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"Le fauteuil roulant, c'est le prolongement du corps de la personne": le gouvernement a promis que ces équipements coûteux mais indispensables seront intégralement remboursés par la Sécurité sociale en 2024. Mais les associations et les usagers s'inquiètent d'un éventuel recul pour des raisons budgétaires.
"Sans fauteuil, je ne peux pas sortir de chez moi", explique à l'AFP Marie-Léa de Torres, 27 ans. Lorsque le modèle électrique qu'elle utilisait depuis l'adolescence tombe en panne, elle doit réunir 33.000 euros pour s'en procurer un nouveau.
La Sécurité sociale et sa mutuelle couvrent moins de la moitié de la somme. Face au délai de traitement de son dossier par une structure de son département, elle décide de se "débrouiller" pour retrouver au plus vite sa "liberté": "j'ai lancé une cagnotte en ligne, mais c'est dégradant de devoir demander de l'argent à ses proches", confie cette francilienne. Elle a finalement pu acquérir un modèle d'exposition, à 19.000 euros.
A l'heure actuelle, le prix d'un fauteuil manuel peut atteindre jusqu'à 10.000 euros, celui d'un électrique jusqu'à 50.000 euros.
L'Assurance maladie rembourse jusqu'à 600 euros dans le premier cas de figure et jusqu'à 5.200 euros, dans le second. Les départements, via la prestation de compensation du handicap (PCH), participent souvent au financement, jusqu'à plusieurs milliers d'euros.
"Il y a toujours un gros reste à charge et c'est un parcours du combattant pour tenter de le diminuer", dénonce Malika Boubekeur, conseillère nationale d'APF France handicap, qui réclame depuis plusieurs années une réforme des modalités de remboursement. Or, "le fauteuil est le prolongement du corps de la personne, il s'agit d'un moyen de compensation indispensable, adapté à ses habitudes de vie."
- Des modèles non remboursés ? -
Face à cette situation, lors de la Conférence nationale du handicap d'avril 2023, le président Emmanuel Macron a annoncé que les fauteuils roulants seront remboursés intégralement à partir de 2024.
Récemment, le gouvernement a présenté aux acteurs du secteur un projet de nouvelle nomenclature, dont l'AFP a pu consulter une copie. Il prévoit une augmentation de la base de remboursement (2.600 euros pour un fauteuil manuel, 18.000 euros pour un électrique) et fixe un prix limite de vente.
Cela signifie que les modèles aux tarifs inférieurs à ces limites seraient intégralement remboursés, mais que les autres ne seraient plus pris en charge.
Dans ces conditions, la quasi-totalité des fauteuils utilisés ne seraient plus remboursés, s'est alarmée l'association.
"Ce n'est pas à la hauteur, il y a la volonté de contenir les dépenses", déplore auprès de l'AFP le député Sébastien Peytavie. Cet élu écologiste a lancé une pétition pour demander au gouvernement de respecter sa promesse de remboursement intégral: elle a déjà recueilli 60.000 signatures.
- L'autonomie en jeu -
Sollicité par l'AFP, le ministère chargé des Personnes handicapées a indiqué que "le travail" se poursuivait avec "l'ensemble des acteurs" pour "trouver la meilleure approche" afin que "chacun puisse avoir accès à un fauteuil qui répond à ses besoins", dès cet été.
"Les fauteuils roulants, manuels ou électriques, seront bien pris en charge à 100% par l'Assurance maladie et les complémentaires santé", a assuré à l'AFP la ministre déléguée Fadila Khattabi. "C'est un enjeu de justice sociale et de dignité".
Environ un million de personnes en France utilisent un fauteuil roulant. Dont des seniors à la mobilité réduite et des personnes en situation de handicap, aux besoins spécifiques.
Dossier incliné, roulette anti-bascule, possibilité de se mettre à la verticale... "Certains pourront se satisfaire d'un modèle standard mais pas tout le monde", déclare à l'AFP Fanny Soum-Pouyalet, directrice technique de l'Association nationale française des ergothérapeutes. "La personne doit être positionnée de façon sécuritaire et physiologique pour éviter toute complication liée à une position assise prolongée", telle que des douleurs ou des escarres.
Outre des problèmes de santé, si une personne handicapée possède un fauteuil inadapté, elle "ne pourra pas réaliser ses activités de vie quotidienne et elle risque de perdre en autonomie", avertit-elle.