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Israël a de nouveau frappé mercredi le Liban où le mouvement pro-iranien Hezbollah a annoncé la mort d'un de ses commandants, tué la veille dans un bombardement au sud de Beyrouth, au moment où la communauté internationale tente désespérément d'éviter un embrasement généralisé de la région.
Après Gaza et la Cisjordanie, le Liban est devenu à son tour une "ligne de front active", a déclaré à l'AFP le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, déplorant une "triple tragédie". Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence mercredi à 18H00 (22H00 GMT), à la demande de la France.
Les raids meurtriers de ces derniers jours ont précipité des centaines de milliers de Libanais sur les routes pour fuir le sud du pays. Et Israël a encore mené tôt mercredi matin une frappe contre un "entrepôt" à Saadiyat, ville côtière à une vingtaine de kilomètres au sud de Beyrouth, selon une source sécuritaire libanaise.
Le Hezbollah a confirmé mercredi qu'un de ses responsables militaires, Ibrahim Mohammed Kobeissi, avait été tué dans un bombardement israélien mardi sur la banlieue sud de Beyrouth.
L'armée israélienne avait indiqué plus tôt dans un communiqué que "des avions de chasse de l'armée de l'air (avaient) éliminé mardi à Beyrouth Ibrahim Mohammed Kobeissi, le commandant du réseau de missiles et de roquettes de l'organisation terroriste Hezbollah".
Toujours selon les forces israéliennes, "au moins deux" autres commandants de la force dirigée par Kobeissi ont été tués dans cette frappe, qui selon le ministère libanais de la Santé a fait au moins six morts et quinze blessés.
Le Hezbollah a tiré en réponse "environ 300 roquettes" sur le territoire israélien, "blessant six civils et soldats, la plupart légèrement", selon l'armée israélienne.
Le mouvement chiite libanais a lui revendiqué 18 attaques visant le territoire israélien, dont le tir de 90 roquettes contre le siège du commandement nord de l'armée israélienne près de Safed et de drones explosifs contre une base navale au sud de Haïfa, le grand port du nord.
"Nous continuerons à frapper le Hezbollah. Et je dis au peuple libanais: notre guerre n'est pas contre vous" mais "contre le Hezbollah", a déclaré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, dans une vidéo diffusée par son bureau.
Israël n'a "aucun désir" d'envahir au sol le Liban et préférerait une solution diplomatique pour mettre fin à son conflit avec le Hezbollah, a assuré l'ambassadeur israélien à l'ONU, Danny Danon, rappelant que le but de l'opération au Liban était de faire rentrer chez eux des dizaines de milliers d'habitants du nord d'Israël déplacés par les violences transfrontalières.
- "Au bord du gouffre" -
L'inquiétude face à cette escalade entre Israël et le Hezbollah, allié du Hamas palestinien, a dominé l'ouverture à New York de l'Assemblée générale des Nations unies.
"Le Liban est au bord du gouffre", a alerté à la tribune le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Les frappes aériennes israéliennes de lundi, d'une intensité sans précédent depuis le début des échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise en octobre 2023, ont fait 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes, et 1.835 blessés, selon les autorités libanaises, soit le plus lourd bilan humain en une journée depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
Selon l'armée israélienne, elles ont visé environ 1.600 cibles du Hezbollah dans le sud du Liban et la vallée de la Békaa, dans l'est, tuant "un grand nombre" de ses membres.
Le nombre de Libanais déplacés "approche probablement le demi-million" depuis le renforcement de la campagne de bombardements israéliens, a indiqué mardi le ministre libanais des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU.
Des dizaines de milliers de personnes, selon l'ONU, ont fui vers Saïda, la plus grande ville du sud, Beyrouth ou la Syrie.
Réfugiée avec des centaines de familles dans une école transformée en centre d'accueil près de Beyrouth, Zeinab Diab, 32 ans, raconte que son village proche de la frontière, qu'elle a fui avec son mari et leurs quatre enfants, a été "pratiquement détruit".
- "Encore plus de barbarie" -
"On ne savait même plus d'où venaient les bombardements. C'est comme si cette fois-ci il y avait encore plus de barbarie."
Les écoles et universités resteront fermées jusqu'à la fin de la semaine au Liban. De nombreuses compagnies aériennes ont suspendu leurs vols à destination de Beyrouth.
Le Royaume-Uni a annoncé mardi soir l'envoi de 700 militaires à Chypre pour préparer une possible évacuation de ses ressortissants du Liban.
Israël a annoncé à la mi-septembre déplacer le "centre de gravité" de ses opérations militaires de Gaza vers le nord du pays, pour y permettre le retour des habitants déplacés.
Le Hezbollah a lui juré de continuer à attaquer Israël "jusqu'à la fin de l'agression à Gaza", où la guerre a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
Les échanges de tirs entre les deux parties se sont intensifiés depuis la vague d'explosions meurtrières des appareils de transmission du Hezbollah, attribuée à Israël, les 17 et 18 septembre au Liban, puis une frappe israélienne le 20 septembre sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a décapité l'unité d'élite du mouvement.
A la tribune de l'ONU, Joe Biden a fait écho à M. Guterres, mettant en garde contre une "guerre généralisée" au Liban, et estimant qu'il était "temps de finaliser maintenant" un accord de cessez-le-feu à Gaza.
D'autres dirigeants ont fustigé les actions d'Israël, à Gaza ou au Liban. L'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a qualifié la guerre à Gaza de "crime de génocide".
Le président iranien, Massoud Pezeshkian, s'est entretenu avec son homologue français Emmanuel Macron en marge de l'Assemblée générale. Peu de temps auparavant, il avait, sur X, jugé "incompréhensible" l'"inaction" des Nations unies envers Israël, et affirmé sur CNN que le Hezbollah ne pouvait "pas rester seul" face à Israël.
Selon l'analyste politique israélien Michael Horowitz, les deux camps ont bien conscience des risques d'une guerre à grande échelle. La situation est "extrêmement dangereuse" mais "laisse encore la place à la diplomatie", a-t-il affirmé à l'AFP.
L'attaque du Hamas qui a déclenché la guerre à Gaza a entraîné la mort de 1.205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens qui inclut les otages morts ou tués en captivité à Gaza.
Sur les 251 personnes enlevées, 97 sont toujours retenues à Gaza dont 33 déclarées mortes par l'armée.
En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.
Son offensive militaire à Gaza a fait jusqu'à présent 41.467 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU. Elle y a aussi provoqué un désastre humanitaire.