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Le brasseur Heineken a annoncé lundi la fermeture "dans les trois ans" de la dernière grande brasserie de Schiltigheim, en banlieue de Strasbourg, dans un contexte de "baisse des parts de marché", et un plan d'investissement pour les sites de Marseille et Mons-en-Baroeul (Nord). La fermeture de la brasserie alsacienne menace 220 emplois.
"Le dialogue social sera la priorité des prochains mois", fait savoir dans un communiqué le groupe, qui ambitionne de parvenir à un "accord collectif" autour d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Heineken justifie l'arrêt de cette activité par "les nombreuses contraintes auxquelles est soumis le site", son enclavement en centre-ville qui "empêche tout agrandissement", ses "coûts de production trop importants du fait de certains équipements vétustes" et sa "stratégie de diversification industrielle qui n'a pas porté ses fruits".
Un plan d'investissement de 100 millions d'euros
Les volumes produits à Schiltigheim seront transférés vers les deux autres sites de production français, à Mons-en-Baroeul et Marseille, qui bénéficieront d'un plan d'investissement de 100 millions d'euros en vue notamment de leur agrandissement et de "l'amélioration de la performance environnementale". "Ce projet de concentration de notre outil de production sur deux brasseries au lieu de trois actuellement est nécessaire pour assurer notre compétitivité en France à long-terme", a déclaré Pascal Gilet, PDG d'Heineken France, cité dans le communiqué. "Nous examinerons également avec attention toute offre de reprise du site qui pourrait être proposée."
La bière de marque Fischer, brassée en Alsace "depuis 1821" et dont l'identité alsacienne est un argument marketing, restera produite localement, dans une "micro-brasserie".
Cette annonce s'inscrit dans un contexte de "baisse des parts de marché" selon Heineken, causée par "l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie", l'impact de la crise sanitaire sur "le secteur des cafés-hôtels-restaurants" et une "concurrence accrue", notamment avec l'augmentation du nombre de micro-brasseries.
En France, le groupe annonce avoir vu ses parts de marché auprès des cafés, hôtels et restaurants reculer de 28,9% en 2016 à 23% en 2021.
C'est un coup de massue pour tout le monde
Au changement d'équipe à la mi-journée, de nombreux salariés de l'usine de Schiltigheim affichaient un visage fermé, tout en dénonçant une "demi-surprise". "Les volumes de production partaient, il n'y avait plus aucun investissement depuis plusieurs années, le matériel n'était pas renouvelé", a expliqué à l'AFP un ouvrier avec "plus de 30 ans d'ancienneté", demandant à rester anonyme. "Ça, c'était bien avant la crise sanitaire, bien avant la guerre en Ukraine. Mais là, toutes les excuses étaient réunies pour fermer. C'est de l'opportunisme, c'est cynique."
"C'est un coup de massue pour tout le monde", a concédé Didier Deregnaucourt, délégué CGT, annonçant une grève pour la journée de mardi. Un autre salarié a rappelé qu'un projet de fermeture, élaboré en 2013, avait été abandonné.
A Schiltigheim, Heineken a déjà fermé la brasserie Adelshoffen en 2000 et a été accusé de créer artificiellement les conditions industrielles et financières pour condamner le site, notamment en lui retirant la production de sa fameuse bière Adelscott, lancée en 1982, pour le déporter sur le créneau moins rentable des bières premier prix et marques distributeurs.
"Un signal d'alarme"
"Avec le départ d'Adidas (annoncé en juin, ndlr), c'est un nouveau coup dur pour la troisième circonscription du Bas-Rhin", a déploré le député LREM Bruno Studer, inquiet de la "perte d'attractivité économique" du territoire. "Cette annonce est un signal d'alarme", a-t-il mis en garde.
"L'Eurométropole de Strasbourg est fermement opposée à la fermeture de ce site industriel historique, qui fait partie du patrimoine brassicole local", a réagi dans un communiqué sa présidente, Pia Imbs, proche des écologistes.
La collectivité "ne manquera pas de mobiliser tous les moyens nécessaires pour empêcher cette fermeture et préserver l'activité économique du site", a-t-elle ajouté.
Heineken, deuxième plus gros brasseur mondial derrière AB InBev, avait enregistré en 2021 un bénéfice net de 3,32 milliards d'euros, après des pertes de 204 millions d'euros en 2020, année marquée par la pandémie de coronavirus.
Fondée au XIXe siècle à Amsterdam, la multinationale produit et vend plus de 300 marques de bière et de cidre, dont Heineken, Strongbow et Amstel, et emploie plus de 85.000 personnes à l'échelle mondiale.