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Une rivalité interquartiers dont personne ne sait vraiment l'origine et qui fera une victime collatérale. Quatre hommes sont jugés aux assises de Seine-Saint-Denis à partir de lundi pour la mort en 2020 d'Aman tué par balle à 16 ans sur un terrain de jeu.
De l'aveu de tous, Aman M. était au mauvais endroit au mauvais moment, étranger aux brouilles entre la cité d'Orgemont à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) et celle des Raguenets à Saint-Gratien (Val-d'Oise), séparées de moins de 2 km. Ce lycéen sans histoire voulait être chauffeur-routier.
Le 6 juin 2020, sa mère l'avait autorisé à passer la nuit chez son cousin, qui vit dans le quartier d'Orgemont. Après avoir dîné au restaurant, Aman, son cousin et sa bande de copains se sont installés près du city stade du quartier. Ils discutent, écoutent de la musique, un autre groupe fume la chicha.
L'ambiance est détendue si bien que personne ne prête attention à cette Renault Clio blanche qui passe devant eux une première fois. Le véhicule réapparait et son passager, le visage dissimulé par une capuche et un cache-nez sort de l'habitacle. Il fait feu en direction de l'assemblée qui pense d'abord à une détonation de mortier d'artifice. Le tireur va s'avancer et armer un second coup puis s'engouffrer dans la voiture pour regagner la cité voisine, à Argenteuil.
Tous ont pris la fuite au premier tir sauf un : Aman gît sur le sol, inanimé, mais il respire encore. L'adolescent a été touché par trois impacts de balles, deux aux épaules et une sur le front.
Une jeune voisine pratique un massage cardiaque sur la victime, relayée rapidement par un policier et enfin par les secours. Le décès de l'adolescent, d'une hémorragie interne, est déclaré à 4h31. La mère et le grand frère voient Aman inerte dans une mare de sang.
La vidéosurveillance va permettre de repérer la Clio blanche, reconnaissable par un signe distinctif, la vitre arrière étant brisée et bouchée par du carton, selon les déclarations de nombreux témoins.
L'un d'eux va même poursuivre la voiture jusqu'à la cité ennemie.
Son conducteur, alors âgé de 19 ans, se rend à la police. Dans une lettre manuscrite, il se dit profondément attristé par le décès d'Aman et présente ses excuses à la famille.
Il explique s'être déplacé à la cité d'Orgemont le soir des faits parce sa voiture avait été dégradée par des jeunes la veille lors d'une incursion dans sa cité d'une vingtaine de personnes armées de bâtons, de battes de base-ball et de clubs de golf.
- "Joyeux et timide" -
Depuis quelques jours, la tension était montée d'un cran entre les cités d'Epinay-sur-Seine et de Saint-Gratien à la suite d'un match de football qui, selon certains, a mal tourné. D'autres évoquent une rivalité historique mais sont incapables d'en déterminer la genèse. Cette animosité s'exprime de temps à autre par des rixes. Mais tous s'accordent sur le fait qu'Aman, qui n'habite aucun des deux quartiers, est "une victime collatérale".
Un garçon "adorable, gentil, calme, respectueux" décriront ses proches, et inconnu de la justice. Sa petite copine depuis un an le qualifie de "joyeux et timide".
La nuit du meurtre, le conducteur de la Clio veut "régler le problème" de sa vitre brisée. Il est accompagné d'un copain de quartier, âgé 18 ans, identifié comme le tireur.
Avant la descente, ils se rendent dans un immeuble où un cagibi sert de cache d'armes. Le conducteur prend une bombe lacrymogène et le passager un sac de sport dans lequel se trouve un fusil de chasse, l'arme du crime, retrouvé sous une plaque d'égout.
Le premier, âgé de 23 ans, est jugé pendant trois semaines devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour complicité de meurtre et le second, âgé de 21 ans, pour récidive de meurtre.
Un autre conducteur et son passager qui avaient suivi le premier équipage et devaient prêter assistance en cas de problème sont aussi jugés pour complicité de meurtre.
Le verdict est attendu le 10 mai.