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Chaque Marseillais passant rue d'Aubagne, dans le centre, voit encore le "trou béant" laissé par l'effondrement mortel de deux immeubles insalubres qui a traumatisé la ville en 2018. Bientôt, un patio et un lieu de rencontres et d'activités devraient y remettre un peu de vie.
La mort de huit personnes, toutes locataires, dans ce drame avait jeté une lumière crue sur le problème du logement insalubre dans la deuxième ville de France où, sans que presque personne ne s'en émeuve durant des décennies, plus de 40.000 personnes vivent dans des taudis.
En imaginant le futur patio et le "lieu ressources", Linda Larbi, cousine de Chérif Zema, un père algérien de 36 ans mort ce 5 novembre 2018, confie: "On est à l'approche du procès et ça nous permet de nous dire que ce lieu ne restera pas béant".
Pour les familles, comme pour les riverains, c'était dur d'être "face à cette dent creuse, désespérément vide depuis cinq ans", "il faut que la vie revienne, (qu'il y ait) de nouveaux riverains", plaide Virginie Vallier, qui habite au 66 de la rue d'Aubagne, juste en face des numéros 63, 65, 67 touchés par l'effondrement.
Lors d'une conférence de presse mercredi, Sophie Camard, la maire des 1er et 7e arrondissements, qui a participé à la création du Printemps marseillais, une alliance citoyenne de gauche qui a ravi la ville à la droite un an et demi après cette tragédie, avait du mal, comme d'autres, à retenir ses larmes en présentant ce projet "symbolique".
Franck Caro, directeur général de la Société Publique Locale d'Aménagement d'Intérêt National (SPLA-IN) Aix-Marseille-Provence qui s'est chargée de l'étude du projet, parle lui d'une volonté de mettre "beaucoup d'humilité, de tendresse et de douceur" dans ce futur lieu dont le chantier commencera au printemps 2025 pour une livraison espérée fin 2025.
- tout sauf un sanctuaire -
Il y a eu des mois de concertation avec les familles des victimes, des élus, des associations et des riverains. Il y avait une unanimité sur le fait qu'il ne fallait "plus le vide" mais certains étaient réticents à l'idée de reconstruire puis, finalement, a émergé "un compromis sur l'idée d'un lieu ressources" municipal, raconte Sophie Camard.
Le projet proposé par le cabinet Baito a été retenu à l'unanimité.
Très concrètement, le passant verra une façade d'un étage seulement, faite de pierre de Beaulieu beige avec de grandes ouvertures. A l'intérieur, prendra place une structure modulable en mélèze des Hautes-Alpes permettant d'organiser des spectacles, des rencontres ou d'accueillir une cuisine solidaire. Devant le bâtiment, un patio méditerranéen avec une pépinière urbaine permettra une forme d'intimité, ont précisé les architectes Mathieu Menager et Maxime Sollier.
L'espace, dont le coût est estimé à 570.000 euros hors taxes, pourra évoluer en fonction de ce qu'il sera décidé pour les immeubles autour, sachant que la SPLA-IN Aix-Marseille-Provence vient d'acquérir le numéro 61.
Il y aura aussi bien sûr une partie mémorielle, dont les contours restent à préciser. Elle prendra place autour d'un contrefort, seul reste des immeubles écroulés.
"Quand ça s'est passé, on voulait tous récupérer quelque chose de nos êtres chers mais on n'a rien pu récupérer, c'est comme si on nous avait tout arraché" et "effectivement ce reste d'une colonne" est l'endroit où les familles se recueillent, explique Liliana Lalonde, mère de Julien, l'une des huit victimes.
Elle se réjouit que ce lieu ne devienne pas un "sanctuaire". Comme la mère de Simona Carpignano, jeune femme originaire des Pouilles (sud de l'Italie) qui vivait un étage au-dessus de chez Julien: "Pour nous, ce sera comme rentrer à nouveau dans la maison de Simona".
"La mort n'est pas inutile, si une vie est sauvée grâce à elle", insiste Liliana Lalonde, saluant les mesures de prévention mises par la municipalité depuis, dès "qu'on voit une fissure sur un immeuble" à Marseille.
Les responsabilités pour l'effondrement de ces immeubles insalubres seront jugées à Marseille du 7 novembre au 18 décembre, avec quatre personnes morales et physiques renvoyées pour homicides involontaires et blessures involontaires dont Julien Ruas, alors adjoint au maire chargé de la prévention et de la gestion des risques, quand la ville était encore dirigée par Jean-Claude Gaudin, maire Les Républicains pendant 25 ans.