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Un nouveau record historique: avec 73.699 personnes incarcérées dans les prisons françaises, le nombre de détenus a atteint au 1er juin et pour la cinquième fois en quelques mois un nouveau pic inédit.
72.809 prisonniers le 1er novembre 2022, 72.836 un mois plus tard, 73.080 le 1er avril 2023, 73.162 le 1er mai... Quasiment mois après mois, les records s'enchaînent sans que le gouvernement ne parvienne à enrayer cette surpopulation carcérale chronique, qui avait valu en janvier 2020 à la France une cinglante condamnation de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Avec 73.699 détenus pour 60.562 places opérationnelles, la densité carcérale globale s'établit désormais à 121,7% dans les établissements pénitentiaires du pays, et grimpe à 144,6% dans les maisons d'arrêt, les plus touchées par ce surpeuplement endémique.
Le taux d'occupation atteint même ou dépasse les 200% dans dix établissements, et frôle les 300% à Majicavo (Mayotte).
Cette surpopulation contraignait au 1er juin 2.336 détenus à dormir sur un matelas posé à même le sol. Ils étaient 1.885 il y a un an.
"C'est une catastrophe qui était malheureusement annoncée", a réagi auprès de l'AFP la contrôleure des prisons Dominique Simonnot.
Elle avait étrillé dans son rapport annuel, rendu public le 11 mai, "l'inertie coupable" de l'Etat, accusé de "(détourner) le regard" face aux prisons qui "débordent".
Et de nouveau appelé, comme le fait depuis 2017 l'autorité administrative indépendante qu'elle dirige, à la mise en place d'un mécanisme de régulation carcérale inscrit dans la loi, qui permettrait d'examiner les possibilités de sortie d'un prisonnier en fin de peine avant de faire rentrer d'autres détenus.
Les Etats généraux de la justice avaient également plaidé pour un mécanisme fixant pour chaque établissement un seuil de "suroccupation majeure", au-delà duquel pourraient être "envisagées" des mesures de "régulation" de la population carcérale.
Une proposition qui n'a pas été retenue dans le projet de loi Justice examiné en ce moment au Parlement.
Deux députées ont toutefois déposé des amendements pour introduire un mécanisme de régulation carcérale lors du passage du projet de loi devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Si l'un a été retiré et l'autre rejeté, le fait que "la discussion ait eu lieu" est "peut-être porteur d'espoir, enfin", estime Dominique Simonnot.
- Libération sous contrainte -
Ce mécanisme "n'a pas de sens", avait balayé le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avant la présentation de son projet de loi en Conseil des ministres, début mai.
Un mois plus tard, interpellé par les avocats à l'occasion de l'assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB) sur ce sujet, il avait mis en avant sa responsabilité "politique".
"Il y a 73.000 détenus et 60.000 places. Si vous voulez qu'il n'y ait plus de surpopulation carcérale là tout de suite, il faut que je libère 13.000 détenus", avait-il souligné.
"Si je fais ça, j'offre à l'extrême droite un cadeau inespéré", car "la société française n'est pas prête à ce qu'on libère 13.000 personnes", avait déclaré le ministre, préférant rappeler le plan de construction de 15.000 places de prison d'ici à 2027.
Eric Dupond-Moretti met également l'accent sur les effets à attendre de l'extension de la libération sous contrainte, un mécanisme qui permet depuis le 1er janvier la remise en liberté anticipée de détenus condamnés à une peine inférieure à deux ans d'emprisonnement et à qui il reste moins de trois mois à purger.