumon vert dans notre commune?".