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Des tractations de couloirs, des tensions et un éventail kanak: les députés ont eu besoin de près de six heures jeudi pour réélire Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée dans une ambiance partagée entre gravité et crispations.
20H45, Yaël Braun-Pivet apprend sa reconduction dans l'hémicycle, à l'issue d'une âpre bataille en trois tours face au candidat de gauche, le communiste André Chassaigne, et au RN Sébastien Chenu notamment.
Emue, la macroniste embrasse le ministre Gérald Darmanin et monte à la tribune pour promettre de "nouvelles méthodes" dans une Assemblée fracturée en trois blocs, après des législatives où les Français sont "venus massivement aux urnes".
Un cri, anonyme, retentit dans l'hémicycle. "Ils n'ont pas voté pour vous !". Et une partie de la gauche, LFI en tête, fustige déjà des "combines" avec la droite ainsi que le vote de ministres-députés qu'elle juge "inconstitutionnel".
Quelque 500 journalistes sont présents pour cette longue journée de suspense, qui lance une XVIIe législature plongée dans l'inconnue, sans majorité claire.
Avant le vote, le LR (devenu La Droite républicaine) Olivier Marleix se présente ostensiblement avec un livre sous le bras: "La Grande Peur de juillet 1789" de l'historien Jean-Clément Martin. "Il y a dedans tous les éléments d'un moment d'instabilité", sourit-il, en filant la comparaison avec la "crise" actuelle.
Dans l'hémicycle à 15H00, l'ancien chef de l'Etat François Hollande, redevenu député de Corrèze, arrive en tout dernier, comme pour rappeler son rang.
Chargé d'ouvrir cette première séance, le doyen RN José Gonzalez (81 ans), qui avait fait polémique il y deux ans avec ses propos sur l'Algérie française se montre plus prudent.
Mais des protestations retentissent quand l'élu des Bouches-du-Rhône critique les alliances "baroques" de second tour des législatives, dans une allusion au front républicain contre l'extrême droite.
Commence le ballet du scrutin à bulletins secrets dans deux urnes installées successivement à la tribune, où le benjamin de l'Assemblée le RN Flavien Termet, 22 ans, veille au bon déroulement du vote comme le veut le règlement.
- "Un chifoumi" -
Les Insoumis ainsi que certains écologistes refusent ostensiblement de lui serrer la main, en signe de protestation contre l'extrême droite.
Le LFI François Piquemal ose même un "chifoumi", un "pierre feuille ciseau" devant le jeune élu d'extrême droite plutôt que de lui tendre la main, pendant qu'un de ses collègues insoumis lance à M. Termet qu'il ne "serre pas la main des fachos. Jamais".
"Les insoumis sont revenus encore plus gratinés que la fois d’avant… Des pitres" et des "voyous" s'insurge la RN Laure Lavalette.
En fauteuil roulant, le député écologiste Sébastien Peytavie est obligé de confier son bulletin à un huissier, faute d'accessibilité à la tribune. "Une institution encore incapable d’adapter le vote pour les personnes handicapées. La maison du peuple, vous dites ?", dénonce-t-il sur le réseau social X. A sa demande au troisième tour, les huissiers lui descendront l'urne pour qu'il puisse voter directement.
A droite, le candidat Philippe Juvin (La Droite républicaine) s'est retiré dès le premier tour et les autres camps dénoncent "combinazione" et "arrangements" avec les macronistes.
Entre les tours, François Hollande échange dans un couloir avec André Chassaigne, le candidat de gauche.
Des conseils ? "Non, je l'ai félicité pour son résultat", assure l'ancien président à l'AFP.
Les ex Premiers ministres macronistes sont dans l'hémicycle, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, démissionnaire mais toujours en charge des affaires courantes, comme son collègue de Beauvau Gérald Darmanin, sans la cravate depuis qu'il l'a ôtée dans la cour de l'Elysée après son dernier Conseil des ministres.
Juste avant la séance, MM. Attal et Darmanin étaient à Nice pour rendre hommage aux victimes du violent incendie criminel qui a fait sept morts dans la nuit de mercredi à jeudi.
Les députés siègent par ordre alphabétique lors de l'élection. Deux revenants se retrouvent côte à côte: l'écologiste Dominique Voynet, ancienne ministre comme son voisin de droite Laurent Wauquiez.
L'indépendantiste kanak Emmanuel Tjibaou, fils de l'emblématique leader Jean-Marie Tjibaou, goûte à sa première séance. "Je suis là pour porter le combat de la lutte indépendantiste", explique-t-il à l'AFP en voulant "rappeler l'obligation de sortir de la crise" en Nouvelle Calédonie. A la main, il agite un éventail aux couleurs de la Kanaky.
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