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Accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles, l'abbé Pierre, mort en 2007, fut pendant un demi-siècle l'infatigable pèlerin des démunis, des sans-toit et des sans-droits, ce qui lui valut le soutien et l'admiration des Français pour qui il était une des personnalités les plus aimées.
Figure iconique en France, l'Abbé Pierre est accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles commises entre la fin des années 1970 et 2005, selon un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre et publié mercredi.
Longtemps personnalité préférée des Français, défenseur inlassable des sans-abri et des mal-logés, l'Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est décédé en 2007.
Est-ce la chute d'une icône ? L'Abbé Pierre est mort à l'âge de 94 ans. Les révélations du rapport commandé par Emmaüs auraient eu un tout autre impact de son vivant. Mais à l'époque, elles étaient impossibles. Car oui, c'était une icône. Et pourtant, tout le monde savait que l'Abbé Pierre était doté d'un fichu caractère. Il n'aurait pas réussi son œuvre sans cela. Comme tout homme de caractère, il avait ses travers, son autoritarisme et ses colères sont restés célèbres. Et comme tout homme doté de pouvoir, il exerçait sur les autres à la fois une fascination, mais aussi une domination.
Des rumeurs sur ses relations avec les femmes ont couru dès les années 50. Mais à l'époque, les victimes ne parlaient pas. Lui-même, à la fin de sa vie, a confié, en 2005, dans un livre écrit avec l'essayiste Frédéric Lenoir que "La force du désir, il m'est arrivé d'y céder de manière passagère".
À l'époque, ça avait fait un peu de bruit, sans plus. On sait aussi qu'il a partagé la vie de sa secrétaire, Lucie Coutaz, pendant plus de 40 ans. Il a toujours dit que leur union était fraternelle et qu'il n'y avait pas entre eux de relation masculin-féminin. On ne le saura jamais. Mais ils vivaient sous le même toit. Et jusqu'au décès de Lucie, en 1982, ils se voyaient tous les jours.
L'histoire a tendance à effacer le rôle des femmes. Mais de facto, elle fut la cofondatrice d'Emmaüs. Et sans elle, l'œuvre de l'abbé Pierre n'aurait probablement pas eu son incroyable retentissement. C'est elle qui négociait avec les banquiers. C'est elle qui le ramenait sur terre quand ses projets étaient délirants. C'était la seule à pouvoir lui dire non. Elle a fermé les yeux sur les dérives sexuelles de l'abbé, comme bien des épouses dans bien des couples.
Quant au Vatican, que savait-il ? Sûrement beaucoup de choses. Car jamais Jean-Paul II ne l'a promu, évêque ou cardinal. Et jamais ni Benoît XVI ni François n'ont proposé de le béatifier. Alors que bien d'autres, qui n'ont pas réalisé une œuvre comparable, ont eu les honneurs de la canonisation. Quand on lui posait la question, il répondait que ce n'était pas son but, que le pape faisait son travail, et lui le sien. Certains seront choqués et déçus. Mais il faut retirer un point positif de ces révélations. L'Église a décidé de ne plus se voiler la face et d'écouter enfin les victimes.