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La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné mardi la Russie pour sa loi sur les agents étrangers adoptée en 2012, jugeant qu'elle était "arbitraire" et créait un "climat de méfiance".
La juridiction avait été saisie par 107 ONG, médias et membres de la société civile russe.
Pour la CEDH, "la législation actuellement en vigueur est stigmatisante, trompeuse et appliquée de manière trop extensive et imprévisible".
La cour a aussi estimé que "cette législation avait pour but de punir et d'intimider plutôt que de répondre à un besoin allégué de transparence ou à des impératifs légitimes de sécurité nationale".
Elle a conclu que les principes de liberté d'expression, liberté d'association et de droit au respect de la vie privée et familiale étaient violées par cette loi à l'égard des personnes physiques requérantes.
La Russie a été exclue en mars 2022 de la CEDH à la suite de l'invasion de l'Ukraine, mais les décisions de la cour continuent à s'imposer au pays pour des faits antérieurs à cette date.
- "Sanctions manifestement disproportionnées" -
Parmi les dizaines de requérants figurent International Memorial et le Centre des droits de l'homme Memorial, Radio Free Europe/Radio Liberty, des journalistes, mais aussi des défenseurs des droits de l'homme, des militants écologistes et des observateurs électoraux.
Ils ont attaqué cette législation qui les contraint à s'inscrire comme des "agents étrangers" avec comme conséquences: inspections, amendes, et restrictions de leurs activités.
"Les obligations de mentions pour les +agents étrangers+ ont été élargies au fil du temps pour s'appliquer aussi aux comptes de réseaux sociaux, aux sites Internet et, enfin, à toutes les communications, y compris les pièces produites devant les tribunaux", a rappelé la Cour.
Les requérants ont aussi pointé du doigt la charge financière et administrative importante qu'impose cette législation, qui a conduit à la dissolution de certaines ONG, dont International Memorial et le centre des droits de l'homme Memorial.
Dans sa décision, la cour a évoqué "des sanctions manifestement disproportionnées, y compris des amendes arbitraires voire la dissolution" et a estimé que "de telles restrictions ont un effet dissuasif sur le discours public et sur l'engagement civique".
"Elles créent un climat de suspicion et de méfiance envers les voix indépendantes et sapent les fondements mêmes d’une société démocratique", selon la CEDH.
- "Considérablement plus restrictif" -
Les 107 requérants avaient fait valoir que cette législation s'inscrivait dans le cadre d'une campagne systématique dirigée contre les organisations de défense des droits de l'homme et les médias critiques du pouvoir.
La Cour a encore estimé que le régime légal est "devenu considérablement plus restrictif depuis 2012, touchant un nombre bien plus important d'ONG, de médias et d'individus et s'éloignant encore davantage des normes de la Convention".
La CEDH s'était déjà penchée sur la loi russe sur les "agents étrangers", saisie par 73 ONG russes dont Memorial, principale organisation de défense des libertés en Russie.
Dans un arrêt rendu en juin 2022, les juges européens avaient estimé à l'unanimité que la loi russe de 2012 violait les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme relatives à la liberté d'expression et à la liberté de réunion et d'association.
La cour soulignait que cette loi faisait peser sur les ONG "des exigences extraordinaires en matière d'audit, de déclaration et d'affichage et le risque de lourdes amendes" et n'était pas "nécessaire dans une société démocratique".
La Cour est chargée d'appliquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans les 46 pays signataires.
La chambre basse du Parlement russe, la Douma, a adopté en 2022 plusieurs amendements qui conduisent la Russie à ne plus appliquer les décisions de la CEDH rendues après son exclusion du Conseil de l'Europe.