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Un procès hors norme de plusieurs mois se profile pour l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, 73 ans, renvoyé devant la cour criminelle du Morbihan pour des viols et agressions sexuelles sur près de 300 victimes, souvent mineures.
Après "près de quatre années d'instruction", une juge d'instruction de Lorient a rendu vendredi une ordonnance de mise en accusation renvoyant Joël Le Scouarnec devant la cour criminelle du Morbihan et "retenant 300 faits, commis à l'encontre de 299 victimes", a annoncé lundi le procureur de Lorient dans un communiqué.
M. Le Scouarnec, déjà condamné en 2020 à 15 ans de détention, encourt cette fois une peine maximale de 20 années de réclusion criminelle, ajoute le magistrat.
Cette ordonnance est susceptible de recours, ce qui repousserait de plusieurs mois un procès.
Ce procès devrait se tenir courant 2025, possiblement dès "le premier semestre", avait indiqué le 26 septembre devant des journalistes le procureur général de Rennes, Thierry Pocquet du Haut-Jussé.
Le procès, prévu à Vannes, devrait durer "trois à quatre mois", avait-il ajouté.
"Cette ordonnance de mise en accusation n'est pas une surprise", a déclaré à l'AFP l'avocat de l'association La Voix de l'enfant, Frédéric Benoist.
"La Voix de l'enfant continue à s'interroger sur le fait de faire juger des viols sur mineurs par une cour criminelle et non par une cour d'assises et l'association est toujours en attente du traitement de la plainte qu'elle a déposée il y a de longs mois et qui met en cause l'institution judiciaire et les autorités de santé dans cette affaire", a-t-il ajouté.
De son côté, Me Rodolphe Costantino, conseil d'Enfance et Partage, se "réjouit de la fin de cette instruction" mais souligne "l'étrange dispositif pénal qui ne fait aucune différence entre le violeur et le violeur sériel quand bien même il compterait plusieurs centaines de victimes" et plaide pour la poursuite "d'une réflexion", à "l'initiative des associations de protection de l'enfance".
"La Fondation pour l'Enfance, partie civile, sera présente à ce procès hors norme, par son nombre hyperbolique de victimes, par sa période de prévention infinie et par le mode de découverte de ces faits par le fil des propres carnets de l'accusé", a réagi Me Céline Astolfe, avocate de cette autre association de protection de l'enfance.
Joint par l'AFP, l'avocat de M. Le Scouarnec, Thibaut Kurzawa, n'avait pas réagi en fin d'après-midi.
Placé en détention, Joël Le Scouarnec avait été mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur 312 victimes potentielles identifiées à la lumière de ses "carnets", relatant des sévices sexuels sur une période de 30 ans. L'âge moyen des victimes, des deux sexes, est de 11 ans, a établi l'enquête.
Certaines victimes ont été écartées de la procédure en raison de la prescription des faits.
- Ecrits glaçants -
L'ordonnance de mise en accusation est "assez globalement conforme à la finalité" du réquisitoire définitif rendu le 5 juillet et demandant que M. Le Scouarnec comparaisse pour des faits de "viols aggravés et d'agressions sexuelles aggravées", hormis "quelques non-lieux partiels" et "certaines requalifications", précise le procureur.
C'est la plainte en 2017 d'une voisine, une fillette âgée de six ans, à Jonzac (Charente-Maritime), qui avait permis de mettre au jour cette gigantesque affaire de pédocriminalité guidée par les écrits glaçants du chirurgien retrouvés chez lui en 2017.
Dans sa maison de Jonzac, où l'homme vivait en ermite avec des poupées, les gendarmes avaient saisi plus de 300.000 images à caractère pédopornographique.
Et c'est la découverte de milliers de pages de listings et de journaux intimes tapés sur son ordinateur qui a projeté l'affaire dans des dimensions hors normes.
Jour après jour, ce spécialiste de la chirurgie digestive a consigné les noms de ses victimes présumées, associés à une litanie de récits d'agressions pendant ses 30 ans de carrière dans des hôpitaux du centre et l'ouest de la France.
En décembre 2020, la cour d'assises de la Charente-Maritime avait condamné l'ex-chirurgien à 15 ans de réclusion criminelle pour des atteintes sexuelles sur une de ses nièces et une jeune patiente dans les années 1990, ainsi que des viols sur une autre nièce, à la même période, et sur sa voisine de six ans.