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Un sixième procès lié au génocide des Tutsi au Rwanda s'est ouvert en France: un ancien médecin rwandais, Sosthène Munyemana, accusé d'avoir participé aux massacres commis en 1994, a commencé à comparaître mardi devant la cour d'assises de Paris.
Âgé de 68 ans, cet homme, aujourd'hui retraité et sous contrôle judiciaire, est arrivé en retard à l'audience censée commencer à 9H00. Vêtu d'une chemise à rayures bleues et d'une veste grise, il a présenté ses excuses pour ce retard, avant de décliner son identité.
Il est jugé pour génocide, crimes contre l'humanité, participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes, ainsi que pour complicité, et encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il conteste les faits.
Le procès, prévu sur cinq semaines, sera filmé au titre de la conservation d'archives historiques de la justice.
Il s'agit du plus ancien dossier instruit en France, au nom de la compétence universelle de la justice française, sur des faits liés à ce génocide qui a fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet 1994, selon l'ONU: la première plainte contre Sosthène Munyemana, qui avait rejoint le sud-ouest de la France après les massacres cette année-là, avait été déposée à Bordeaux (sud-ouest) en 1995, entraînant l'ouverture d'une information judiciaire.
Le gynécologue, considéré comme un notable de la région de Butare (sud du Rwanda), est soupçonné d'avoir contribué à la rédaction d'une motion de soutien au gouvernement intérimaire institué après l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana, qui a encouragé les tueries.
Il est aussi accusé d'avoir participé à un comité de crise ayant mis en place des barrières et des rondes au cours desquelles des personnes ont été interpellées avant d'être tuées.
On lui reproche enfin d'avoir détenu la clé du bureau de secteur de Tumba, où étaient enfermés des Tutsi, parfois pendant plusieurs jours et dans des "conditions indignes", selon l'accusation, avant d'être exécutés.
Sosthène Munyemana a fait valoir tout au long de l'instruction que le bureau de secteur servait de "refuge" aux Tutsi qui cherchaient un lieu de protection.
"Tout cela ne repose que sur des témoignages et date d'il y a 29 ans", observe Me Jean-Yves Dupeux, qui le défend avec Me Florence Bourg. "C'est très difficile de se fonder sur des témoignages sur des faits aussi anciens".
"On attend que justice passe enfin", déclare Me Rachel Lindon, avocate de 26 victimes et de l'association Ibuka. "Plus le temps passe, moins on a de témoins".
Six hommes ont déjà été condamnés en France pour leur participation au génocide, à des peines allant de 14 ans de réclusion criminelle à la perpétuité. Trois d'entre eux doivent encore être jugés en appel.