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Une divergence d'appréciation entre la Collectivité de Corse et l'Etat sur la gestion des ports et aéroports de Corse a suscité jeudi la colère de l'homme fort de l'île, Gilles Simeoni, entraînant leur blocage par un mouvement social spontané.
Jeudi matin, Alexandre Patrou, secrétaire général aux affaires corses (Sgac) qui représentait le préfet de Corse lors de l'assemblée générale extraordinaire de la chambre de commerce et d'industrie de Corse (CCI), s'est exprimé sur le projet de créer deux syndicats mixtes ouverts (SMO) portuaire et aéroportuaire d'ici la fin de l'année.
Ces SMO devraient, selon les statuts présentés jeudi matin, accorder des concessions à la CCI insulaire afin qu'elle puisse continuer de gérer les ports et aéroports de l'île à partir du 1er janvier 2025.
Mais pour M. Patrou ce montage présenterait "un risque juridique important", ce qui a suscité l'ire du président autonomiste du conseil exécutif de l'île, Gilles Simeoni.
"C'est une déclaration de guerre et je vous le redis, pour moi ce n'est pas négociable, il n'y aura pas de groupes internationaux qui gèreront les ports et les aéroports de Corse", s'est emporté Gilles Simeoni, en dénonçant "la décision que vient d'annoncer aujourd'hui l'Etat, en catimini, sans nous prévenir et en reniant son engagement et sa parole".
En réaction, le préfet de Corse, Amaury de Saint-Quentin, a indiqué à l'AFP que l'Etat n'avait "aucune opposition" à la gestion des ports et aéroports corses par des SMO, mais que cette gestion devait avoir lieu en "régie directe" pour éviter "le risque juridique" d'une gestion en "subdélégation à la Chambre de commerce".
Il n'y a "aucune vélléité de la part de l'Etat" de confier à des groupes privés la gestion des ports et aéroports insulaires, a-t-il insisté.
- Conflit financier derrière le conflit technique -
Mais, sans attendre ces clarifications, les syndicats de la CCI, emmenés par le syndicat des travailleurs corses (STC), ont aussitôt lancé un mouvement de grève spontané qui a entraîné jeudi après-midi le blocage des quatre aéroports et six ports de l'île et de centaines de voyageurs.
"Tous les ports et aéroports de Corse sont bloqués depuis quelques heures par le STC", a déclaré à l'AFP Laurent Filippi, délégué syndical STC sur le port de Bastia. "Il n'y a plus rien qui décolle, plus rien qui atterrit et plus rien qui sort ou rentre des ports", a ajouté le délégué syndical.
Une source sécuritaire et des sources aéroportuaires ont confirmé à l'AFP ces blocages.
A Ajaccio, Adeline Didier, ingénieure commerciale en attente d’un vol pour Nice, a confié à l’AFP son désarroi: "on est arrivé à 16H30 et on n’a aucune info parce que, sur l’application, le vol passe de annulé à retardé à annulé à retardé. C’est la police qui nous a prévenus que le vol était annulé".
Pour "prendre en charge les voyageurs sans solutions", la préfecture de Haute-Corse a notamment mis à disposition des passagers bloqués à l'aéroport de Bastia un gymnase jeudi soir.
Appelant à soutenir la grève, un collectif de la jeunesse nationaliste "union de la jeunesse en lutte" a affirmé dans un communiqué jeudi soir: "l'Etat français ne doit en aucun cas laisser la Corse aux groupes internationaux, pouvant être une pierre à l'extinction de notre pays".
Mais derrière ce conflit d'apparence technique entre l'Etat et la collectivité de Corse figure une autre difficulté financière: Gilles Simeoni réclame en effet 50 millions d'euros supplémentaires à l'Etat pour compenser l'inflation non prise en compte dans la somme allouée par l'Etat pour assurer la continuité territoriale entre l'île et le continent.
Une demande qui tarde à donner lieu à une réponse du nouveau gouvernement, déjà aux prises avec la situation financière dégradée au niveau national.
"La réindexation n'est pas donnée et elle est due, ce n'est pas quémander que de le rappeler", a déclaré vendredi Gilles Simeoni à l'Assemblée de Corse.
"Si cette dotation n'intervient pas, nous serons dans l'impossibilité de maintenir l'exécution des contrats de délégation de service public dans les domaines maritime et aérien", avait mis en garde M. Simeoni fin septembre.
Cela voudrait dire "des centaines d'emplois directs menacés" chez Air Corsica, Air France, Corsica Linea, La Méridionale et "des milliers d'emplois indirects, des risques de blocage de ports, d'aéroports", avait-il ajouté.