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L'Allemagne a rétabli lundi, pour six mois, des contrôles à l'ensemble de ses frontières pour lutter contre l'immigration illégale, avec un risque d'effet domino et de nouvelles tensions dans le reste de l'Union européenne.
Des contrôles policiers mobiles et stationnaires avec la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark s'ajoutent désormais à ceux déjà en place aux frontières avec la Pologne, la République tchèque, l'Autriche et la Suisse.
En principe, de tels contrôles aux frontières intérieures sont proscrits au sein de l'Espace Schengen, mais en cas de menaces pour l'ordre public ou la sécurité, ils sont possibles pour une durée de six mois, avec prolongation pour une durée totale n'excédant pas deux ans.
-- "Lutter contre l'insécurité" --
A l'arrêt de tramway reliant la ville allemande de Kehl à la capitale alsacienne Strasbourg, de l'autre côté du Rhin, Werner Rendigs, un Allemand de 75 ans, juge "nécessaires" ces contrôles. "Je n'ai rien contre les étrangers mais il faut lutter contre l'insécurité", abonde son épouse Elle Rendigs, 70 ans.
De nombreux travailleurs frontaliers effectuent quotidiennement le trajet entre les deux pays, reliés par le pont de l'Europe.
Les contrôles, déjà mis en place pour l'Euro de foot en Allemagne, puis pour les JO en France ont le soutien de René Hemmert, Strasbourgeois de 69 ans: "C'est une bonne chose, à cause des problèmes d'immigration, ils ont totalement raison et on devrait faire pareil en France".
A l'extrémité orientale du pays, sur l'axe reliant l'Allemagne à la Pologne, une dizaine de manifestants, non loin du point de contrôle de Francfort sur l'Oder, brandissent des pancartes telles que "L'avenir n'est pas dans la fermeture" ou "Mondes ouverts, esprit ouvert, frontières ouvertes".
"Naturellement, ce n'est pas bien pour la ville et le trafic frontalier. Mais il faut bien un peu contrôler", affirme Waltraut, une Allemande de 77 ans, qui préfère taire son nom de famille.
"La crise migratoire touche toute l'Europe", souligne Jan Augustyniak, membre du conseil municipal de Francfort sur l'Oder et du parti d'extrême gauche, die Linke. "Il faudrait plus de coopérations pour trouver des solutions communes et ne pas laisser chaque Etat faire sa petite cuisine", estime-t-il.
-- "Strictement exceptionnelles" --
La Commission européenne a rappelé que des mesures de ce type "doivent rester strictement exceptionnelles" et plaidé pour qu'elles soient "proportionnées".
Berlin a invoqué la nécessaire "protection de la sécurité intérieure contre les menaces actuelles du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière".
Ces dernières semaines, l'Allemagne a été touchée par une série d'attaques islamistes commises par des étrangers, dont la plus meurtrière a été un attentat au couteau commis par un Syrien et revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique à Solingen (ouest) fin août. Il a fait trois morts.
Depuis, le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a durci l'arsenal anti-immigration illégale, dans un contexte électoral compliqué pour lui, avec une forte poussée de l'extrême droite lors de deux scrutins régionaux début septembre.
Une troisième élection est prévue à la fin de la semaine dans le Brandebourg, région frontalière de la Pologne.
Pendant des années, l'Allemagne a mené une politique d'asile ouverte, accueillant plus d'un million de réfugiés, essentiellement syriens, en 2015-2016 , et plus d'un million d'exilés ukrainiens depuis l'invasion du pays par la Russie.
Sous la pression politique domestique, Berlin fait désormais machine arrière.
"Aucun pays au monde ne peut accueillir les réfugiés de manière illimitée", s'est justifiée la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser, même si le nombre total de demandes d'asile au cours des huit premiers mois de l'année (160.000) a reculé de 21,7% sur un an.
"@Bundeskanzler Scholz, bienvenue au club!", a lancé sur X le Premier ministre hongrois Viktor Orban, chef de file depuis des années dans l'UE d'une ligne très dure vis-à-vis des migrants.
En Autriche, le ministre de l'Intérieur a déjà prévenu que Vienne "n'accepterait pas les personnes refoulées d'Allemagne".
En première ligne, la Grèce, a jugé que "la réponse ne pouvait pas être la suppression unilatérale de Schengen et de renvoyer la balle aux pays qui ont des frontières avec l'extérieur de l'Europe". Varsovie a parlé d'une mesure "inacceptable".