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"Quel gâchis": entre les barres HLM de La Morlande, à Avallon (Yonne), les habitants redoutent des retombées négatives après la garde à vue, dans une affaire de stupéfiants, de la maire Jamilah Habsaoui, une enfant du quartier symbole de l'intégration.
"C'était notre fierté". Au pied des tours de logements sociaux plus ou moins délabrées, le dépit de cette mère de famille algérienne est visible quand on lui parle de la garde à vue de l'élue âgée de 46 ans.
Les perquisitions ont permis de saisir au total environ 70 kg de résine de cannabis, près d'un kilo de cocaïne, 20 lingots d'or et plus de 7.000 euros, selon le procureur de la République d'Auxerre Hughes de Phily.
Selon une source proche du dossier, le cannabis a été découvert dans un logement dont Mme Habsaoui est propriétaire. Une information que le procureur n'a pas confirmée.
Deux de ses frères et quatre autres personnes ont été également placés en garde à vue en même temps qu'elle, selon le procureur.
La garde à vue peut se poursuivre durant 96 heures dans ce type de dossier, a indiqué lundi le procureur à l'AFP, en indiquant qu'il ne communiquerait rien de plus à ce stade de l'affaire.
Le quartier HLM de la Morlande se trouve en basse ville du gros bourg d'Avallon (6000 habitants) connu pour son cœur de ville typique et touristique.
Née il y a 46 ans dans ce quartier multi-ethnique, la maire ex-socialiste a souvent été présentée comme un exemple d'insertion.
Celle qui travaille comme préparatrice dans la pharmacie du quartier avait été élue maire en mars 2021, après avoir été conseillère municipale depuis 2014 puis première adjointe. Elle est également conseillère régionale déléguée en charge de la ruralité pour la Bourgogne-Franche-Comté, la région la plus rurale de France.
"C'est dommage. C'était bien ce qu'elle faisait pour nous", regrette la mère de famille algérienne, aux cheveux enturbannés, préférant taire son nom.
"C'est un choc", lance Évelyne Boillot, 65 ans, interrogée à la sortie de la pharmacie entourée de HLM où travaille la maire - et où une des perquisitions a eu lieu.
"C'est un peu dommage. Tout le monde l'aimait ici. Elle a fait du bien pour le quartier. Ca va retomber sur le quartier", affirme la sexagénaire, regrettant "ces commentaires sur Facebook et compagnie", souvent haineux et racistes.
- Extrême droite en poupe -
"Ca va influencer le vote aux prochaines élections (européennes), c'est sûr. Ils vont plus voter à droite et extrême-droite", craint Jean-Pierre, 65 ans. "C'est idiot parce que, moi, je la crois innocente", ajoute-t-il, préférant garder l'anonymat.
Dans le département, le RN a ravi deux sièges de députés sur trois aux dernières législatives, en 2022, et mène activement campagne pour le scrutin européen prévu le 9 juin.
"Le quartier avait déjà une réputation déjà très mauvaise. On n'avait pas besoin de ça", lance Rita Rodriguez, 46 ans.
"C'est un gâchis. Pour elle et la ville. C'était une très bonne ascension pour elle, et elle avait fait un bon démarrage ici", ajoute-t-elle, regrettant cependant qu'elle soit par la suite "devenue inaccessible" et n'ait pas réussi à amener "des entreprises" pour contrer le taux de chômage élevé.
La quadragénaire exige de "vraies élections", la maire ayant été élue en 2021 à la suite d'un vote du conseil municipal après le départ de l'ancien maire, et non après un suffrage direct.
L'opposition municipale réclame, elle, sa suspension. "En tant qu'opposition, on l'invite à se mettre en congé de ses mandats (...) jusqu'à ce que la lumière soit faite", déclare à l'AFP Sonia Patouret, conseillère municipale d'opposition et vice-présidente du département.
Le groupe des élus de gauche à la région Bourgogne-Franche-Comté, auquel appartient Mme Habsaoui préfère, quant à lui, attendre les suites de l'enquête. "On fait confiance à la justice. On ne sait rien pour l'instant. Donc on ne prend pas de décision", a déclaré à l'AFP Jérôme Durain, chef du groupe soutenant la présidente socialiste Marie-Guite Dufay.