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Le Pérou a rendu samedi un dernier hommage émouvant à Alberto Fujimori, l'ancien président à la poigne de fer condamné pour corruption et crimes contre l'humanité, qui a profondément divisé le pays andin.
L'ex-chef d'Etat (1990-2000), qui a marqué l'histoire récente du Pérou en combattant les guérillas maoïstes et dopé l'essor économique du pays avec ses politiques ultra-libérales, a reçu des funérailles nationales, après être décédé mercredi à l'âge de 86 ans dans sa maison de Lima des suites de cancers.
Après trois jours de deuil national, sa dépouille a reçu les honneurs de l'État au palais présidentiel lors d'une cérémonie officielle dirigée en silence par la présidente Dina Boluarte.
A la nuit tombée, il a été enterré au cimetière de Huachipa, dans l'est de Lima, entouré de sa famille et ses proches.
Auparavant, une cérémonie religieuse s'était tenue au Grand Théâtre national de Lima, adjacent au ministère de la Culture, où depuis jeudi des milliers de sympathisants ont défilé devant son cercueil.
Dans la salle comble, seuls les membres de la famille d'Alberto Fujimori et ses proches étaient présents, face à un autel entouré de couronnes de roses blanches et d'un portrait de l'ancien président. "Chino, Chino ! ", a scandé la salle, en reprenant le surnom de celui qui était né au Japon.
"Tu es enfin libéré de la haine et de la vengeance (...) tu es libéré de ces seize années d'emprisonnement injuste (...) le peuple péruvien t'a absous de tant de persécutions", a déclaré sa fille Keiko.
Après seize années passées en prison, l'ancien dirigeant de droite avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle "pour raisons humanitaires", malgré l'opposition de la justice interaméricaine.
- "Perpétuer son héritage" -
A l’extérieur du théâtre, des centaines de sympathisants ont suivi la cérémonie sur un écran géant, brandissant des photos de l'ancien dirigeant.
"Nous allons perpétuer son héritage, car le fujimorisme ne meurt jamais, il restera dans l'histoire", a déclaré Edgar Grados, un commerçant de 43 ans disant avoir parcouru plus de cent km pour lui rendre un dernier hommage.
Après la victoire de l'ancien président sur le Sentier lumineux et l'arrestation de son chef Abimael Guzman, le magazine américain Time l'avait nommé en 1993 personnalité sud-américaine de l'année.
D'autres se souviennent cependant surtout des scandales de corruption qui l'ont touché et de ses méthodes autoritaires.
L'ex-dirigeant a été condamné en 2009 à 25 ans de réclusion pour crimes contre l'humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l'armée dans le cadre de la lutte contre le Sentier lumineux au début des années 1990: l'un dans le quartier de Barrios Altos (quinze morts dont un enfant) et l'autre à l'université de la Cantuta (dix morts).
Alberto Fujimori était aussi poursuivi pour l'assassinat en 1992 par des soldats de six paysans soupçonnés d'être liés au Sentier lumineux.
Le conflit interne des années 1980 et 1990 a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus au Pérou, civils pour la plupart, selon la Commission de vérité et de réconciliation (CVR).
- "Laissons l'histoire juger" -
Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée à la langue et, en 2018, il avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
L'ancien président avait fait irruption sur la scène publique en 1990 avec sa victoire électorale inattendue sur l'écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature.
Sa fille Keiko a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Pas plus tard qu'en juillet, M. Fujimori avait envisagé une tentative de retour aux élections de 2026, selon sa fille.
À l'occasion de ses 80 ans en 2018, il avait déclaré à l'AFP: "Laissons l'histoire juger ce que j'ai bien fait et ce que j'ai mal fait".
Sa chute avait commencé en 2000 en raison d'un scandale de corruption. Il s'était alors réfugié au Japon, son pays de naissance, et avait démissionné par fax.
Lima avait ensuite passé des années à tenter en vain de convaincre Tokyo de l'extrader. A l'issue d'une longue bataille judiciaire, ce fut finalement le Chili, où il s'était rendu en 2005, qui l'extrada deux ans plus tard.