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La France devrait avoir un gouvernement "avant dimanche", a fait savoir jeudi Michel Barnier après avoir soumis à Emmanuel Macron une liste de 38 ministres, dont 16 de plein exercice, parmi lesquels le LR Bruno Retailleau à l'Intérieur et le MoDem Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères.
Le Premier ministre a donné un vif coup d'accélérateur à la formation de son équipe et aux efforts de résolution de la longue crise politique créée par la dissolution de l'Assemblée nationale, même si toutes les embûches ne sont pas levées.
Il s'est rendu dans la soirée à l'Elysée pour un échange qualifié de "constructif" avec le chef de l'Etat, selon Matignon, qui a précisé que le gouvernement qu'il a proposé "respecte les équilibres". Emmanuel Macron "ne récuse aucun nom" parmi ceux qui lui ont été soumis, a d'ailleurs assuré une source au sein de l'exécutif.
Signe que les blocages des derniers jours, entre la droite et le "bloc central" macroniste, semblent en partie levés, les services du Premier ministre ont annoncé que le gouvernement serait "présenté avant dimanche, au regard des vérifications déontologiques habituelles".
Au bout d'une cinquantaine de minutes d'entretien, le président de la République a raccompagné Michel Barnier jusque dans le vestibule, en lui disant "merci beaucoup, à demain".
Auparavant, le Premier ministre a exposé l'architecture de son équipe et les grandes lignes de son action à venir lors d'une réunion présentée comme décisive à Matignon avec les forces politiques désireuses d'en faire partie. Mais il n'a alors divulgué aucun nom.
Le chef des députés Les Républicains (LR) Laurent Wauquiez s'est lui-même chargé d'annoncer devant ses troupes qu'il avait refusé le portefeuille des Finances et ne serait donc pas du gouvernement Barnier. En revanche, son homologue au Sénat Bruno Retailleau est proposé pour le ministère de l'Intérieur, selon des sources du parti et de l'ex-majorité.
Du côté des macronistes, le ministre MoDem démissionnaire des Affaires européennes Jean-Noël Barrot est pressenti pour les Affaires étrangères, tandis que le ministre des Armées Sébastien Lecornu devrait être reconduit, selon un responsable du bloc central.
- Dati ou Spillebout à l'Education ? -
Face à des partenaires qui faisaient monter les enchères, Michel Barnier, lui-même membre de LR, a assuré que les consultations de jeudi étaient les "dernières" avant la formation "rapide" d'un gouvernement.
A la recherche d'un difficile équilibre, il leur a annoncé envisager un gouvernement paritaire de 38 ministres dont 16 de plein exercice, parmi lesquels sept macronistes, trois issus des Républicains (LR), deux MoDem, un Horizons, le parti d'Edouard Philippe, ou encore un du parti centriste UDI.
Alors qu'il peine à trouver des personnalités de gauche, auprès desquelles il a essuyé plusieurs refus, seul un "divers gauche" figure parmi ces ministres de plein exercice. Le nom de Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique venu du Parti socialiste, a circulé, pour la Justice.
A droite, côté LR, plusieurs noms ont été cités à la suite de la réunion de Matignon. Outre Bruno Retailleau, les députés Patrick Hetzel et Annie Genevard sont pressentis respectivement pour l'Enseignement supérieur et l'Agriculture. En plus de ces trois ministères de plein exercice, LR hériterait de six autres portefeuilles, dont celui de la Laïcité pour le conseiller régional d'Ile-de-France Othman Nasrou et l'Outre-mer pour le sénateur François-Noël Buffet.
La possible arrivée à la Famille de la sénatrice Laurence Girard a aussi suscité un début de polémique à gauche. L'eurodéputée LFI Manon Aubry a exprimé sa "folle colère" en invoquant des positions "contre le droit à l'IVG" dans la Constitution et contre le mariage pour tous.
Le bloc central devrait se voir attribuer le Travail pour la députée Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance) et la Santé pour sa collègue Geneviève Darrieussecq, membre du MoDem de François Bayrou, selon un cadre l'ex-majorité.
Pour l'Education, le nom de la ministre sortante de la Culture Rachida Dati a circulé tout l'après-midi, mais dans la soirée, une source proche des discussions évoquait plutôt celui de la députée Renaissance du Nord Violette Spillebout, tout en prévenant que les noms qui filtrent ne sont pas forcément gravés dans le marbre.
Lors de ces échanges, Michel Barnier a aussi tenté d'apporter des clarifications sur les sujets qui avaient nourri des tensions avec ses partenaires. Il a affirmé qu'il n'augmenterait pas les impôts pour les classes moyennes, selon plusieurs participants.
- Déclaration de politique générale -
Cet engagement sur la fiscalité est "vital pour nous", a déclaré Gabriel Attal. Les députés macronistes avaient menacé de ne pas participer à un gouvernement prévoyant des hausses d'impôts malgré le dérapage de la dette et des déficits et la délicate préparation du budget 2025.
Michel Barnier a confirmé à ses interlocuteurs qu'il prononcerait le 1er octobre sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.
Sur l'immigration, autre dossier délicat, le Premier ministre a souhaité mettre en oeuvre le Pacte européen sur la migration et l'asile, selon un participant.
"Il y a eu plutôt un esprit de responsabilité,un soutien au Premier ministre et surtout la volonté d'apporter des réponses", a résumé un participant.
Mais un autre responsable du camp présidentiel s'est montré moins enthousiaste. Sur le programme, "on n'a levé aucune ambiguïté", a-t-il déploré après la réunion, estimant qu'il fallait encore des explications avant de pouvoir adouber le futur gouvernement.
Les embûches s'étaient accumulées ces derniers jours pour le Premier ministre.
Des tiraillements ont notamment pointé au mardi entre Emmanuel Macron et Michel Barnier, le camp présidentiel s'inquiétaient notamment du poids des LR dans le futur gouvernement.
Face aux revendications des uns et des autres, le chef du gouvernement avait expliqué avoir découvert une "situation budgétaire très grave" et estimé que cela méritait "mieux que des petites phrases".
Le calendrier budgétaire a été grandement retardé cette année par la crise politique.
L'ancien commissaire européen de 73 ans aura mis près de deux semaines pour parvenir à former son gouvernement, après de longues semaines pendant lesquelles le pays a été dirigé par l'équipe démissionnaire de Gabriel Attal.
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