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Mayotte: un départ en métropole compliqué pour les réfugiés des Grands Lacs

Après avoir fouillé au fond d'un sac plastique, Omar Osman Adan, arrivé de Somalie à Mayotte en février, brandit le précieux sésame: un "récépissé constatant la reconnaissance d’une protection internationale" qui lui permet de rallier l'Hexagone. Mais le problème reste entier pour d'autres réfugiés comme lui: comment financer le voyage?

"J'ai de quoi payer un billet d'avion" mais "comment faire pour aller en métropole ?", questionne en anglais le jeune homme qui ne parle pas un mot de français.

A son arrivée à Mamoudzou, la capitale mahoraise, le jeune homme de 22 ans s'est d'abord installé aux abords du stade de Cavani, sous un abri en planches recouvert d'une bâche.

Mais depuis le démantèlement par les autorités de ce camp de fortune, en mars, il vit dans la rue comme 200 à 400 réfugiés originaires de RDC, de Somalie, du Burundi ou du Rwanda, et dort sur un morceau de carton, devant les grilles du stade cadenassées.

Comme lui, "la majorité des personnes qui vivent ici ont le statut de réfugié et sont sous protection internationale", assure Alain, 32 ans, originaire du Congo, qui dort lui aussi sur le bitume depuis plus de deux mois.

Mais impossible pour eux d’avoir accès à un hébergement. "Tous les dispositifs sont ultra saturés", assure Gilles Foucaud, directeur adjoint de l'association Solidarité Mayotte qui accompagne et héberge les demandeurs d'asile. "Notre parc ne compte que 535 places d'hébergement pour près de 3.600 dossiers. Et les autres associations rencontrent le même problème."

- A leurs frais -

Alors pour tenter d’évacuer la rue de Cavani, les autorités - qui ont déjà affrété aux frais de l'Etat plusieurs avions ayant permis d'acheminer plus de 300 réfugiés dans l’Hexagone - viennent de lancer un nouveau dispositif, que la préfecture refuse cependant de commenter.

"C’est un dispositif inédit", assure Gilles Foucaud. Il s’adresse à toutes les personnes ayant obtenu le statut de réfugié" et qui "leur permet d'obtenir un "laisser-passer" pour rejoindre l'Hexagone, mais à leurs frais.

"On leur demande 1.000 euros pour le billet d'avion. L'idée est de faire des vols groupés, les réfugiés n'ont pas la possibilité de choisir la date, ni le prix du billet", souligne une salariée (souhaitant rester anonyme) travaillant pour l'Association pour la condition féminine et l'aide aux victimes qui héberge également des demandeurs d'asile.

Mais l'objectif pour les personnes ayant obtenu la protection internationale est de quitter le plus rapidement possible le territoire.

"Parfois, il faut plus d’un an pour passer toutes les formalités avant de pouvoir quitter Mayotte. Avec ce dispositif, les démarches sont accélérées", précise Gilles Foucaud, qui souligne que 40 personnes ont déjà pu en bénéficier. "En France, je pourrai travailler. Et je ne vivrai plus dans l'insécurité", espère Omar Osman Adan.

- Rêve hors d'atteinte -

Un rêve partagé par Alain, allongé sur un matelas en mousse, mais qui semble totalement hors d'atteinte pour lui. "Je ne trouverai jamais une telle somme."

Pour Daniel Gros, représentant de la Ligue des droits de l’Homme, "ils sont très peu nombreux à avoir les moyens de se payer le billet".

Pourtant, quitter la rue de Cavani devient une urgence absolue. Car ici, pas d’eau potable et des agressions quotidiennes. Les seuls robinets installés à proximité du stade ont été vandalisés.

"Pour boire et se laver, il y a une source d'eau plus haut dans le quartier. Elle n'est pas propre mais on n'a pas le choix, raconte Alain. Et de jeunes délinquants nous empêchent d'y accéder, ils nous jettent des pierres, nous agressent à coup de machettes. Un ami vient d'être hospitalisé après s'être fait couper à l’avant bras par une machette."

Dans le quartier de Cavani, la présence des réfugiés d’Afrique des Grands Lacs cristallise les tensions depuis le mois de décembre dernier.

Le démantèlement du camp de fortune, était d’ailleurs la première revendication des habitants en colère ayant décidé de bloquer les principaux axes routiers pour paralyser l'île.

Depuis, ceux du quartier de Cavani s'inquiètent de la propagation du choléra, apparu dans l’archipel en mars dernier, qui a déjà fait deux morts, et contaminé 161 personnes. Une maladie qui se transmet par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés et qui pourrait se répandre rapidement dans le quartier au vu des mauvaises conditions sanitaires dans lesquelles sont laissés les résidents du campement.

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