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"Notre Europe est mortelle, elle peut mourir." Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".
"L'Europe peut mourir d'elle-même", a martelé le chef de l'Etat dans un nouveau discours sur l'Union européenne à la Sorbonne, après celui de 2017, comme en écho à sa prédiction d'une Otan en "état de mort cérébrale" avant que la guerre en Ukraine ne change la donne.
"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie (...) le risque est immense d'être fragilisé voire relégué", a-t-il averti.
Durant une heure et cinquante minutes, devant 500 invités, il a décrit une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales. Et jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" européenne étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".
"Nous sommes encore trop lents, pas assez ambitieux", a-t-il également affirmé, plaidant pour une "Europe puissance" qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".
Un nouveau mantra, après celui de "souveraineté européenne" avancé en 2017 et dont il s'est félicité qu'il se soit "imposé en Europe".
Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.
- Emprunt européen -
Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense, et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".
Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme.
Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel. Mais aussi l'introduction d'un "objectif de croissance", voire de "décarbonation" dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne, aujourd'hui cantonnée à la maîtrise de l'inflation.
Face à la concurrence de la Chine et des Etats-Unis, "le risque c'est que l'Europe connaisse le décrochage", a averti le chef de l'Etat, appelant également à réviser la politique commerciale européenne puisque ces superpuissances n'en "respectent plus" les règles.
Enfin, pour une "Europe humaniste", Emmanuel Macron a voulu "défendre une Europe de la majorité numérique à 15 ans", avec avant cet âge, un contrôle parental sur l'accès aux réseaux sociaux.
Le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes européennes, a salué les "bonnes impulsions" de son homologue pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".
- "Autosatisfecit" -
Avec les crises, "rarement l'Europe n'aura autant avancé" depuis sept ans, s'est tout de même félicité le président français. "Plus personne n'ose tellement proposer des sorties, ni de l'Europe, ni de l'euro", s'est-il réjoui, dans un tacle à l'extrême droite, qui domine les sondages en France pour le scrutin de juin.
Selon lui, les "nationalismes" ne "proposent plus de sortir de l'immeuble, de l'abattre" mais ils "proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer". Ce qui, a-t-il insisté, finirait par tuer le projet européen.
Présenté comme "institutionnel" par l'Elysée, son discours-fleuve avait officiellement comme ambition d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne.
Mais il a été largement été perçu en France comme une entrée en campagne du chef de l'Etat pour donner à son camp l'élan qui lui manque. L'opposition a d'ailleurs demandé qu'il soit "décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer", la tête de liste macroniste.
"Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a réagi la patronne du Rassemblement National Marine Le Pen, tandis que sa tête de liste aux européennes Jordan Bardella a fustigé la "séance d'autosatisfaction" du chef de l'Etat.
Dans des termes proches, le numéro un des Républicains Eric Ciotti a dénigré le "satisfecit technique habituel" d'un président français qui a fait "la leçon à la terre entière", quand la France est "le pays malade de l'Europe" dont "tout le monde parle à Strasbourg et à Bruxelles" selon le candidat LR François-Xavier Bellamy.
Même son de cloche à gauche, où la tête de liste écologiste Marie Toussaint a critiqué "un autosatisfecit parfait sur le passé et des grands concepts pour ne rien dire", tandis que sa concurrente insoumise Manon Aubry a qualifié M. Macron de "menteur et d'arnaqueur", lui reprochant de "déplorer les effets de l'impuissance qu'il a construite".